Le 27 février 2013, un groupe de 7 responsables actifs dans les instances du parti "Europe Ecologie-les Verts" (EELV), ont publié une tribune dans "la Croix" assurant que beaucoup de militants du parti "ressentent un certain malaise" au sujet de l'extension de la PMA. Un des signataires, Pierre Minnaert, membre du conseil fédéral, a expliqué cette tardive réaction: "jusqu'alors, beaucoup d'entre nous n'osaient pas dire qu'ils avaient des réticences, craignant de paraître homophobes... On disait oui à l'égalité des droits sans vraiment entrer dans le détail".
Nous reprenons l'intégralité de cette tribune dont les média ont peu parlé.
Source: La Croix 27 février 2013
Retranscription "les2ailes.com"
Le texte intégral de la tribune
Elle a été signée par
- Jean-Luc VERET, président de la commission nationale santé EELV,médecin de santé publique, conseiller municipal de Caen ;
- Pierre MINNAERT, membre du Conseil fédéral d’EELV;
- Dominique BRENGARD, déléguée thématique EELV à la politique familiale, psychiatre de secteur public ;
- Jean-Claude HENRARD, commission Santé EELV,professeur émérite de santé publique ;
- Nicolas VILLAIN, commission santé EELV, ancien codirecteur de l’association de prévention en santé publique CNCT ;
- Brigitte ARTHUR, commission Santé EELV, inspecteur des affaires sanitaires et sociales, conseillère municipale de Saint-Mandé ;
- Dominique TESSIER, commission nationale économique et sociale EELV
"Avec les débats sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, se pose la question de l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Le principe de non-discrimination des personnes en fonction de leur orientation sexuelle est fondamental, c’est pourquoi tous les couples doivent bénéficier des mêmes droits, dont le mariage.
Cependant, l’enfant n’est pas un droit. Beaucoup de militants EELV ressentent aujourd’hui un certain malaise, car l’extension de la PMA pose des questions majeures, pas seulement en termes de droit, et que le débat collectif n’est pas abouti. Sont soulevées l’avenir des personnes conçues par PMA, le rôle de la médecine dans la société, le lien avec la gestation pour autrui (GPA),…
Le problème porte en réalité spécifiquement sur la PMA avec tiers-donneur, c’est-à-dire avec recours au sperme d’une tierce personne (aujourd’hui anonyme). Actuellement, seulement 3 % des 800 000 naissances par an résultent d’une PMA et seulement 4 % de ces PMA nécessitent le recours à un tiers-donneur (soit 0,12 % du total des naissances). Les deux partenaires du couple ayant recours à une PMA sont donc dans 96 % des cas biologiquement les parents de l’enfant. Ce serait bien sûr différent pour les couples de femmes et les femmes seules.
Source de difficultés psychologiques pour les personnes conçues ainsi
Nous observons pourtant que la PMA avec tiers-donneur peut être source de difficultés psychologiques pour les personnes conçues ainsi.
Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, le problème ne concerne pas la vie quotidienne avec l’enfant ni l’exercice des fonctions parentales. À cet égard, les modèles familiaux ont toujours été diversifiés et, dès lors que les adultes sont aimants et sécurisants pour l’enfant, respectent la construction de son autonomie et ne gardent pas le secret sur sa procréation, l’éducation ne pose pas de problème particulier, en tout cas pas de difficultés différentes de celles de toutes les familles.
Mais l’on constate aussi qu’un foyer aimant n’efface pas toujours l’inquiétude existentielle sur ses origines biologiques, souvent source d’angoisse majeure, voire handicapante pour des enfants, des adolescents ou des adultes qui s’interrogent sur celles-ci. Nous ne disposons pas d’un suivi des 50 000 personnes ainsi conçues en France depuis quarante ans, et cette absence devrait inciter à la prudence.
Or nous disposons d’indices significatifs sur le mal-être de certaines de ces personnes, relatif à l’absence de lien avec le père biologique et à la construction de leur identité.
En France, une association, Procréation médicalement anonyme, dont l’objet est la levée de l’anonymat des donneurs de sperme, a été créée en 2004. Aux États-Unis, une étude d’ampleur, My daddy’s name is donor, a révélé la même quête chez des adultes américains nés par PMA avec donneur. Dans ce contexte, certains rechercheront leur origine par tous les moyens. L’anonymat du donneur pourrait ne pas résister. Risquent de se poser alors des problèmes de relations bien difficiles…
Aujourd’hui, la PMA est conçue comme un acte médical, comme son nom l’indique ; c’est-à-dire comme un soin, le plus souvent de la stérilité, celle-ci étant comprise comme l’impossibilité biologique pour un homme ou pour une femme de procréer.
Il est difficile de considérer que la procréation pour les couples homosexuels puisse relever du soin médical, l’homosexualité n’étant pas une maladie. Ces deux types d’infertilité sont donc bien distincts et, de ce point de vue, le remboursement par l’Assurance-maladie se discute. Nous souhaitons quant à nous que la médecine évolue vers la prévention.
Une utilisation de la science qui mérite débat
Mais la procréation dans un couple homosexuel n’est pas non plus de la prévention, en tout cas pas directement. Ceci d’autant plus que les techniques utilisées, selon les cas, ne sont pas toutes dénuées de risques. Il nous semble donc qu’il s’agit ici d’une nouvelle utilisation de la science et de la technique médicale, qui mérite un débat de société.
Il s’agit de réinterroger et éventuellement d’actualiser la loi de bioéthique. La réflexion est d’autant plus nécessaire que l’évolution des pratiques de procréation assistée commence à intégrer le tri des spermatozoïdes et pourrait donc aboutir à l’eugénisme – qui rappelle de sinistres souvenirs… – et ne pas être, à terme, dénuée de risques pour la biodiversité humaine.
Enfin, une extension de la PMA serait susceptible de résoudre la question du désir d’enfants des couples de femmes et des femmes seules, mais pas celui des couples gays voire des hommes seuls. Certains ne manqueront pas de demander, au nom des mêmes droits pour tous, la GPA.
À ce sujet, s’il est souhaitable de régulariser en tant que cas particuliers les enfants nés de GPA à l’étranger et de pères français, on ne peut en revanche accepter qu’on « achète un ventre » dans un pays pauvre ni en France, et de tels comportements doivent être sanctionnés. C’est pourquoi il nous semble qu’il est sage de séparer la GPA, mais aussi la PMA, du contexte du mariage pour tou-te-s et de l’adoption, afin de prendre le temps de la maturation avec tous les acteurs concernés : psychologues, médecins, philosophes, sociologues, anthropologues et, bien sûr, les citoyens".
La réaction du bureau exécutif de EELV
Le bureau a publié un communiqué [1] regrettant et condamnant la forme, en particulier le fait que les signataires aient fait mention de leur fonction dans les instances du parti pour afficher des "positions contraires à celles débattues et approuvées collectivement par le parti".
Sur le fond, Pascal Durand, secrétaire national d'EELV, estime que "en tant qu'écologiste, je suis évidemment favorable à toutes les interrogations sur la science et ses limites, mais remettre en question la PMA uniquement quand on parle d'ouvrir ce droit aux homosexuels, c'est inopportun. Même si les signataires sont de bonne foi, ce dont je doute pour certains, cela revient à jeter la suspicion sur les familles homosexeulles".
Sergio Coronado, député EELV et dont Wikipedia dit que, depuis "juin 2012, il a affiché publiquement son homosexualité", veut clore le débat avec les contestataires: "La question a déjà été maintes fois tranchées. Si certains veulent re-débattre, on peut. Et on les battra à nouveau car ils sont ultra-minoritaires".
Commentaire "les2ailes.com"
On aura noté la sémantique utilisée par le bureau exécutif: "familles homosexeulles", et le chantage permanent à l'homophobie qui conduit les contestataires à différer leurs prises de parole, "craignant de paraître homophobes".
[1] Source: La Croix du 5.3.2013, n° 39523, page 5