La méthode de stérilisation tubulaire sur les femmes, appelée méthode « Essure », était jusqu’ici réservé aux femmes de plus de 40 ans. Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), dans son avis du 3 avril 1996 avait précisé: « que cet état de fait appelle un débat de société sur les situations dans lesquelles on peut estimer que la suppression de la capacité de procréer est moralement acceptable ». Il s’insurgeait contre le fait que « certains chirurgiens pratiquent des interventions aux conséquences stérilisantes sans respecter toujours l'exigence d'une information et d'un consentement préalables ».
Malgré tout, la loi du 4 juillet 2001 réservait la méthode Essure de stérilisation tubaire permanente uniquement pour les femmes ayant des contre-indications médicales ou thérapeutiques.
Désormais, sans aucun débat,  cette condition vient d’être supprimée ! Qu’en est-il ?

Source: Le Quotidien du Médecin.fr  du 19/11/2012

Commentaire: "les2ailes.com"

Qu’est ce que la méthode "Essure" ?

« Essure » est une méthode de contraception définitive pour les femmes, développée par la société Conceptus Inc. Il s’agit d’une société américaine dont le siège social est 1021 Howard Avenue à San Carlos, CA, USA 94070. Son président est Kathryn A. Tunstall  et son DG est Mark M. Sieczkarek.
Le contact en France est à Versailles, 7 rue du Maréchal Foch.
Conceptus a déposé les marques suivantes : Conceptus, Essure, Your Family is Complete (« votre famille est au complet ») et Your Choice is Clear (« votre choix est évident »)!

Une stérilisation présentée de façon mensongère comme une « contraception »

Conscients qu’il s’agit d’une dérive grave, les promoteurs et les autorités de santé présentent cette technique en juxtaposant deux mots :
-   Celui, rassurant, de « contraception »,
-   Qualifié d’un adjectif « définitive »
Cette sémantique entretient la confusion avec le concept de « stérilisation » qui aurait pu inquiéter l’opinion publique. Il s'agit pourtant bien de cela!

Une première disposition limitait cette pratique à des contre-indications médicales ou thérapeutiques.

Le 4 juillet 2001, la pratique de la stérilisation tubaire à visée  contraceptive a été légalisée (loi 2001-588 « art.L.2123-1 »). Cette loi stipulait  néanmoins que :  "la ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive  ne peut pas être pratiquée sur une personne mineure.
Elle ne peut être pratiquée que si la personne majeure intéressée a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences.
Cet acte chirurgical ne peut être  pratiqué que dans un établissement de santé et après une consultation auprès d'un médecin.
Ce médecin doit au cours de la première consultation : informer la personne des risques médicaux qu'elle encourt et des conséquences de l'intervention, lui remettre un dossier d'information écrit
".
A la suite de cette loi, la caisse d'assurance Maladie avait décidé le 26 mai 2010 que cette loi serait "réservée aux femmes de moins de 40 ans et "ayant des contre-indications majeures aux contraceptions hormonales ou dispositifs intra-utérins et ayant des pathologies contre-indiquant la grossesse"

Une décision grave pour des femmes en général vulnérables.

La loi de 2001 prévoit que « l'intervention ne peut être réalisée qu'à l'issue d'un délai de réflexion de quatre mois après la première consultation médicale et après une confirmation écrite par la personne concernée de sa volonté de subir une intervention ».
La Haute autorité de Santé avait  recommandé en décembre 2004 de "n’envisager cette méthode chez les femmes jeunes ou nullipares qu’avec la plus grande réserve et la plus grande précaution"  et aussi ce qui suit: « Il est recommandé d’évoquer de manière systématique avec la femme qui envisage cette méthode le risque de regret potentiel et d’explorer avec elle ses motivations et son désir d’enfant ».
Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), dans son avis du 3 avril 1996, a écrit : « certaines personnes, souvent vulnérables, n'ont aucune demande de stérilisation, mais se la voient proposée dans des conditions discutables quant à leur consentement. Par ailleurs, certains chirurgiens pratiquent des interventions aux conséquences stérilisantes sans respecter toujours l'exigence d'une information et d'un consentement préalables.» et constatait : «qu'un manque de clarté quant à l'état du droit en vigueur se traduit dans la pratique par des conceptions divergentes de ce qui est acceptable en matière de stérilisation ».
Il en concluait : « que cet état de fait appelle un débat de société sur les situations dans lesquelles on peut estimer que la suppression de la capacité de procréer est moralement acceptable ».
Malgré cette recommandation, le débat n’a jamais eu lieu. Au contraire, la pression du planning familial s’est accrue pour faire sauter la limite d’âge.

Une pétition prise sous la pression du « Planning familial ».

Il s’agit d’une suite donnée à la saisine de La HALDE, le 24 janvier 2011, « par la présidente du Planning familial de la décision de l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) portant sur le non-remboursement d’un dispositif de contraception  féminine définitive - la méthode ESSURE - pour les femmes âgées de moins de 40 ans ».
Elle a été lancée par «essure-pour-tous@voilà.fr» le 19.8.2012 et a royalement obtenu… 13 signatures !

Une consultation sans débat national

Dominique Baudis, en tant que défenseur des droits, successeur de la Halde, a décidé « de formuler la recommandation suivante au ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé : supprimer la condition d’âge exigée pour bénéficier de la prise en charge du dispositif et de la pose d’ESSURE. » (décision n° 2012-41).
De son côté la Haute Autorité de Santé a émis, elle aussi, un avis favorable le 20 mai 2012.

C'est donc, sans débat public, qu'une simple décision d'un "collège de directeurs" de la UNCAM vient de libéraliser encore plus l'accès à la stérilisation pour tous en la rendant gratuite [1]

Le traumatisme "post-stérilisation"!

Avec la disparition de la limite d’âge, il faut craindre que de jeunes femmes, ne se soumettent, de plus en plus, à une pression concomitante de nombreux facteurs :
-     celle de conjoints ne souhaitant pas d’enfants
-   le refus de la contraception classique jugée trop contraignante, insuffisamment efficace et peu écologique
-     la crainte, en cas d’échec de la contraception, de devoir recourir à l’IVG
-     les conditions de fragilisation classique face à une grossesse pas toujours désirée.
Le problème de cette alternative est qu’elle est définitive. Peut-on parler d’une décision libre quand une femme est soumise à ce type de contraintes ? Qu’en sera-t-il lorsque les conditions changent.
On connait le traumatisme post-avortement. Il est probable que, dans quelques années, on  parlera de véritables traumatismes « post-stérilisation » qui entraîneront des états dépressifs d’autant plus graves qu’ils concerneront des femmes jeunes.
Mais, qui parle de ces traumatismes? Pour voir le désert de réflexion sociétal sur cette question, il faut faire l'expérience de taper « traumatisme psychologique après stérilisation » sur internet. La première page qui sort est celle du « forum santé » de « Doctissimo ». On s’attend à trouver des mises en garde. Eh bien non. Il s’agit d’un forum sur la stérilisation des chattes : « elle se laissait toucher le ventre. Maintenant, elle a peur et n’aime plus cela… Un mauvais souvenir… Ce sont des animaux très sensibles… » ! Quand aura-t-on le même égard pour les femmes ? Dans cette affaire, la femme n'est-elle pas ramenée au rang d'un animal de compagnie pour l'homme. Le plus souvent, c'est en effet lui qui fait pression pour que sa partenaire ne soit enceinte à aucun prix.

Des statistiques inquiétantes

On a tout lieu d’être inquiet, quand on voit les statistiques de ces stérilisations : 50 000 femmes/an en France ont choisi Essure, c’est ce qu’annonce la société qui la commercialise.
La stérilisation tubaire atteint 17% dans le monde, le taux le plus important étant en République Dominicaine (39%), et le plus faible dans les pays d’Afrique (1 à 2%). En France, il est estimé à 7,1%  (30.000 stérilisations/an).
Ce chiffre paraît faible. Mais cela signifie qu'en une génération de 25 ans, il y aura 750.000 femmes stérilisées en France! Certes, une certaine proportion parmi elles aura franchie le seuil de la ménopause. N'y aurait-il que 500.000 femmes stérilisées en âge de procréer, cela représentera, malgré tout, près de 10 % des femmes en âge de procréer! Il ne faudra pas s'étonner de voir 500.000 cas de détresses psychologiques supplémentaires quelques années ensuite!

Une décision illégale à deux titres qu'il faut rappeler à votre député:

1- Cette décision viole le principe d’inviolabilité du corps humain

La loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 est formelle : « Article 16.3- Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité thérapeutique pour la personne. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement ».
Il n’y a pas deux lectures possibles  de cette loi: l’inviolabilité est posée au mode « passif » : « il ne peut être porté… ». Peut importe celui qui porterait atteinte à cette intégrité, que ce soit un tiers ou l’intéressé lui-même ! Dans les deux cas, il s’agit d’un interdit.
Cet interdit n’est possible à lever que s’il y a « nécessité thérapeutique », et c’est dans ce cas seul que le consentement de l’intéressé vient se surajouter à cette condition thérapeutique préalable. Autrement dit,
- non seulement nul n’a le droit, tout médecin qu'il soit, de mutiler quelqu’un d’autre,
- mais personne ne peut non plus se faire mutiler, tout consentant serait celui qui le demande!
Cette loi a été intégrée au code civil et pas seulement dans le code de santé publique, ce qui lui donne une force particulière.
La Convention pour la Protection des Droits de l’homme et de la dignité de l’être humain prononcée le 4 avril 1997 par le Conseil de l’Europe dit la même chose : « Art. 1. Les parties protègent … le respect de son intégrité … à l’égard des applications … de la médecine ».

Cette notion de respect dû au corps repose sur un double principe.
- D’un côté l’inviolabilité qui suppose qu’aucune atteinte ne peut être faite à l’intégrité du corps humain.
- D’un autre côté le fait que le corps humain ne peut faire l’objet d’un droit patrimonial au sens où il est hors commerce.
Si nous commençons à nous estimer propriétaires de notre corps, nous pourrions, sous diverses pressions, accepter
- de nous mutiler, (stérilisation, …)
- de louer nos organes (mère porteuse, …)
- ou de vendre nos organes (vente de reins, d’yeux, etc…)
La loi veut nous empêcher de nous considérer comme propriétaire de notre corps, pour éviter toutes les dérives possibles. Considérer que quiconque puisse être propriétaire de son corps revient à nier son statut de personne. En interdisant la marchandisation du corps, qui peut aller jusqu’à l’esclavage, on veut éviter une tension entre le fait d’être soi-même et le fait de pouvoir disposer de soi comme d’une chose.

2- Cette décision viole la loi de bioéthique de 2001

L’article 46 de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique dispose que « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous la forme d’états généraux ».
La décision prise sans débat relève pourtant:
-   de l’éthique, puisque la loi loi 2001-588 prévoyait une clause de conscience pour ne pas obliger les médecins à exécuter les actes de stérilisation: « Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer cet acte à visée contraceptive mais il doit informer l'intéressée de son refus dès la première consultation » (Loi 2001-588 « art.L2123 -1 »).
-  de la santé, tant physique qu'au moins psychologique, puisque la loi prévoit des précautions et un délai de quatre mois de réflexion pour les femmes.
Les autorités de santé, décidément, n’aiment pas le débat public sur les questions sensibles !

Vaut-il mieux accepter une stérilisation que de pratiquer un avortement ?

C’est l’argument développé par les promoteurs de la décision de faciliter les stérilisations.
Il ne s'agit pas ici de poser un jugement moral sur l'avortement, mais de réfléchir à la question des actes à multiples effets. Sur l'avortement, nous renvoyons l'internaute à une autre réflexion faite sur le site "ordinatissima.com"

En  matière d'actes à multiples effets, il ne pas confondre,
-  L’acte à double effet qui résulte d’une situation de conflit entre un bien et un mal.
[Soins palliatifs = soigner la douleur (bien) + risque d’abréger la vie (mal)]
-  Le moindre mal qui est une situation de conflit entre deux maux liés par un même acte.
[Accouchement à risque = choisir la mère (mal) + choisir l’enfant (autre mal)]
-  Le conflit posé entre un mal contre autrui et un autre mal pour moi.
[Avortement = choisir entre autrui (l’enfant) ou moi (ma détresse)]

Face à ces situations, les solutions sont à rechercher dans les directions suivantes :
-  Choisir en conscience, en Vérité éclairée et en liberté prudentielle
-  Etre guidé par la finalité positive de l’acte s’il y a un bien et un mal
-  Privilégier l’effet direct de l’acte sur l’effet indirect éventuel
-  Etre guidé par la proportionnalité des effets de l’acte
-  Vérifier l’absence de solutions alternatives sans effets négatifs

Se poser la question de savoir s’il vaut mieux une stérilisation qu’un avortement relève typiquement d’une fausse dialectique dont jouent les promoteurs de l’extension de la stérilisation. En effet :
-  Il ne s’agit pas d’un acte à double effet, car il n’y a pas d’un côté un bien (ne pas avorter) qui nécessiterait un mal (la stérilisation). Il y a deux actes dans le temps et dans des circonstances différentes qui doivent faire l’objet de deux délibérations en conscience à des moments différents.
-  Il s’agit pas non plus d’un moindre mal, car les effets ne sont pas liés : Refuser la stérilisation n’induit pas que la personne devra avorter. On sort du domaine de la délibération morale pour entrer le domaine de la sociologie ou de l’épidémiologie. Cette science doit observer les contraintes idéologiques, sociétales et médiatiques d’une époque, et n’a rien à voir avec la réflexion morale objective. On est dans le domaine de l’éthique dite de responsabilité et non de l’éthique de conviction[2].
-  Il s’agit d’un conflit entre deux personnes, mais qui ne sont pas liés par une même décision. La stérilisation est une mutilation sur moi alors que l’avortement n’est pas une atteinte contre autrui qui n’existe pas encore et qui n’est qu’une situation putative (qui peut se produire).

Poser la question en termes de préférence de la stérilisation à l'avortement risque donc de ne relever que d'une dialectique jouant d'émotions et non de la conscience morale.


[1] Texte général du Ministère des affaires sociales et de la santé - décision du 2 octobre 2012 de l'Union Nationale des caisses d'assurance maladie n° NOR AFSU 12000237S, prise par un "collège de directeurs" de la UNCAM - article 2-2 de la décision - journal officiel du 14 novembre 2012). Cette décision indique que "A la subdivision 08.04.01.02, "ligature et section de la trompe utérine" la note d'indication de l'article JJPE001 "intervention unilatérale ou bilatérale de la perméabilité des trompes utérines par insertion de dispositif intratubaire, par hystéroscopie, est modifié comme suit: "Indication: femmes majeures en âge de procréer et souhaitant une stérilisation tubaire permanente comme moyen de contraception définitive et irréversible".

[2] Rappelons que l’éthique de conviction est fondée sur le résultat de l’acte, alors que l’éthique de responsabilité n’est fondée que sur l’étude sociologique des conséquences d’une décision généralement d’ordre politique..
L'éthique de conviction se préoccupe des sources présidant à l'action, Vérité, Liberté et conscience objective des résultats de l’acte alors que l’éthique de responsabilité accepte de prendre subjectivement conscience des risques qu'entraîne logiquement toute décision et s'appuie sur une estimation raisonnée, mais qui n’en reste pas moins subjective, des conséquences prévisibles. La moralité des responsabilités subjectives n’annule pas la moralité objective d’un fait. L’obligation morale persiste de faire en sorte que ce soit la subjectivité qui s’adapte à l’objectivité et non l’inverse.