A l’approche des élections présidentielles de 2012, certains électeurs observent la réaction des candidats aux « points non négociables », que Benoît XVI avait résumés dans un message de 2007.
La tentation peut être grande de reporter sur eux la responsabilité de la situation française qui fait que, aux dires de l’INED, plus de 40 % des femmes en âge d’avoir procréé ont avorté au moins une fois dans leur vie !
Or la ligne qui sépare le bien et le mal ne passe pas entre ceux qui sont favorables à la loi Veil et les partisans d’une abrogation; ni entre les médecins qui pratiquent l’IVG et ceux qui s’y refusent en conscience, ni entre les discours des différents partis politiques. Soljenitsyne, répondait que cette frontière : « passe au travers de chaque cœur humain ». Les questions à se poser sont donc bien d’ordre personnel. A travers chacun de nous, n’est-ce pas toute l’Eglise qui est complice de ces détresses ?
Nous nous proposons de réfléchir à ce que Benoit XVI avait demandé à l’Eglise d’Irlande dans une situation certes différente –celle des actes de pédophilie-, mais très comparable dans l’analyse.

Commentaire "les2ailes.com"

Les points non négociables de Benoit XVI

Le Pape les a rappelés dans l'exhortation apostolique Sacramentum Caritatis (22 février 2007) au paragraphe 83 : "cela vaut pour tous les baptisés, mais s'impose avec une exigence particulière pour ceux qui, par la position sociale ou politique qu'ils occupent, doivent prendre des décisions concernant les valeurs fondamentales, comme le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle, comme la famille fondée sur le mariage entre homme et femme, la liberté d'éducation des enfants et la promotion du bien commun sous toutes ses formes. Ces valeurs ne sont pas négociables. Par conséquent, les hommes politiques et les législateurs catholiques, conscients de leur grave responsabilité sociale, doivent se sentir particulièrement interpellés par leur conscience, justement formée, pour présenter et soutenir des lois inspirées par les valeurs fondées sur la nature humaine. Cela a, entre autres, un lien objectif avec l'Eucharistie (cf. 1 Co 11, 27-29). Les Évêques sont tenus de rappeler constamment ces valeurs; cela fait partie de leur responsabilité à l'égard du troupeau qui leur est confié."

La lettre pastorale de Benoit XVI

Comment les chrétiens de France recevraient-ils une lettre comme celle que Benoit XVI a écrite le 19 mars 2010 à l'église d'un autre pays, dans les termes suivants, et qui propose « un chemin de guérison, de renouveau et de réparation….Pour guérir de cette blessure douloureuse, l’Église [de votre pays], doit d’abord reconnaître, devant le Seigneur et devant les autres, les graves péchés commis contre des enfants sans défense. Au cours des dernières décennies, …la tendance,… à adopter des façons de penser et de considérer les réalités séculières sans référence suffisante à l’Évangile, a été déterminante… Je veux vous exhorter tous, en tant que peuple de Dieu, ... à consacrer vos pénitences du vendredi, pendant une année entière, d’aujourd’hui jusqu’à Pâques 2011, à cette intention. Je vous demande d’offrir votre jeûne, votre prière, votre lecture de la Sainte Ecriture et vos œuvres de miséricorde pour obtenir la grâce de la guérison et du renouveau pour l’Eglise [de votre pays]. Je vous encourage à redécouvrir le sacrement de la Réconciliation... Dans chaque diocèse, il devra y avoir des églises… affectées à cette fin. Je demande que les paroisses… organisent des temps d’adoration eucharistique, de manière à ce que tous aient la possibilité d’y prendre part ».

Le 22 mars 2010, le cardinal Bagnasco, Président des évêques italiens, a commenté cette lettre: « L’exacerbation de la sexualité détachée de son sens anthropologique, l’hédonisme à tout va et le relativisme … font beaucoup de mal parce qu’ils sont spécieux et omniprésents. Alors il faut que nous recommencions tous à appeler les choses par leur nom, toujours et partout, à identifier le mal dans sa gravité croissante et ses manifestations multiples, pour ne pas nous trouver, avec le temps, face à la prétention d’une aberration revendiquée sur le plan des principes »[1]. Cette culture hédoniste devient si répandue que le peuple chrétien, lui-même, en arrive à justifier l'injustifiable. Ne sommes-nous pas un peu complice ?

Une forme de profanation du Temple de Dieu nécessitant réparation publique ?

Mgr Dubost a dit son émotion devant l’Eglise de Morangis profanée le 10 février ! Il a rappelé le sens de la « cérémonie de réparation » qui a suivi.  Elle consiste à se souvenir de ce dont le cœur du Christ a été victime. C’est une prière de renouvellement de la consécration du temple. Sans elle, aucun sacrement ne peut être célébré dans un temple profané. Ce rituel, est inspiré de l’encyclique de 1928 du Pape Pie XI, « Domini redemptoris » qui, certes dans un autre contexte, disait: « Quand les Apôtres demandèrent au Sauveur pourquoi ils n'avaient pu, eux, délivrer de l'esprit malin un démoniaque, le Seigneur répondit: " De pareils démons ne se chassent que par la prière et par le jeûne ". Le mal qui aujourd'hui ravage l'humanité ne pourra de même être vaincu que par une sainte et universelle croisade de prière et de pénitence».

Or, la tradition nous enseigne qu’un Temple n’est pas qu’un édifice en pierre : tout le peuple est Temple de Dieu, puisque chacune de nos personnes est Temple de Dieu.

Si chacun de nous, chrétien constitutif de l’Eglise, est complice des détresses de tant de femmes acculées à se tourner vers l’IVG, n’est-ce pas toute l’Eglise de France qui est en quelque sorte profanée par ce scandale ? Ne devrait-elle pas faire une démarche publique de « réparation »? C’est exactement à cela que Benoit XVI a appelé tout un peuple.

Quelle prière de réparation ?

Chaque vendredi et dans chaque diocèse, une église pourrait être choisie de manière tournante,  dans laquelle la communauté paroissiale célèbrerait publiquement cette « Prière de Réparation ». La prière retenue pourrait être celle de Mère Térésa dont voici quelques extraits :

« Ô Cœur Sacré de Jésus, Humblement prosternés devant Vous, nous venons renouveler notre consécration, avec la résolution de réparer, dans un plus grand amour… envers Vous, tous les outrages que le monde Vous fait subir. Nous prenons l’engagement que :…
- Plus Vos sacrements sont méprisés et abandonnés, plus nous les fréquenterons avec amour et respect,
- Plus l’orgueil et la sensualité tendent à détruire l’esprit d’abnégation et l’amour du devoir, plus nous nous efforcerons de nous dominer,
- Plus la loi sainte du mariage est négligée et violée, plus nous la suivrons avec amour et fidélité,
- Plus les mères détruisent la présence et l’image de Dieu par l’avortement, plus nous sauverons de ces enfants encore à naître, par la prière, et en dissuadant les femmes enceintes de vouloir recourir à l'IVG.
Ô Cœur Sacré de Jésus ! Donnez-nous une grâce qui soit si forte et si puissante, qu’elle nous permette de devenir Vos apôtres au cœur du monde, ... Amen ! »

Des veillées annuelles de prière pour la vie naissante?

Le 14 juin 2010, le Cardinal Llovera, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin, et le Cardinal Antonelli, Président du Conseil Pontifical pour la Famille avaient écrit à Mgr Vingt-Trois la lettre suivante : "Samedi 27 novembre prochain, le Saint-Père célèbrera en la Basilique Saint-Pierre de Rome une « veillée solennelle pour la vie naissante », en même temps que les Premières Vêpres de l’Avent et dans la perspective prochaine de noël. Outre les Vêpres, la veillée comprendra une adoration eucharistique afin de remercier le Seigneur qui, par le don de lui-même, a donné sens et valeur à chaque vie humaine, mais aussi pour invoquer sa protection sur chaque être humain appelé à vivre.

Le Saint-Père désire que, dans les Eglises particulières, les Evêques président des cérémonies analogues en y faisant participer les paroisses, les communautés religieuses, les associations et les mouvements. C’est pour cela qu’il nous charge de lancer cette invitation en son nom.
Nous sommes tous conscients des dangers qui, aujourd’hui, menacent la vie humaine en raison de la culture relativiste et utilitaire qui étouffe la perception de la dignité propre de chaque personne humaine, à n’importe quel stade de son développement. Nous sommes appelés, plus que jamais, à être « le peuple de la vie » (Jean-Paul II, Evangelium Vitae, 79), par nos prières et notre engagement. Avec cette Veillée célébrée dans toutes les Eglises particulières, en union avec le Saint-Père, pasteur universel, nous obtiendrons par des prières la grâce et la lumière du Seigneur pour la conversion des cœurs et nous donnerons un témoignage ecclésial commun pour une culture de la vie et de l’amour.

Nous sommes convaincus qu'en qualité de Président de la Conférence épiscopale, vous saurez entraîner à temps et de la manière qui convient tous les évêques de votre Pays, afin qu'ils puissent insérer cette initiative dans leur programme".

Plus de 500 veillées ont été organisées à cette occasion en France. De nombreux modèles liturgiques ont circulé pour aider à la préparation de ces veillées. Il est à noter que la plupart commençait par une entrée en procession avec une image de la Très Sainte Vierge Marie dont il était précisé qu’elle « devait avoir un  caractère pénitentiel, pour toutes les atteintes à la vie de sa conception à son terme naturel ».[2]

Quelle action à titre personnel?

L’Eglise rappelle, dans Dignitatis Personnae, (introduction §3) qu’elle « veut être présente aux côtés de toute personne souffrante dans son corps et dans son âme, pour offrir non seulement un réconfort, mais aussi la lumière et l’espérance,… ».

Chaque chrétien, pendant cette prière de « réparation », est-il prêt à se poser les questions suivantes :
-  En quoi suis-je responsable, personnellement, de toutes ces transgressions sociales ?
-  Quelle contribution est-ce que j’apporte à la Vérité
-  Suis-je capable de dire « le bien est bien » ou « le mal est mal », sans jeter la pierre à celui qui « fait le mal » ? Ne suis-je pas tenté, plutôt, d’être un « témoin silencieux » ?
-  Combien de fois suis-je amené à juger mon prochain en disant : « tu as bien fait », alors que j’aurais du dire: « je te plains » ?
-  Que ferais-je si ma femme [ma compagne] m’annonçait une naissance imprévue?
Accepterai-je un changement de vie, au risque de combien de sacrifices matériels?
-  Que ferais-je si mon mari [mon compagnon] me disait: « je ne veux pas en entendre parler » ? Accepterai-je un changement de vie, même au risque de le perdre?
-  Avant de m’engager définitivement avec celui –ou celle- qui sera le père – ou la mère- de mes enfants, ai-je la conviction d’avoir avec lui –ou elle- un projet éducatif commun pour nos enfants et que ce projet devra fondamentalement privilégier le bénéfice de la vie?
-  Au moment où mes enfants recevront une « éducation sexuelle à l’école » serais-je prêt (e), à anticiper et leur faire prendre conscience qu’ils sont appelés à une véritable culture de vie?
-  Que ferais-je, enfin,  si ma meilleure amie, ma fille ou ma petite-fille, me décrivaient leur « détresse » et leur décision d’avorter?  Accepterai-je de me mettre à leur service, au risque d’un changement de vie ?

 


[1] ROME, Lundi 22 Mars 2010 (ZENIT.org)

[2] http://diocese-alsace.fr/docs/diocese/veillee_pour_la_vie.pdf