Lors de son audition devant le Sénat, le 25 juin 2008, Axel Kahn, avait déjà déclaré « que les enfants nés au moyen de l’ICSI semblaient rencontrer davantage de problèmes de santé que les autres, contrairement à ceux nés au moyen d'une FIV classique ».
Pourquoi ? On imaginait déjà des explications. La dernière est celle de l’INRA qui montre que le milieu de « culture » des embryons influence le développement des nouveaux nés.
Le biologiste Jacques Testart juge les résultats "troublants": "cela confirme les inquiétudes qu'on pouvait avoir sur des manipulations un peu hasardeuses".
Qu’en est-il ?

Sources : Sénat - Session  2007-2008- Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 2008)
CNRS : communiqué de presse 4.9.2003
Le Monde Science et Techno (Hervé Morin) 31/12/11 et 01-02/01/12

Commentaire  "les2ailes.com"

Les inquiétudes concernant les FIVETE

Axel Kahn, avait déjà déclaré « que les enfants nés au moyen de l’ICSI semblaient rencontrer davantage de problèmes de santé que les autres, contrairement à ceux nés au moyen d'une FIV classique ». Ce risque accru d’anomalies chromosomiques transmises a été évoqué également dans l'étude du conseil d’état « la révision des lois de bioéthique" du 9.4.2009. 
Les inquiétudes ne se limitent pas à ce point. Le rapport sur l’évaluation de l’application de la loi du 6.8.2004 relative à la bioéthique, parlait également (rapport  tII, p.169-171) d'un risque d’infertilité chez le garçon conçu.
C'en est au point que la Haute autorité de santé estime que « l’information des parents concernant le risque d’infertilité chez les descendants est nécessaire ». Elle estime d'ailleurs que « l’ICSI n’a fait l’objet que de très peu d’expérimentations animales préalables »  (source : évaluation de fécondation in vitro avec ICSI ; indications, coût efficacité et risques pour la descendance- déc 2006, pp. 103 et 112). 
Le Comité consultatif d’éthique  conclut : « il pourrait être reproché aux pouvoirs publics d’avoir accepté que se développent des techniques de FIV sans s’assurer de leur innocuité …» (source : CCNE avis n° 75 du 12.12.2002)

La bioéthique est décidément un domaine où le "principe de précaution" s'applique bien peu! Pourquoi?

Deux pistes s'ouvrent pour expliquer scientifiquement ces problèmes:

Le rôle de l’hérédité mitochondriale

Les travaux d’une équipe du CNRS dirigée par Pierre Roubertoux, avaient expliqué en 2003 le rôle insoupçonné de l’ADN mitochondrial.
Chaque cellule contient deux génomes :
* le génome nucléaire (contenu dans le noyau) compte 30 000 gènes environ,
* et le génome mitochondrial (contenu dans la cellule mais hors du noyau) en compte seulement 37 dont 13 codent pour des protéines.
Le génome mitochondrial se transmet exclusivement de mère à enfant.

Dans la technique consistant à injecter un spermatozoïde dans l’ovule (ICSI), on met l’ADN du spermatozoïde en contact avec l’ADN mitochondrial de l’ovule ; quand ce processus a lieu naturellement, l’ovule choisit son spermatozoïde et l’élimine spontanément s’il y a incompatibilité.
La prudence s’imposait donc, et il conviendrait, avant tout, d’approfondir les recherches sur les mécanismes d’interaction entre l’ADN mitochondrial et l’ADN nucléaire.

Une étude de New England journal of Medicine de mars 2002 avait annoncé un doublement des malformations congénitales (2,4% pour la FIV contre 1,2% pour les grossesses spontanées) et fait de la FIV associée à l’ICSI une technique à risques, même si on ne peut évaluer la part de responsabilité de l’ICSI dans ces résultats liés à la FIV.

Est-ce à ces études que se référait Axel Kahn quand il fit sa déclaration au Sénat en 2008 ?

L’influence du milieu de culture des embryons [1]

C’est une seconde hypothèse qui nous vient à l’esprit quand on apprend la découverte de l’INRA : le 28 décembre 2011, l'équipe de Jean-Pierre Ozil, chercheur à l'Institut national de recherche agronomique (INRA), a publié une étude menée sur des embryons de souris conçus par fécondation in vitro (FIV), montrant que des modifications du milieu de culture des embryons influence le développement à venir des nouveaux-nés puis des souris adultes. Publiés dans la revue PloS One, les résultats expérimentaux de cette étude interrogent les pratiques d'assistance médicale à la procréation (AMP).

Jean-Pierre Ozil a élaboré une machine pouvant, à la seconde près, modifier le milieu dans lequel baignent les gamètes puis l'embryon. Ses travaux montrent que des variations ponctuelles du milieu de culture des embryons, lorsque ceux-ci ne sont constitués que d'une cellule, entrainent des modifications du métabolisme et du poids des souriceaux, tant à la naissance qu'à l'âge adulte. Ces différences de poids se résorbent parfois lorsque l'animal grandit mais peuvent aussi subsister à l'âge adulte en fonction de la composition du milieu de culture de l'embryon. "Notre technique permet de piloter le métabolisme de l'oeuf, chez la souris, mais aussi chez les bovins ou le poisson", explique Jean-Pierre Ozil, dont le but est l'obtention d'animaux plus robustes.

Si ces manipulations présentent un intérêt pour l'élevage, des interrogations demeurent. On ne sait pas, par exemple, si ces modifications sont transmises aux générations suivantes. De plus, on ne connaît pas les mécanismes régissant ces phénomènes : il reste à découvrir le "capteur métabolique" qui module l'activité énergétique de la cellule, puis celle de l'individu adulte.

Ces travaux soulèveraient en outre de nombreuses questions s'ils étaient appliqués à la fécondation in vitro chez l'homme. Jean-Pierre Ozil souligne que "si on choisit le milieu de culture en connaissance de cause, on commence à fabriquer. Il faudra une réflexion sur ces questions". Se disant intéressé par les résultats de cette étude, le biologiste Jacques Testart en juge les résultats "troublants": "cela confirme les inquiétudes qu'on pouvait avoir sur des manipulations un peu hasardeuses". Il considère que la culture in vitro d'embryons plusieurs jours avant implantation comme la maturation in vitro d'ovocytes relèvent d'"exploits techniques" non justifiés. En outre, si l'on ne voit pas de problèmes majeurs de santé chez les enfants nés par FIV, il recommande de limiter le séjour de l'embryon en milieu artificiel. Sur un certain nombre de techniques actuellement en développement, "comme la congélation des ovocytes, la maturation in vitro de l'embryon ou le diagnostic préimplantatoire, il faut plus de données", indique de son côté René Frydman.

Actuellement, l'utilisation des milieux de culture est réglementée. Il reste que la recherche fondamentale est nécessaire pour "compléter les connaissances sur les besoins de l'embryon, encore très récentes", estime Françoise Merlet, référente AMP à l'Agence de la biomédecine.

 


 

[1] Ce commentaire est la reprise intégrale du texte de l'agence "genethique" du 2 janvier 2012