Dans un entretien exclusif accordé à l'association VivAgora, Claude Birraux, député et président de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), propose la création future d'un Conseil sociétal au sein de l'OPECST. Il s'agirait d'introduire plus de dialogue avec la société civile dans les travaux parlementaires sur les questions science-société de manière à « avoir un regard totalement extérieur à celui des spécialistes habituels » et « construire des alternatives scientifiques et techniques ». Ce projet pose un vrai problème, celui de l’avenir de nos démocraties….

Source : La Croix (Mathieu Castagnet)  du 22.4.2010
Entretien exclusif de Claude Birraux à Vivagora du 20.4.2010

Commentaire de "les2ailes.com"

Claude Birraux fait valoir, dans son interview, le fait que « lors des auditions que nous organisons, nous sommes régulièrement interpellés, notamment par des organisations comme VivAgora qui souhaitent que nous soyons davantage tournés vers la société ». La question est de savoir qui est appelé à « représenter la société civile ». Pour le monde associatif, ce sont les ONG qui sont habilitées à cette représentation. Pourtant elles n’utilisent jamais le vocabulaire de « démocratie représentative » au point qu’il faut se demander si elles ne veulent pas sa disparition pour y substituer leur « démocratie participative » dans laquelle elles détiendraient le véritable pouvoir.

Claude Birraux  ajoute : « Nous réfléchissons actuellement à de nouvelles interfaces, non seulement entre les parlementaires et les scientifiques, mais également avec les citoyens qui nous demandent des comptes ». Certes les citoyens sont en droit de « demander des comptes » au politique. Mais cela implique une sanction. Or la meilleure « démocratie participative » n’est-elle pas, justement, cette sanction possible du suffrage universel ? Le citoyen sera-t-il mieux représenté par une multiplicité d’ONG qui représentent le plus souvent des intérêts minoritaires ? Ce qu’attend le citoyen est justement que les « représentants de la nation » écoutent les spécialistes et les scientifiques, et que fort de ce dialogue, ils s’impliquent dans des décisions au nom de leur mission de « représentation ».

Claude Birraux  poursuit : « il faut créer un espace où les scientifiques et les citoyens puissent dialoguer sur des questions qui touchent au développement des sciences… Grâce à un comité sociétal qui les représente, les citoyens qui posent des questions raisonnables pourront être entendus ». On est ici en plein malentendu : Si désormais c’est un « comité sociétal » qui « représente » les citoyens, à quoi serviront les « représentants élus » ? Quand on pense aux Etats généraux de la bioéthique, on ne peut s’empêcher de se rappeler que les « citoyens » ont réclamé l’abolition du décret qui retient le « consentement présumé » de don d’organe dès lors que la personne n’a pas manifesté son opposition au Registre National des Refus. Or le projet de loi n’a pas retenu cette demande expresse des Etats Généraux. Peut donc sérieusement croire que les « questions raisonnables pourront être entendus » dans ces comités sociétaux ?

Comment réagissent les dites ONG ?

Cette ouverture de l'OPECST a "le mérite de vouloir faire bouger les choses" reconnaît Dorothée Benoit-Browaeys, déléguée générale de Vivagora, association pour le dialogue science-société, mais il faut qu'elle s'accompagne d'une remise en question du fonctionnement habituel du monde politique et scientifique qui doit radicalement modifier "sa façon d'organiser la concertation, en y associant la société civile dès le début du processus, et non pas seulement pour tenter de sortir d'une impasse ou pour faire accepter une décision déjà prise".

La position est claire : derrière les mots organiser la concertation, les ONG exigent d’être associées dès le début des processus législatifs. Elles ne reconnaissent pas la représentation nationale. Elles veulent influencer le pouvoir, voir ses substituer à lui.