Le positionnement de l’Eglise sur l’utilisation du préservatif fait régulièrement l’objet de polémiques dans une partie de la presse. Les interventions du Pape Benoit XVI, en  2009 en Afrique et en 2010 dans une interview, ont fait l’objet d’interprétations contradictoires. Quelle est la position officielle de l’Eglise sur cette question ?

R. L’Eglise ne juge jamais les personnes, mais elle désigne certains comportements  qui les détournent du chemin vers le vrai bonheur. C’est pourquoi elle exclue le préservatif ainsi que «toute (autre) action qui (…) se proposerait pour but ou comme moyen de rendre impossible la procréation » (Humanae Vitae, n°14). Jean-Paul II a bien expliqué que si l’on se prive de la dimension d’ouverture à la procréation, l’union des époux ne peut pas se réaliser pleinement. Ces deux dimensions « se réalisent ensemble et d’une certaine manière, l’une par l’autre ».
Dans le cadre de la lutte contre le Sida, le Pape Benoit XVI considère le préservatif comme une fausse solution, prônant l’abstinence et la fidélité.

Dossier: "Ordinatissima.com"

EN SYNTHÈSE :

1. La beauté du plan de Dieu sur la sexualité humaine

Toute la morale sexuelle de l’Eglise se fonde sur la vocation de l’homme au don de lui même et à l’amour. Elle rappelle la beauté du plan de Dieu sur la sexualité humaine.

2. L’exclusion du préservatif en tant que moyen de contraception

L’Eglise exclut le préservatif en tant que moyen de contraception car il empêche l’union conjugale de se réaliser pleinement. En effet, il sépare ses deux dimensions : l’union et la procréation. L’Eglise rappelle cependant l’exigence d’une paternité et d’une maternité « responsables », et promeut les méthodes naturelles de régulation des naissances..

3. Le préservatif, fausse solution au problème du sida

Le Pape Benoit XVI a affirmé en 2009, au cours d’un voyage pastoral en Afrique que les préservatifs accroissent le problème. Cela est confirmé par de nombreuses études scientifiques. La vraie solution au problème du sida réside dans l’abstinence et la fidélité.

4. La théorie du moindre mal peut elle justifier l’utilisation du préservatif ?

Suite à une interview de Benoit XVI, en 2010, par un journaliste allemand, les paroles du Pape, ont parfois été mal interprétées. Certains y on vu un revirement de la position de l’Eglise. C’est pourquoi elle a réexpliqué qu’« une action mauvaise par son objet, même s’il s’agit d’un moindre mal, ne peut être licitement voulue[1] ». La théorie du moindre mal ne peut donc pas justifier l’usage du préservatif.

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1- La beauté du plan de Dieu sur la sexualité humaine

Toute la morale sexuelle de l’Eglise se fonde sur la vocation de l’homme au don de lui même et à l’amour. Elle rappelle la beauté du plan de Dieu sur la sexualité humaine.

   1.1 L’union des corps, image de l’union des Personnes divines.

L’homme est fait pour le don. Ce don se réalise particulièrement dans l’union de l’homme et de la femme. En effet, cette union a vocation à refléter de façon charnelle la communion des personnes divines au sein même de La Trinité. C’est ce qu’explique le bienheureux Jean-Paul II dans une audience du 20 février 1980 : « Le corps – et seulement lui – est capable de rendre visible ce qui est invisible : le spirituel comme le divin. Il a été créé pour transférer dans la réalité visible du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu et en être le signe visible ».

On ne doit pas voir là quelque chose qui se réalise en l’homme malgré lui ou contre lui. Bien au contraire : plus le don de soi est total, mieux il reflète l’amour de Dieu. Or, c’est une conviction ferme de l’Eglise que le bonheur ne peut se réaliser que dans le don de soi.

Il en résulte que tout ce qui porte atteinte à cette communion blesse l’homme et offense Dieu.

   1.2 La double signification de l’acte conjugal : union et procréation.

« Goûter le plaisir sexuel sans traiter pour autant la personne comme un objet de jouissance, voilà le fond du problème moral sexuel », écrivait le bienheureux Jean-Paul II dans Amour et responsabilité. L’Eglise ne condamne donc pas le plaisir, au contraire, il faut même apprendre à  le « goûter » ! Mais elle souligne en même temps la nécessité absolue de ne pas instrumentaliser le ou la partenaire.

L’union des corps, n’évite cet écueil que si elle est un don total de soi.
Or, l’Eglise explique que ce don ne peut être total que si sont présentes les « deux significations de l’acte conjugal : union et procréation » (Humanae Vitae, n°12).
En effet, l’acte conjugal a vocation à unir les époux. Chacun reconnaît que la relation sexuelle n’a pas le plaisir pour seul but. C’est un lieu d’offrande de soi et de découverte de l’autre.

Mais l’acte conjugal doit également être ouvert à la procréation. Dans son encyclique Humanae Vitae, Paul VI se fonde « sur le lien indissoluble que Dieu a voulu entre les deux significations de l’acte conjugal : union en procréation ». « En effet,  par sa structure intime, l’acte conjugal, en même temps qu’il unit les époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l’être même de l’homme et de la femme » (Humanae Vitae, n°12).

Ce point, qui explique l’opposition de l’Eglise à l’utilisation du préservatif, est souvent contesté. Pourtant Jean-Paul II montre que si l’on se prive de cette dimension d’ouverture à la procréation, l’union ne peut pas se réaliser pleinement. Ces deux dimensions « se réalisent ensemble et d’une certaine manière, l’une par l’autre » (Jean-Paul II, Audience du 22 août 1984).

2. L’exclusion du préservatif en tant que moyen de contraception

L’Eglise exclut le préservatif en tant que moyen de contraception car il empêche l’union conjugale de se réaliser pleinement. En effet, il sépare ses deux dimensions : l’union et la procréation. L’Eglise rappelle cependant l’exigence d’une paternité et d’une maternité « responsables », et promeut les méthodes naturelles de régulation des naissances.
La position de l’Eglise est claire : « Est exclue toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait pour but ou comme moyen de rendre impossible la procréation » (Humanae Vitae, n°14). Le préservatif est donc considéré comme un moyen de régulation des naissances « à exclure » puisqu’il a pour objectif d’empêcher la procréation. Par là même, il s’oppose également à une communion véritable entre les époux.

Les méthodes naturelles de régulation des naissances, fondées sur l’observation des périodes de fertilité de la femme ne sont pas ici visées.

Il faut en effet souligner l’insistance de l’Eglise sur l’exercice d’une paternité et d’une maternité « responsables ». Ouverture à la vie ne signifie pas indifférence aux conséquences de l’accueil d’un nouvel enfant. S’il existe des motifs sérieux dus, soit « aux conditions physiques ou psychologiques des conjoints, soit à des circonstances extérieures, l’Eglise enseigne qu’il est alors permis de tenir compte des rythmes naturels » pour limiter la natalité (Humanae Vitae, n°16).

Dans les méthodes naturels de régulation des naissances, «les conjoints usent légitimement d’une disposition naturelle », alors que la contraception « empêche le déroulement de processus naturels » (Humanae Vitae, n°16). L’Eglise met cependant en garde contre la tentation d’utiliser les méthodes naturelles de régulation des naissances dans une mentalité contraceptive. Jean-Paul II soulignait un tel risque dans son audience du 5 septembre 1984 : « Il arrive souvent que la méthode (naturelle), (…) soit mise en œuvre de manière purement fonctionnelle, et même utilitaire ».

L’usage du préservatif porte atteinte à l’authenticité de l’acte conjugal en voulant lui retrancher sa dimension procréative. Mais la tentation de lui retirer sa dimension unitive est également grave. Tel serait par exemple le cas de la personne ayant une relation sexuelle uniquement pour la satisfaction affective d’avoir un enfant, ou pour s’assurer une descendance : « Le désir d'un enfant - ou du moins la disponibilité à transmettre la vie - est une requête moralement nécessaire à une procréation humaine responsable », mais « un droit véritable et strict à l'enfant serait contraire à sa dignité et à sa nature. L'enfant n'est [pas] un dû…: il est plutôt un don ». (Donum Vitae B- § 5 et 8)

3- Le préservatif, fausse solution au problème du sida

Le Pape Benoit XVI a affirmé en 2009, au cours d’un voyage pastoral en Afrique que les préservatifs « accroissent le problème ». Cela est confirmé par de nombreuses études scientifiques. La vraie solution au problème du sida réside dans l’abstinence et la fidélité.
En mars 2009, pendant une interview réalisée au cours d’un vol pour le Cameroun, le Pape Benoit XVI déclarait qu’on ne peut pas venir à bout du problème du sida « en distribuant des préservatifs ». « Au contraire, expliquait-il, ils accroissent le problème ».

Certains commentateurs ont immédiatement dénoncé les propos du Pape en Afrique comme absurdes et dénués de fondement. Pourtant en se penchant sur les données scientifiques du débat et sur les expériences récentes en matière de lutte contre le Sida, on réalise rapidement que l’assertion de Benoit XVI est scientifiquement fondée.

Tout d’abord, il est généralement reconnu que l’efficacité du préservatif contre le virus du Sida est de l’ordre de 80 à 90%[2]. Il en résulte que la distribution massive de préservatifs, couplée d’une invitation à des expériences sexuelles nombreuses et variées ne peut qu’aggraver le problème. En effet, ainsi que le souligne Edward C. Green, directeur d’un programme de recherche sur la prévention du Sida à Harvard : « En fait, les pays où les préservatifs sont disponibles le plus facilement (Zimbabwe, Botswana, Afrique du Sud, Kenya), ont également les taux de prévalence du VIH les plus élevés au monde[3] ».

Un autre point important souligné par Edwarg C. Green est que le préservatif incite à la prise de risques, à travers un mécanisme bien connu selon lequel une technique qui diminue le risque augmente en même temps notre proportion à nous rapprocher du danger. Appliqué au préservatif cela signifie  une multiplication des rapports sexuels à risque et du nombre de partenaires. En effet, tout semblerait possible puisque le préservatif est réputé efficace.

Ces éléments ont été confirmés dans les faits, notamment en Ouganda. Une campagne d’information, fondée sur la promotion de l’abstinence et de la fidélité, y a été lancée dans les années 1980. Les résultats obtenus ont fait l’objet de nombreuses publications, y compris dans la très sérieuse revue Science[4] : le pays a connu une réduction de la prévalence du VIH de l’ordre de 80% ! En 1990, la prévalence de l’infection par le VIH était de 30% de la population. Elle n’était plus que de 6% en 2003. Aucun pays, ayant connu une campagne de prévention uniquement axée sur l’usage du préservatif, n’a connu de tels résultats. C’est pourquoi le Président ougandais déclarait en 2004 : « Le Sida est principalement un problème moral, social et économique. Je considère les préservatifs comme une improvisation, pas une solution ». Confirmant le mécanisme d’incitation au risque décrit par Edward C. Green, Janet Musenevi, épouse du Président ougandais a expliqué à la conférence de Bangkok de 2004 que « la distribution de préservatifs à la jeunesse revient à leur donner un permis de faire n’importe quoi[5]», les conduisant ainsi « à une mort certaine ». De tels avis, confirmés tant par la théorie scientifique que par l’expérience, méritent sans doute d’être pris au sérieux

4. La théorie du moindre mal peut elle justifier l’utilisation du préservatif ?

Suite à une interview de Benoit XVI, en 2010, par un journaliste allemand, les paroles du Pape, ont parfois été mal interprétées. Certains y on vu un revirement de la position de l’Eglise. C’est pourquoi elle a réexpliqué qu’« une action mauvaise par son objet, même s’il s’agit d’un moindre mal, ne peut être licitement voulue[6] ». La théorie du moindre mal ne peut donc pas justifier l’usage du préservatif.
Benoit XVI, dans un entretien, publié en 2010 sous le titre Lumière du monde avec le journaliste allemand Peter Seewald, explique notamment que  l’utilisation d’un préservatif peut constituer « un premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue autrement, une sexualité plus humaine ».

   4.1 Un revirement dans la morale traditionnelle de l’Eglise ?

« L’idée qu’on puisse déduire des paroles de Benoit XVI qu’il est licite, dans certains cas, de recourir à l’usage du préservatif pour éviter des grossesses non désirées est tout à fait arbitraire et ne correspond ni à ses paroles ni à sa pensée ». C’est ce qu’a dit une note de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 21 décembre 2010, non sans avoir rappelé le principe posé par l’encyclique Humanae Vitae : « Est exclue toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation ». La position de l’Eglise n’a donc pas évolué[7].

Il est vrai que beaucoup ont été surpris par les paroles du Pape publiées dans Lumière du monde. Il y explique que dans le cas d’un prostitué masculin, l’utilisation d’un préservatif peut constituer « un premier pas vers une moralisation, un premier élément de responsabilité ». Mais parallèlement, il redit que l’Eglise catholique ne considère pas l’utilisation du préservatif « comme une solution véritable et morale ». Comme le souligne la Congrégation pour la doctrine de la foi « certains ont interprété les paroles de Benoit XVI en recourant à la théorie de ce que l’on appelle le « moindre mal » ».

   4.2 La théorie du moindre mal ne justifie jamais l’usage du préservatif 

La Congrégation pour la doctrine de la foi explique qu’ « une action mauvaise par son objet, même s’il s’agit d’un moindre mal, ne peut être licitement voulue[8] ».

Par ailleurs, la doctrine du moindre mal, telle qu’elle est développée par Saint Thomas dans la « somme théologique » s’inscrit dans le contexte du gouvernement. Dans cette doctrine, la question n’est pas de savoir s’il est parfois licite de faire soi même le mal, mais s’il est licite de laisser faire le mal s’il peut en résulter un bien ou si cela peut éviter un mal plus grand. Saint Thomas répond affirmativement à la première question et négativement à la seconde.

Or, nul ne songe à interdire le préservatif. La théorie du moindre mal ne semble donc pas le cadre intellectuel adapté pour traiter de cette question.

C’est pourquoi la Congrégation pour la doctrine de la foi explique: « Le Saint-Père n’a pas dit que la prostitution avec recours au préservatif pouvait être licitement choisie comme un moindre mal, comme certains l’ont soutenu[9] ».

En fait, Benoit XVI a simplement dit que la relation sexuelle d’un prostitué masculin, se sachant infecté par le VIH, était moins grave avec un préservatif que sans préservatif. C’est uniquement en ce sens que l’usage du préservatif peut constituer « un premier pas ». Les paroles du Pape ne relève donc pas du laxisme moral. L’Eglise considère toujours la prostitution comme un acte « gravement immoral[10] ».

Il faut donc interpréter les paroles de Benoit XVI comme une volonté de ne laisser personne au bord du chemin : même celui dont les comportements semblent les plus immoraux peut trouver une voie vers une sexualité plus humaine. L’utilisation du préservatif peut alors être « un premier pas », mais en aucun cas le terme du chemin.

POUR CONCLURE :

Dans les questions relatives au préservatif comme dans les autres sujets relevant de la morale familiale, L’Eglise ne juge jamais les personnes. Certes, il est de sa vocation pastorale de désigner certains comportements  qui détournent les personnes du chemin vers le bonheur auquel elles sont appelées. Mais, à l’égard des familles « qui se trouvent dans des situations difficiles ou irrégulières », Jean Paul II avait rappelé que la sollicitude pastorale de l'Eglise doit se montrer encore plus active : «  Pour toutes, l'Eglise aura une parole de vérité, de bonté, de compréhension, d'espérance, de participation profonde à leurs difficultés parfois dramatiques; à toutes, elle offrira son aide désintéressée afin qu'elles puissent se rapprocher du modèle de famille que le Créateur a voulu dès le «commencement» et que le Christ a rénové par sa grâce rédemptrice » (Familiaris Consortio § 65).


 

[1] Congrégation pour la doctrine de la foi, Note sur la banalisation de la sexualité,  À propos de certaines interprétations de "Lumière du monde" , 21 décembre 2010

[2] Pour une étude en ce sens cf. http://apps.who.int/rhl/hiv_aids/dwcom/fr/index.html

[3] « In fact, countries with the highest levels of condom availability (Zimbabwe, Botswana, South Africa, Kenya) also have some of the highest HIV prevalence rates in the world ». http://www.gwu.edu/~ccps/rcq/issues/13-4.pdf ; texte en anglais; citation page 6.

[4] Pour un résumer de cet article en anglais sur le site Internet de la revue cf. http://www.sciencemag.org/content/304/5671/714.abstract                          

[5] Conférence internationale sur le sida, le 12 juillet 2004 à Bangkok

[6] Congrégation pour la doctrine de la foi, Note sur la banalisation de la sexualité,  À propos de certaines interprétations de "Lumière du monde" , 21 décembre 2010

[7] Idem

[8] Idem

[9] Idem

[10] Idem