Depuis 1649, il y a eu quarante crues, dont quatre ont dépassé la cote de 8 m en 1651, 1658, 1740 et 1910. En 2016, on n’en n’a été qu’à 6 m !

Il n’empêche qu’il faut éviter les crues. Et, à l’inverse, avec une grande sècheresse comme celle de 1921, il y aurait des niveaux d’eau incompatibles avec la régularité et la qualité d’alimentation en eau de la région Ile de France. Que faire ?

Analyse publiée dans « Actuailes n°53 »

De quoi s'agit-il ?

Les aménagements hydrauliques pour retenir l’eau des crues

Depuis la crue de 1910, on a développé des constructions dans le bassin versant de la seine, pour retenir, en cas de crue un milliard de m3, mais ne contrôlent que les apports de 17% du bassin versant de la Seine à Paris.

Il existe un Établissement Public Territorial de Bassin "EPTB- Seine Grands Lacs" qui gère de grands réservoirs :
* Le plus gros est le lac du Der-Chantecoq sur la Marne. Il est près de St-Dizier et a une capacité de 350 millions de m3. Il a été construit entre 1960 et 1970 
* Une série de trois lacs situés entre l’Aube et la Seine :
- les deux lacs d’Amance et du Temple, reliés par un canal, près de Bar sur Aube, retiennent 150 millions de m3. Ils ont été construits entre 1983 et 1990
- et le lac d’Orient sur la Seine, près de Troyes avec une capacité de 205 millions de m³, construit entre 1959 et 1966.
* le plus ancien est le lac de Pannecière sur l’Yonne, près de Château-Chinon avec une capacité de 82,5 millions de m3, construit en de 1937 à 1939.

Comment fonctionnent ces réservoirs ?

De l'hiver au printemps, généralement à partir du premier novembre, l'eau est stockée dans le réservoir afin d'éviter les crues, c'est l' "écrêtement des crues" ; en été et en automne, pour pallier le risque de sécheresse et ainsi assurer les ressources en eau potable, l'eau du lac est relâchée, c'est le "soutien d'étiage". Tous les 10 ans, il faut procéder à une vidange exceptionnelle pour vérifier les ouvrages.
La capacité de ces lacs peut être atteinte, soit parce qu’il pleut tard, soit parce que les relâches n’ont pas pu être anticipée(Pour aller plus loin: ICI). C’est ce qui s’est passé en mai 2016 : il y a eu un déficit inédit en eau en janvier, suivi d’un mois de mai très pluvieux. Ce sont des rythmes inhabituels qui ont perturbé la gestion des flux d’eau. En mai, en fin de période de remplissage, la marge de manœuvre était restreinte.

Des retenues insuffisantes

Même sans perturbation saisonnière, il faut remarquer l’absence de barrages pour retenir l’eau de trois affluents de l’Yonne : l’Armançon, Le Serein et la Cure. Plus en aval, il n’y en a pas non plus sur le Loing ni sur l’Essonne.
Un aménagement le long de la Seine est à l’étude dans la zone de la Bassée, entre Montereau et Bray sur Seine. « Dans la configuration actuelle, ce dernier site aurait particulièrement servi » dit Marc Vincent, le DG des services techniques de l'EPTB.
L'époque n’est plus aux grandes étendues, mais à une dizaine de "casiers-réservoirs". Cette technologie, utilisée dans plusieurs pays européens, serait une première en France.
Les casiers seraient délimités par 58 km de digues paysagères, de faible hauteur, retenant 55 millions de m3. Il s’agirait d’un aménagement moins agressif pour l’environnement puisqu’il serait utilisé pendant une quinzaine de jours tous les cinq ans en moyenne, lors des fortes crues, sans entraver le libre écoulement des eaux en période normale. Ces casiers abaisseraient le niveaux des crues et de limiter les dommages en résultant, sans toutefois les supprimer totalement.
Mais, aussitôt lancée l’enquête publique, de novembre 2011 à février 2012, le projet a fait l’objet d’oppositions, et il n’est maintenant envisagé que la construction d’un unique casier-réservoir dit casier pilote.
Le président de la commission d’enquête sur le projet de la Bassée disait, après une des réunions publiques: "J’ai une mauvaise nouvelle : on ne croit plus les scientifiques!". Par ailleurs, les opinions n’ont pas conscience des risques. Les photos de la crue de 1910 montrent des gens souriants. Ces crues n’ont pas entraîné de morts. Pourtant une crue du simple niveau de celle de 1982 (et elle se produira), entraînerait des milliards d’euros de dommages.

Les bénéfices des aménagements

Les écologistes, en s’opposant aux aménagements, oublient que les lacs du Der, d’Orient, de Pannecière sont maintenant des zones de biodiversité très riches avec des milliers de grues cendrées au Der. Tous les lacs cités ont été inclus dans des réserves naturelles. Pannecière est réputé pour être le plus poissonneux du Morvan.
Ce sont également des lieux de tourisme, baignade, motonautisme, voile, etc....
Pannecière est équipé d’une centrale de production électrique. Quant à l’aménagement de la Bassée, il aurait également l’avantage d’assurer un niveau d’eau régulier et suffisant pour la circulation de péniches de grand gabarit entre Nogent sur Seine et le Havre.

Pour aller plus loin...

a) Faut-il dire que les relâches n’ont "pas pu" être anticipée ou "pas voulu" ?

Quelle est la responsabilité des écologistes dans cette affaire? Il faut se méfier des comparaisons entre la crue de 1910 qui avait eu lieu en février et l'actuelle, en juin.
La question de la responsabilité humaine mérite d'être posée: A cause des faibles pluies de ces deux derniers mois, les lacs qui alimentent la Seine en été ne sont pas assez remplis, ce qui pourrait causer des restrictions d'eau.

Même s’il pleut sur une bonne partie de la France depuis quelques jours, la météo extrêmement douce que nous avons connue depuis deux mois a des conséquences. Les lacs - et notamment les quatre lacs en Bourgogne et en Champagne-Ardennes qui servent de réservoir à la Seine - sont secs. Ils alimentent le fleuve pendant l’été pour l'irrigation, l'industrie et l'eau potable. Aujourd'hui, il manque 50% de stock d'eau.

Un paysage "lunaire". Ces quatre lacs auraient dû se remplir peu à peu depuis le mois de novembre et le retard est énorme aujourd'hui. Dans le lac du Der Chantecoq, à côté de Troyes, il manque environ un mètre et demi d'eau. Certains îlots d'herbe sont encore totalement découverts. Jérôme Bréière, en charge de la gestion hydraulique du lac, décrit "un paysage un petit peu lunaire". "Il [le lac] devrait être à un tiers de sa capacité normale", s’inquiète-t-il. "Il est quasiment à la moitié du tiers donc c’est très, très faible". Il travaille dans l’exploitation sur réservoir depuis dix ans et c’est la première année où il constate autant de retard. 

De possibles restrictions cet été. Les spécialistes mettent déjà en garde à ce stade de l’année. Car si les stocks d'eau ne sont pas suffisants, il pourrait y avoir des restrictions autour de Paris cet été. Pascal Durpras, directeur adjoint de l'établissement public qui gère les lacs réservoirs, résume la situation : "pendant la période d’été, lorsque vous vous placez au niveau de la Seine à Paris, 80% de l’eau qui transite provient des lacs-réservoirs. Du coup, des restrictions pourraient avoir lieu dans l’arrosage, dans les jardins, dans le nettoyage des voitures". Selon lui, ces éventuelles restrictions pourraient concerner un site industriel, même si elles ne sont pas encore d’actualité.

Au cours des cinq mois restants pour rattraper le retard, il faudra qu'il pleuve beaucoup plus qu'une année normale pour reconstituer les stocks (source: Europe1.fr du 7 mai 2016 à 7h11).

Quel jeu ont joué les écologistes dans la gestion humaine de cette affaire?

Pour approfondir...


Étiage

Le mot vient du latin "aestas" qui signifie "été". C'est le niveau de l'été pour une rivière.