Un débat a occupé la blogosphère chrétienne aux États-Unis depuis 2015 autour de la « Benedict Option ». L’inventeur de cette expression Rod Dreher[1], comparait la situation politique actuelle de l’occident à l’invasion de l’Europe chrétienne par les barbares. Il estimait que Saint-Benoit, essaimant des communautés monastiques, avait sauvé la chrétienté et que ce devait être un modèle pour les laïcs de notre temps de se recentrer dans de petites communautés de vie pour devenir une lumière qui aide nos contemporains à se ressaisir.
La démarche est séduisante. Rod Dreher a raison de chercher une forme plus solide d'engagement chrétien, mais, en réalité, on a vu fleurir, aux États-Unis, de nombreuses analyses, les unes séduites par l’approche et lui reconnaissant des mérites, les autres beaucoup plus critiques. L’idée n’a pas fait l’unanimité puisqu’on a vu de nombreux commentateurs proposer leur propre option, avec  l’« Option chesterson »  , la « Dominic Option », la « Sophia Option », la « Maria Option » la « Patrick Option »  la « Dorothy option », l’« Escriva Option », la « Buckley Option », la « Boniface Option , la « Gregorian Option », l’ « Option Adam »,  ou la « Francis Option » fondée sur Laudato si. Comme on le voit, chacun y est allé de son option pour répondre à une situation politique jugée dramatique. On a même entendu parler d’une « option Murray » du nom du théologien John C. Murray qui cherchait à concilier catholicisme et pluralisme religieux !
 La « Benedict Option » est traduite en français depuis septembre 2017 aux éditions Arpège sous le titre « Comment être chrétien dans un monde qui ne l'est plus - le défi bénédictin ». Dès lors, le débat gagne la France. Les journaux chrétiens de langue française s’emparent du débat : ainsi la revue Limite, le journal Famille Chrétienne[2], l’éditorialiste  Michel Janva[3], le Centre Catholique d’Études de Genève[4]. Chacun porte un regard en fonction de ses sensibilités propres et cherche à faire avancer ses propres projets.
On compare même l’« Option Benedict » à ce que devraient être des « éco-villages chrétiens » cultivant leur jardin et se repliant sur un commerce local de « produits bio ». Chad C. Pechnod, professeur agrégé de théologie aux Etats-Unis, reproche d’ailleurs à Dreher de vouloir constituer de « petites communautés de vertu, d'un nouveau mouvement localiste et d'un retour à la terre ».
D’autres la compareront au béguinage qu’on voit se développer en France, bien qu’il soit surtout un mode de vie collectif pour les seniors souhaitant se regrouper pour des prières et repas fraternels.
 Que pensent les historiens de cette comparaison de notre époque avec les invasions barbares ? Quelle est la problématique posée dans chacune de ces options ? Quelles sont les solutions proposées ?
L’objet de cet article n’est pas de prendre parti pour telle ou telle Option, mais d’aider à prendre du recul, à ne pas se précipiter dans des sentiments de nostalgie, de repli, ou d’idéalisme que pourrait inspirer l’Option Benedict. Très probablement, il y a place pour de nombreux types d’engagements, dans une Église où beaucoup de charismes sont à l’œuvre.

Commentaire: "les2ailes.com"

1- A propos des références historiques

1.1- La référence barbare ?

Il faudrait déjà s’entendre sur ce qu’on qualifie de Barbare ? Le mot est emprunté au latin barbarus, lui-même issu du grec ancien βάρϐαρος / bárbaros (« étranger »). Il était utilisé par les anciens Grecs pour désigner les peuples n'appartenant pas à leur civilisation.
L’option Benedict a le mérite de ne pas proposer de se mettre à l’abri pour se protéger des invasions, mais pour se recentrer pour, comme le dit la revue Limite, « convertir le barbare qui est en soi » [5].

Une journaliste américaine, Sheila Liaugminas, estime que la référence, retenue par Tod Dreher aux « Âges sombres » de l’époque barbare, est vraiment trop vague pour être utilisée. « Si nous devions suivre Pétrarque, qui a contribué à l'importance du terme, alors une grande partie de la production littéraire européenne de la chute de Rome à la Renaissance italienne serait sombre ». Elle ajoute que, même si l’expression « âges sombres » devait être utilisée, « il faudrait l'utiliser en rappelant que, même dans les années où les structures de la civilisation s'effondraient vraiment, il y avait toujours des individus qui se tenaient debout et travaillaient pour transformer la marée de la décadence. Pourtant, c'est précisément le contraire du retrait socioculturel proposé par l'Option Benedict ».
Elle rappelle que des saints comme Augustin et Jérôme vivaient exactement à cette époque. Isidore de Séville, le pape Léon Ier et le pape Grégoire I, qui se sont tous confrontés aux seigneurs de guerre barbares, ont apporté une contribution durable à la pensée sacrée et laïque ». 
Quant à la tradition bénédictine, cette tradition remonte aux grands moines égyptiens et autres ascètes chrétiens qui ont fui vers le désert : Saint Benoît « était motivé par l'union avec Dieu, et non par l’idée d’être un Noé flottant sur les vagues d’âges à venir de barbarie et d'obscurité », ajoute Sheila Liaugminas.
On peut donc être assez critique sur cette référence à l’époque barbare comme fondement de l'Option Benedict: « la majorité de l'Église a résisté à l'effondrement de l'empire romain, non pas en se retirant du monde, mais précisément en chargeant le vide et en le saisissant pour Christ. Nous pensons que Paul pensait à sa décision de ne pas faire appel de ses accusations à Jérusalem, mais d'exercer son droit, en tant que citoyen romain, de faire entendre sa cause par César à Rome. Il s'est rendu compte de l'opportunité d’annoncer le Christ à l'homme le plus puissant du monde. On pourrait répondre que ce n'était pas l'âge des Ténèbres, mais en lisant la prise de parole de Paul (sur l'état du « monde » et de la «chair» dans ses écrits), on peut dire que c'était, en fait, un temps très sombre ».
C’est sur cette analyse que Sheila Liaugminas oppose à la Benedict Option, une Gregoire Option[6]. En  effet, dit-elle, « pendant que l'Empire romain s'effondrait, Saint-Grégoire le Grand est devenu pape et a été seul responsable de rétablir un certain nombre d'ordres dans une grande partie de l'Empire effondré, même dans les civilisations séculaires, tout en convertissant de nombreux Barbares à la Foi. Saint-Léo s'est éloigné d'Attila le Hun en dehors des portes de Rome et a empêché la ville d'être envahie. Saint-Boniface convertis les Allemands, saint Augustin de Canterbury les Anglais, et Saint-Cyrille et Méthode les Slaves. Chacun a apporté des structures de civilisation avec eux: Saint-Cyrille a inventé l'alphabet cyrillique, et Saint Mesrop Mashtots a inventé l'alphabet arménien.... Ce ne sont pas tant des âges sombres que l’âge de la conversion de l'Occident, du fondement de la civilisation chrétienne et de la création de l'art chrétien et de la liturgie catholique ».
Pour étayer sa proposition, elle manie l’ironie en disant que l’Option Benedict devrait être raisonnablement renommée l’Option Noé parce que cela semble s’appliquer à la situation et la vision du monde de Noé bien mieux qu’à celle de Benoît.

1.2- Pourrait-on retenir d’autres points-charnière que l’époque barbare ?

Le théologien Michael Baxter regrette que le diagnostic de Tod Dreher parte, pour l’essentiel, de la décision de la Cour suprême affirmant le droit pour les homosexuels de se marier. Comme si n’avaient pas existé, la première guerre mondiale, le racisme aux États-Unis, le bombardement des villes allemandes et japonaises pendant la Seconde Guerre mondiale, suivie de la chute de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, la guerre du Vietnam, ...
Tous ces événements sont le signe que l’occident et le christianisme ne vivaient pas aussi harmonieusement qu’on le pense. Michaël Baxter conclue ironiquement : « Je ne pense pas que, théologiquement, moralement, les deux aient été vraiment mariés. Donc ce que nous connaissons maintenant n'est pas un divorce entre l'église et la nation, mais une annulation. Le mariage n’a jamais vraiment existé » [7].

1.3- La référence aux époque païennes germanique ou irlandaises

Sean Johnson, professeur à  Pensacola en Floride, préfère se référer au contexte de la Germanie païenne du VIII° siècle qui adorait des idoles au chêne de Thor.  Ces sociétés tribales pratiquaient le sacrifice humain, se tatouaient le corps. Ceux qui refusaient le dévouement à leur tribu pouvaient être volés, assassinés ou violés.
C’est à cette époque qu'un humble moine bénédictin s'appelant Winfrid a quitté son cloître pour devenir missionnaire. Le pape Grégoire II l’a nommé missionnaire en tant qu'évêque de la Germanie et lui a donné un nouveau nom: Boniface. Voilà le contexte qui conduit Sean Johnson à proposer son Option Boniface.
Quelques siècles plus tôt, l’Irlande du V° siècle a vu le modèle de Saint-Patrick. Il enseignait la Sainte Trinité à des païens celtiques et les baptisait. Cet exemple a conduit Jonathan Ryan, enseignant au « Covenant Theological Seminary » dans le Missouri, à proposer l’Option Patrick.
Nous décrirons plus loin les principes de ces deux autres Options.

1.4- La référence à l’hérésie albigeoise

David Warren, ancien rédacteur canadien du magazine anglais Idler, préfère comparer notre époque à celle de la lutte contre les Albigeois hérétiques plus que contre les invasions barbares. C’est à cette époque que les dominicains sont entrés en lutte, y compris en récupérant « l'apprentissage païen par des philosophes arabes et des réfugiés byzantins ». La  lutte des dominicains n’était donc pas un repli, mais un engagement au risque de leur vie.
C’est sur cette analyse qu’il propose une Option Dominique[8]. Le nom évoque un « ordre intellectuel profane » qui se développait en parallèle avec la mise en place d’universités.
David Warren explique que les dominicains ont établi des normes pour encadrer le zèle étudiant. Ils ont appelé la jeunesse à « une vie exemplaire et à une discipline claire ». Les dominicains appelaient à une recherche de la vérité, à mêler partout la lumière de la foi dans la lumière de la raison contre les forces de l’obscurantisme. Tout cela est d’une grande actualité : « Nous voyons cela sur nos campus aujourd'hui, où les forces de l'obscurité prévalent maintenant ». Les dominicains, loin de se retirer, ont rencontré l'hostilité. Ils ont écouté et réfuté les idées de leur temps. L’Option Dominique peut ainsi répondre à cette « faim spirituelle », explique David Warren.

1.5- La référence à l’époque laïciste des années 1920 ?

Austin Ruse, président de la C-FAM, ONG pro-famille bien connue, se réfère à une autre période de crise, celle des années 1920 avec de « réelles attaques belliqueuses menées contre l’église, une époque où les prêtres et les nonnes étaient chassés et tués par milliers et où des églises étaient brûlées ». C’est ce qui l’amène à proposer une Option Escriva, du nom de Saint Josémaría dont le cardinal Jean-Marie Lustiger disait voir en lui "une de ces figures qui traversent les siècles et, d’une certaine façon, révèlent à l’observateur qui sait voir, ce que l’Esprit est en train de faire dans son Église".
Le leader Baptiste, Andrew T. Walker, directeur des études politiques pour l’éthique et de la Commission de la liberté religieuse de la « Southern Baptist Convention », part de la même analyse pour proposer son Option Buckley, du nom d’un leader républicain des années 1950 qui s’inscrivait dans le contexte classique d’une culture « de plus en plus hostile et laïque ».
Nous reviendrons sur ces deux options.

1.6- La fracture sociale liée à la mondialisation

La référence à la période barbare souffre d’un autre défaut d’analyse qu’on pourrait appeler le « facteur population ». Les problèmes ne peuvent se poser de la même manière entre des époques où se pratiquait encore la cueillette et celle de l’explosion du commerce mondiale. Les fractures sociales et spirituelles de la mondialisation actuelle n'ont pas les mêmes causes.
C’est ce qui amène de nombreux commentateurs à proposer une Option François : le problème n’est pas tant celui de la barbarie que celui de la pauvreté.
L’écrivain Tom Hoopes, auteur de What Pope Francis Really Said, écrivain en résidence au collège bénédictin de Atchison, dans le Kansas, décrit la différence entre François et Benoît : «  Benoît a été cloîtré ; François était un mendiant .... Saint Benoît a préservé la lumière du Christ par la construction d’abris pour qu’elle devienne un feu vif et qu’il puisse y accueillir des gens ; Saint François a préservé la lumière en allumant des petites flammes partout ... Ses contemporains ont appris de lui que la vie de foi n’était pas facile, mais que ce n’était pas non plus corvée ».
Nous reviendrons également sur cette Option François.

2-  Des options différentes pour répondre à des analyses et des contextes différents

2.1- Des communautés de vie pour vivre les vertus ou pour défendre des valeurs ?

L’Option Benedict parle beaucoup des valeurs chrétiennes qu’il faudrait défendre. En parler nécessite, pour le moins, de les lister pour ne pas rester dans le vague. Citons à titre d’exemples certaines qui ont été particulièrement fondatrices de la culture européenne :
- le droit de la défense,
- la distinction entre l’acte et la conscience de celui qui agit,
- le respect de toute personne, quand bien même serait-elle reléguée au fond d’une prison,
- la laïcité[9] c’est-à-dire la neutralité de l’État qui ne doit s’immiscer dans aucune forme de religion ni imposer un quelconque paganisme,
- la défense du droit à la vie et le principe d’intégrité du corps,
- l’égale dignité de l’homme et de la femme,
- le caractère central de la cellule familiale pour la société,
- le principe de subsidiarité,
- la liberté de conscience,
- la distinction entre les personnes divines et la Nature
- le bien commun qui est la dimension sociale du bien moral.
Mais, il ne suffit pas de faire des valeurs chrétiennes autant de référentiels purement humanitaires, en temporalisant le Royaume des cieux comme disait Maritain, ni en réduisant la foi à une culture forcément homologue à d’autres cultures. Ce serait confondre le christianisme spirituel et le christianisme culturel. On en oublierait ce qu’annonce le Christ dans l’Évangile (Luc 11, 24-26) : lorsque l’homme croit avoir chassé le démon, celui-ci erre dans « des lieux arides, en quête de repos ». Mais bientôt, le Malin revient chez cet homme après avoir pris « sept autres esprits plus mauvais que lui ; ils reviennent et y habitent. Et l’état final de cet homme devient pire que le premier ». L’Option Benedict ne court-elle pas le risque de permettre au Malin de se reposer un peu et d'attaquer plus librement le reste de la société ?
Le Pape François évoquait d'ailleurs ce thème, dans son entretien à la Croix de mai 2016: « l’Europe, oui, a des racines chrétiennes. Le christianisme a pour devoir de les arroser, mais dans un esprit de service comme pour le lavement des pieds. Le devoir du christianisme pour l’Europe, c’est le service » ?

L’Option Benedict fait le constat  que nous avons perdu la pratique individuelle et collective des vertus. Mais de quelles vertus parle-t-il ? Tom Hoppes, dont nous parlerons plus loin avec son Option François, fait l’analyse suivante : « Quand le monde regarde aujourd'hui les catholiques, ils n’ont souvent pas fait cette expérience [de fraternité]. Ils voient des militants culturels ou des pleurnichards... François n’était pas un guerrier de la culture. Il ne voyait pas la création comme « un problème à résoudre »... Il a décidé d’être impuissant devant les autres... il n’était pas un pleurnichard. Il a refusé de se plaindre des prêtres, même si leurs droits ont été piétinés. Il ne s’est pas plaint de ce que l’église était trop ou pas assez catholique, ou d'une erreur de priorité du Pape, ni de la paresse ou de la corruption de prêtres ou d'évêques ».
Tom Hoppes reprend un propos de  Mgr Lorenzo Albacete, théologien portoricain et leader américain de Communion et Libération, qui a dit un jour : « si demain on révélait que le Pape a un harem, que tous les cardinaux avaient fait de l’argent avec les stocks options d’Enron et étaient impliqués dans le porno sur Internet, alors la situation de l’église actuelle serait semblable à la situation de l’église à la fin du XIIe siècle... pendant que François d’Assise embrassait d’abord un lépreux ».
Il en tire, comme conclusion, que cette approche est adaptée à notre époque pour deux raisons : « tout d’abord, parce que la puissance du laïcisme moderne est largement surfaite. C’est un système décadent, sans cohérence intérieure, qui s’est délibérément stérilisé lui-même. Deuxièmement, l’Option François est logique parce que le monde a une faim pour le témoignage chrétien authentique »[10].

2.3- Isolement ou insertion dans la société ?

a) l’Option Chesterson
Elle porte le nom de Gilbert Keith Chesterton[11], un des plus importants écrivains anglais du début du XXᵉ siècle et apologiste du christianisme. Dans un discours[12] devant l’American Chesterton Society, son président, Dale Alquist a reproché à l’Option Benedict d’oublier que « nous sommes là pour changer le monde». Or, selon lui, cette Option recommande de se « libérer ... des objets électroniques, des produits chimiques, des divertissements... d’acheter local, ... de créer sa propre école, ... d’adhérer à une coopérative de partage de frais de santé,... de cultiver son jardin ».
Dale Alquist voit dans l'Option Benedict une « mentalité d’assiégé ». En contre point de cette tentation d’isolement, il propose l’Option Chesterson : « Saint Benoît ne s'était pas proposé de sauver la culture ou la civilisation qu’il voyait disparaitre. Avant toute autre chose, il cherchait Dieu. L’Incarnation est le centre de la réalité... la première chose à faire est de commencer à reprendre le contrôle de nos propres vies. Et non d’attendre d’un gouvernement qu’il trouve des solutions à nos problèmes ».

b) L’option Dominic de David Warren,

Elle plaide, non pour un repli en zone rurale, mais pour une insertion dans la ville. David Warren « se moque d’un écologisme qui rêve encore d’une organisation de type médiéval qui assurait la sécurité alimentaire et la sécurité contre les sauvages ».  Il rappelle que l'approche dominicaine, à l’époque des Cathares, était d’entrer dans la mêlée. C'était une force positive d'engagement intellectuel. Le Christ a envoyé ses apôtres sur une route ouverte. Il ne leur a pas dit de se terrer et d'attendre. L’Option Dominique appelle à aller dans le monde en harmonisant vie contemplative et activité évangélique. Cela passe par une formation intellectuelle. Saint Thomas d’Aquin avait écrit les Summa Contra Gentiles pour aider à la prédication des frères aux musulmans. Il a enseigné la vérité en montrant que l’Islam « déforme les enseignements de l’Ancien et du Nouveau Testament par des récits légendaires... En fait de vérités, il n’en a avancé que de faciles à saisir par n’importe quel esprit médiocrement ouvert… D’ailleurs, ceux qui dès le début crurent en lui ne furent point des sages instruits des sciences divines et humaines, mais des hommes sauvages, habitants des déserts, complètement ignorants de toute science de Dieu, dont le grand nombre l’aida, par la violence des armes, à imposer sa loi aux autres peuples ». Tout cela pourrait être d’une cruelle actualité !

Un professeur de théologie américain, Chad C. Pechnod[13], lui aussi, plaide pour l’Option Dominique : « les appels à l'option Benedict manquent quelque chose. Il y a mieux, par conséquent, en  parlant de la « Dominique option ». Quand je vois les "dominics" dans leurs habits blancs en prière, en donnant des conférences ou en jouant de la guitare et du banjos dans le métro, j'ai l’image d'une «société de contraste» qui est très engagée avec le monde, de témoins d'évangélisation joyeux, d’intellectuels sérieux, expansifs et charitables... Dominique a dit à ses hommes d'aller dans le monde sans crainte... Les Dominicains ont étudié d'autres langues et d'autres religions, afin de prêcher plus efficacement ».
C'est probablement ce dont nous avons besoin aujourd'hui aussi: le bon modèle de formation et le témoignage évangélique.

c) L’Option Patrick
Dans sa description, Jonathan Ryan recommande, plutôt que de se retirer, de construire des communautés et d’inviter les communautés païennes à les rejoindre. Son auteur s’inspire des moines irlandais pour proposer son Option Patrick. Il pense que c’est une «meilleure réponse pour notre propre époque... Plutôt que de nous retirer, nous devrions chercher à créer de la culture » [14]

d) L'Option Martin
On pourrait ajouter l'exemple de Saint-Martin de Tours qui évangélisait village après village en pleine période des Wisigoths. Ceux-ci avaient pourtant endommagé la petite basilique qu'il avait construite à Ligugé. Saint-Martin est d'ailleurs mort en 491 alors que les Wisigoths avaient pris le contrôle de Tours. Huit ans plus tard, Clovis demanda l'intercession de Saint-Martin pour vaincre les Wisigoths: "Par l’intercession de saint Martin, Dieu, je l’espère, nous donnera la victoire : c’est pour lui, c’est pour la vraie foi que je combats ; qu’il me fasse triompher des ennemis de la Foi catholique" avait-il prié avant sa victoire à Vouillé en 507! Voilà qui pourrait fonder une  Option Martin:  Il parcourait les villages hostiles de son diocèse à dos d'âne ou de mulet, faisant détruire temples païens et idoles démoniaques et abattre les arbres sacrés. Des signes nombreux accompagnaient les efforts infatigables d'évangélisation de ce pasteur d'âmes et quand Martin percevait une résistance exceptionnelle, de la part des païens, à ses efforts d'évangélisation, il avait recours à son arme préférée, la pénitence. Se revêtant de la haire à même la peau, il se couvrait de cendres, priait et jeûnait pendant trois jours. "Avancer sans peur, proclamer l'Évangile avec enthousiasme, en adaptant les paroles à l'auditoire auquel on s'adresse, pénétrer même en milieu hostile, ne pas hésiter à lancer des défis aux païens et incroyants en faisant violence au Ciel, se laisser toujours guider par l'Esprit; en cas de forte résistance, recourir aux jeûne et à la pénitence, assiéger le Seigneur de prières et de supplications: tout cela exige cependant une foi totale et intégrale, un lien infrangible avec le Christ, une détermination inébranlable"[14bis]. Telle pourrait être la règle d'une Option Martin!

e) L’Option Escriva

On la doit à Austin Ruse, président de C-FAM. Il compare la Benedict Option au sturm und drang, ce mouvement romantique allemand opposé à la superficialité abstraite des Lumières.
L’Option Escriva[15] tient son nom de Saint Josemaria Escriva qui a inspiré Vatican 2 sur la vocation des laïcs. Austin Ruse rappellait que les laïcs ne doivent pas se retirer dans des monastères pour atteindre la perfection et que les endroits où ils trouveraient le Christ étaient précisément à leur domicile et dans leur milieu de travail. Et c’est là qu'ils conduiraient les autres à l’Évangile. L’Option Escriva appelle à construire des communautés de vie qui, même et surtout aujourd'hui, rapprochent les individus et les familles pour se former et enseigner et pour reprendre des forces avant d’aller sur les marchés, dans les arènes sportives, les prisons et les universités et pour conduire les autres vers l’Évangile et vers une perfection spirituelle égale à celle des moines et des nonnes. Escriva disait que le Christ voulait quelques hommes lui appartenant dans chaque activité humaine.
L’Option Escrvia appelle les hommes et les femmes à devenir des contemplatifs au milieu du monde pour vivre au mieux en présence de Dieu tout au long de la journée, dès le moment du réveil, et pour transformer la nuit en lumière. Ceci est réalisé par la prière et l’étude et par un régime vigoureux de règles de piété quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles et annuelles.... Il y a un meilleur modèle pour le profane que les moines et les moniales et il n’est pas besoin de rejoindre l’Opus Dei pour le trouver dans l’Option Escriva.

f) L’Option Buccley

Pour transformer la société, l’Option Buckley[16]  de Andrew T. Walker, propose, de façon plus classique, un engagement politique sous la forme d’une coalition. Il faut, selon elle, constituer une « force de mouvement à travers une matrice de relations et d’idées ». Bien sûr, il peut y avoir des prises de bec à propos des pratiques de baptême, mais le Christianisme de Nicée a une puissance suffisante pour affirmer, par exemple, que l’homme est homme et que la femme est femme. L’Option Buckley va chercher des alliances à la moindre occasion sans pour autant sacrifier ses convictions. L’ennemi n°1 c’est le slogan « Liberté Égalité Über Alles ».
L’ Option Buckley appelle à prendre le relais de l’Église, car, « si l’église ne s’exprime à la fois clairement et à juste titre sur la place publique, quelqu'un d’autre prendra la parole à tort ».

g) L’Option Boniface

Sur l’exemple du saint Germanique, elle propose de détruire les idoles comme le Chêne de Thor et les sanctuaires païens, de construire des églises pour les remplacer et de convertir les païens. Pour cela, « nous avons besoin d'hommes qui quittent le cloître pour la confrontation ..., d’hommes qui échangent le confort relatif du monastère pour la mission et le martyre ».
Son auteur, Sean Johnson[17], explique que nous avons besoin d'hommes obstinés pour des temps difficiles. « Le chêne de Thor a été abattu en affirmant cette vérité: le Jésus-Christ est Dieu, Thor ne l'est pas. Nous devons apprendre à ne pas nous soucier de ce que pensent les incroyants et les gens qui vont passer l'éternité en enfer pour leur haine de Dieu. Nous ne devrions pas nous soucier de l’opinion qu’ils ont de nous. Ce sont des gens qui ont désespérément besoin d'entendre la vérité ... Nous devons former des hommes comme Boniface, des hommes qui ont hardiment dit la vérité, quelqu’en soit le prix ».
Sean Johnson explique que l’Option Boniface se résume à aimer ses ennemis de la manière suivante :   
1. reconnaître que nous avons des ennemis.
2. dire la vérité à ces ennemis.
3. donner notre vie pour eux. Mais il met en garde : « La plupart des engagements culturels évangéliques remplacent les étapes 1 et 2 avec: 1. ne pas faire de distinctions à propos de quoi que ce soit 2. être généreux et essayez de faire en sorte que chacun vous aime. Une telle approche ne peut mener qu’à une seule direction : ceux qui l'adoptent le font avec un mélange d'apathie, de pragmatisme et de lâcheté. »
L’Option Boniface  passe par un chemin difficile : « les chênes de Thor ... seront abattus par des hommes prêts à perdre leur carrière, leurs réputations, leurs plans d’épargne retraite ».

h) L’Option Grégoire

Sheila Liaugminas (cf § 1.1 ci-dessus) donne les grands principes d’une Option Grégoire, qui reflète l'esprit du Pape Saint Grégoire le Grand face aux barbares:
- La primauté de la prière et la vie spirituelle au-dessus et avant tout ;
- Une préoccupation profonde pour l’état du monde et un plein investissement à la vie publique par le témoignage pour apporter la lumière du Christ dans le monde.
- La certitude d’avoir, avec et par le Christ, les réponses aux problèmes du monde ;
- Une confiance que la puissance ne vient pas de l’homme, mais de Dieu ;
- De la clarté, de la fermeté et de l'efficacité dans l’administration des affaires temporelles (Grégoire savait combien il y avait de grains de maïs dans un épi et faisait en sorte que Rome ne soit pas volé dans les opérations commerciales et économiques) ;
- et enfin, Respecter la confiance en Dieu, en la grâce qu'il nous donne, tant pour mener nos actions que pour ne pas nous attacher à leur réussite ou leur échec.

i) L’Option François

L’écrivain Tom Hoopes[18] n’est pas le seul à en appeler au Pape François pour décrire cette autre Option. Il explique que « le pape François ne s’intéresse pas à la manière dont Saint Benoît a fui le monde ; il s’intéresse à la manière dont il a rencontré le monde par la prière et le travail  ».
Stephen Schneck[19],Ph.D, Directeur de l'Institut de recherche Politique et d'Etudes Catholiques à Washington, lui aussi, se réfère à l’Option François en disant que « la principale caractéristique du pontificat du Pape François est d’aller, avec miséricorde, vers les pécheurs et d’inviter et d’accueillir ceux qui ne partagent pas nos valeurs. ..Il cherhce inlassablement à atteindre les périphéries et les groupes marginalisés. En 1983, Jean Paul II a proposé aux évêques d’Amérique latine ce qu’il appelait une nouvelle évangélisation comme mission pour l’église de notre époque. Je ne suis pas sûr que le futur pape François était dans l’assemblée. Mais cette papauté a clairement repris cet appel. Évangéliser, c’est dire la vérité sur les marges. L’Option de François est l’opposé de l’Option de Benoît ».

j) L’Option Dorothy

Cette Option Dorothy porte le nom d’une journaliste militante catholique américaine, Dorothy Day[20] (1897-1980), devenue célèbre pour ses campagnes publiques en faveur de la justice sociale, des pauvres, des marginaux, des affamés et des sans-abris. Elle a reçu le prix Pacem in Terris en 1971 et sa cause en béatification a été ouverte en 2000 par le pape Jean-Paul II. C’est le théologien Michael Baxter[21] qui dit que l’Option Benedict n’est pas suffisante et qui propose l’exemple de Dorothy Day,  « elle-même Oblate Bénédictine, et son mentor, Peter Maurin, dont les essais ont énoncé un plan, non pour le retrait, mais pour la reconstruction sociale, la construction d'une nouvelle société dans la coquille de l'ancienne ». C’est tout à fait contradictoire avec l’Option Benedict qui pense qu’il faut renoncer à reconstruire la société actuelle.

2.4- Anxiété ou espérance ?

Toutes ce qui précède montre que le débat autour de l’Option Benedict est loin d’être clos. S’agit-il d’une forme d’isolement ou d’une manière silencieuse de s’engager ?
Michael Martin, philosophe et  professeur émérite à l'université de Boston, estime que la « Ben Op est née d'un sentiment d'anxiété » croissant qui témoigne d'un manque de confiance en Dieu et d’une soumission à la peur. Or "Il n'y a pas de crainte dans l'amour ; au contraire, le parfait amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n'est point parvenu à la perfection de l'amour."(1 Jean 4:18).
Michael Martin estime qu’il faut « commencer par la joie et l'amour pour le Ressuscité et ... nous entraîner à reconnaître sa Sagesse (Sophia) dans la Création et dans les œuvres de création ».
C’est la raison pour laquelle il propose la Sophia Option[22] : « L'option Sophia est, à bien des égards, conforme au projet de Dreher et à la culture du communautarisme, de l'hospitalité, de l'ora et labora... La différence entre ces deux Options est dans leur intentionnalité, et l'intentionnalité est tout ».
Cette sérénité de la Sophia Option, tient donc à un regard légèrement différent de la Benedict Option : « il y a des choses qui sont en train de mourir. Laissez ces choses mourir. Nous devons œuvrer pour la résurrection: "Ne savais-tu pas que je dois être aux affaires de mon père?" C'est ce que nous devons offrir au monde, un monde déjà si profondément empoisonné qu'il peut rejeter la guérison comme une menace pour son existence ».

2.5- La puissance de la prière

L’Encyclique Spe salvi explique qu’« aucune structuration positive du monde ne peut réussir là où les âmes restent à l'état sauvage » (§ 15). Autrement dit, l'homme seul ne peut sauver le monde contre le mal. La prière est probablement l’Option plus efficace que toutes les autres. Le reste ne viendra-t-il pas par surcroît ?
Deux Options très radicales se placent dans cette perspective :

a) L’option Marie
Carrie Gress, titulaire d'un doctorat de l'Université catholique d'Amérique et membre de la faculté de l'Université Pontifex, est l’auteure d’une  Option Marie[23]. Elle n’avait pas l’intention d’ajouter une option supplémentaire, mais plus elle observait le débat, plus elle y voyait une lacune dans l’Option Benedict :  « Plus J’ai, dit-elle, examiné le rôle de Marie tout au long de l'histoire, plus j'ai remarqué une véritable lacune dans la discussion. Après tout, si nous voulons parler de conversions, de protection contre les ennemis, de lutte contre l'hérésie, de la culture, etc., l'influence de Marie est inégalée ».
Carrie Gress évoque
- L’apparition de ND de Guadalupe qui a converti 4-10 millions d'âmes en catholicisme
- Le rôle du Rosaire dans la fin de l’hérésie albigeoise
- Le rôle de ND de Rocamadour dans la victoire finale de la reconquête des espagnols face aux musulmans.
« Il n'y a rien de naïf, dit Carrie Gress,  à croire que Marie puisse transformer notre monde séculier. Padre Pio a également précisé que le chapelet devrait être notre arme de choix pour les moments où nous vivons ».

b) L’Option Carmélite ?
Cette idée nous vient d’une réflexion faite au sein d’un Google group de jeunes : « on peut penser que le martyre des carmélites de Compiègne a donné un coup d’arrêt à la terreur. C'est ce qu'expose le livre  de William Bush, Apaiser la terreur qui raconte leur histoire en détail, et où la réalité admirable dépasse totalement la fiction du “Dialogue des carmélites”.
De même, on pourrait s’étonner de la formidable fécondité spirituelle du XIXè  quand la France a envoyé des milliers de ses enfants évangéliser le monde entier, après les horreurs de la fin du XVIIIè.
Dans un texte prophétique de 1958 de Joseph Ratzinger, il y a cette notion d’admirable échange entre le “petit nombre” des catholiques et la “multitude” des païens. Ainsi, il semble que l’Église, corps du Christ, suivra Son chemin jusqu’à la Croix, comme son Maître, pour le salut du monde ».
Le martyre ne serait-il pas une forme d'Option Carmel à laquelle nous ne pensons jamais? Quelle option choisirions nous si ces heures sombres revenaient dans notre occident chrétien?

3- Conclusion

L’occasion de la sortie de la version française de l’Option Benedict de Tod Dreher, risque de voir beaucoup de lecteurs sur-réagir positivement et de provoquer un engouement suscité par des sentiments nostalgiques. Qui ne serait admiratif des monastères bénédictins ? Le débat qui a eu lieu aux États-Unis nous rappelle la lettre de saint Paul aux Corinthiens: « Il y a diversité de dons.... A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune » (Cor 12, 4-7). 
Quand on voit la multiplication de toutes les Options précédentes, on réalise que le modèle est de suivre les saints, quels qu'ils soient.

 

[1] Source : The American Conservative : « The Benedict Option - Un modèle médiéval pour inspirer aujourd'hui les communautés chrétiennes », par Rod Dreher, 12 décembre 2013

Sommes-nous à Rome ? La question a pesé sur les esprits des 2 000 libertaires qui se sont réunis cet été à Freedom Fest à Las Vegas pour parler de la question de savoir si l’Amérique est dirigée à la manière de l’empire romain. Décadence bureaucratique, dette publique massive, armée surchargée, système politique apparemment incapable de faire face aux défis — la fin de l’empire romain a souffert de ces maladies, et alors, certains le craignent, l’Amérique contemporaine également.
Si  les libertaires, sur la droite, craignent un effondrement structurel, culturel et religieux, les conservateurs ajoutent une dimension morale et spirituelle au débat. Hédonisme montant, baisse de la pratique religieuse, éclatement continu de la famille et perte de cohérence culturelle — aux traditionalistes, ce sont des signes qu’un possible Age Sombre  avance.
Les Chrétiens les ont précédé. Vers l’an 500, une génération après que barbares aient déposé le dernier empereur romain, un jeune homme d’Ombrie, connu de l’histoire seulement comme Benoît, fut envoyé à Rome par ses parents riches pour parfaire son éducation. Dégoûté par la décadence de la ville, Benoît s’enfuit dans la forêt pour prier comme un ermite.
Benoît acquiert  une réputation de sainteté et rassemble les autres moines autour de lui. Avant de mourir vers 547, il a personnellement fondé une douzaine de communautés monastiques et a écrit sa célèbre règle, guide pour des dizaines de monastères qui se répandent dans toute l’Europe dans les tumultueux siècles à suivre.
L’effondrement de Rome signifiait une perte énorme. Les gens avaient oublié comment lire, comment cultiver la terre, comment faire pour se gouverner eux-mêmes, comment construire des maisons, comment faire du commerce et même ce que signifiait être un être humain. Derrière les murs du monastère, bien que, dans leurs chapelles, leurs bibliothèque et leurs réfectoires, les moines de Benoît construisent une vie de paix, d’ordre et d’apprentissage et étendent leur réseau dans toute l’Europe occidentale.
Ils ne voyaient plus le fruits de leurs travaux pour eux-mêmes. Aux paysans qui se trouvaient réunis autour de leurs monastères, des bénédictins ont enseigné la foi chrétienne, ainsi que des compétences pratiques, comme l’agriculture. Parce que les moines de l’ordre avait fait  promesse de « stabilité, » ce qui signifie qu’ils avaient prêté serment de rester à cet endroit jusqu'à leur mort, les monastères bénédictins ont émergé comme des îlots de santé mentale et de sérénité. Ce furent les bases d'où la civilisation européenne progressivement refit surface.
Il est difficile d’exagérer ce que Benoît -maintenant Saint Benoît- et ses partisans ont accompli. Dans une  récente « Conférence Thomas Merton » à l’Université Columbia, le professeur de droit, Russell Hittinger, résuma ainsi la leçon de Benoît XVI à l’âge des ténèbres: « comment vivre une vie pleine ? Pas une vie de succès mondains, mais plutôt, une vie de succès humain ».
Pourquoi les moines médiévaux sont-ils pertinentes pour notre époque ? Parce que, dit le philosophe Alasdair MacIntyre, ils montrent qu’il est possible de construire des « nouvelles formes de communauté au sein de laquelle la vie morale pouvait être maintenue » dans un âge sombre — y compris, peut-être, un âge comme le notre.
Pour MacIntyre, nous aussi vivons la catastrophe d’une chute de Rome, celle qui est cachée par notre liberté et notre prospérité. Dans son livre marquant de 1981, Après la vertu, MacIntyre a fait valoir que le manque de lumières, pour remplacer un christianisme expirant, fera perdre sa cohérence morale à la civilisation occidentale. Comme les premiers médiévaux, nous aussi avons été coupés de nos racines, et les prémices d’une amnésie culturelle s’abattent partout.
Le Grand Oubli sonne d’un son particulier dans le christianisme américain, qui perd ses jeunes en chiffres dramatiques. Ceux qui restent dans les églises souvent succombent à une puissante forme de relativisme du bien-être que les sociologues ont appelé « déisme thérapeutique moraliste, » qui dissout l’orthodoxie théologique et la morale chrétienne historique.
Un récent sondage du centre de recherche Pew a constaté que les Juifs en Amérique sont dans un état encore plus avancé d’assimilation à la modernité laïque. Les seuls Juifs qui résistent avec succès sont les orthodoxes, dont beaucoup vivent en communautés séparées utilement et par des traditions distinctes dans le monde.
Est-ce là une leçon à tirer ici pour les chrétiens ? Ils devraient prendre ce qu’on appelle la « Benedict Option » : communauté retirée à l’écart, dans le but de mettre sa foi et sa famille à l’abri de  la modernité corrosive et de cultiver un mode de vie plus traditionnel.
Des évangéliques progressistes sont engagés dans un mouvement de laïcs, largement médiatisé sous le nom de nouveau monachisme, qui implique généralement des adultes célibataires - et parfois des familles- vivant volontairement en communauté, habituellement parmi des citadins pauvres. Pourtant, beaucoup de gens, particulièrement ceux avec conjoint et leurs enfants, ne seront pas capables de vivre aussi radicalement. Existe-t-il pour eux des modèles à suivre ?
Deux contemporain ont établi des communautés chrétiennes avec racines plantées à la fois près d’une ancienne église et dans une région campagnarde qui leur donne un aperçu de la manière dont la « Benedict Option » pourrait fonctionner pour les gens ordinaires, aujourd'hui

♦♦♦

Andrew Pudewa et sa famille, des catholiques traditionalistes, ont embrassé l’ « Option Benedict » en 2006, laissant leur maison à San Diego pour l’Oklahoma oriental rural. Ils voulaient une vie plus intensément catholique et vivre dans un lieu où ils pourraient apprendre à être plus autonomes. Dans leur cas, le côté bénédictin de la « Bénédict Option » était littérale : les Pudewas s’installent à se rapprocher des moines bénédictins de Clear Creek Abbey.
Sept ans plus tôt, 12 Bénédictins de l’abbaye traditionaliste de Fontgombault en France mirent en place une maison-fille dans les contreforts de Ozark à une heure de route de Tulsa. Certains des moines américains revenaient, anciens élèves du dernier professeur de John Senior, l’Université du Kansas, dont les cours populaires de Bible, dans les années 1970, avaient ravivé l’intérêt pour les sources catholiques de la tradition occidentale.
« Nous suivons juste l’ancienne vie monastique. Nous prions, adorons, exerçons le travail manuel et donnons des conseils à des gens, » dit l’abbé Philip Anderson, un ancien étudiant aîné, au Washington Times en 2003. « Il y a une véritable guerre culturelle en cours et une série de déceptions avec l’Église catholique en Amérique. Les gens voient ce monastère comme un nouveau départ, comme un nouvel élément qui a un support solide avec une longue tradition de la vie monastique. »
Maintenant dans sa deuxième décennie, Clear Creek abrite plus de 40 moines vêtus de blanc et d’une communauté grandissante de laïcs comme les Pudewas, qui, inspirés par les écrits de Wendell Berry, de G.K. Chesterton et d’Hilaire Belloc — s’installent à la campagne pour être près du monastère et adoptent un mode de vie plus agraire. La communauté catholique laïque, centrée sur l’abbaye, comporte maintenant environ 100 personnes.
Si l’Option Benedict est en train de créer une communauté de valeurs partagées, les adeptes de Clear Creek ne sont pas des séparatistes. Ces catholiques s’entendent bien avec leurs voisins Baptistes. De plus, dit Pudewa, le manque de structure formelle de la communauté est le secret de son succès
« Tout le monde est de sa propre initiative », dit-il. « Si vous trouvez des biens autour d’ici, c’est très bien, mais personne n’organise cela pour vous. Si vous aimez les moines et avez l’envie d’aller à la messe tous les jours, vous pouvez, mais sinon personne n’est critique. Il y a bien une attitude de vivre-et-laissez-vivre ici. »
Les adeptes de Clear Creek beaucoup enseignent eux-mêmes des compétences démodées qui permettront à la communauté de se débrouiller en cas de situation d’urgence, mais ils ne sont pas des neo-Amish. Certains travaillent la terre, mais aucune famille ne vit de l’agriculture. L’Abbé du monastère m’a dit la pauvreté matérielle relative qui existe parmi les laïcs, mais il y a aussi une richesse d’esprit et de vie de famille sur laquelle vous ne pouvez pas mettre un prix.
« Je pense que nous partageons tous  une sorte de gratitude», a dit Pudewa. « C’est le développement des liens entre les gens que nous voulons favoriser, plus que de pousser d’autres gens sur la manière d’être plus catholique ».
Les pères et les mères de Clear Creek élèvent leurs enfants largement déconnectés de la culture populaire américaine. Pourtant, bien que scolarisés à la maison, les enfants de la Communauté ne sont pas pour autant élevés  dans un monastère. Ils vont à Tulsa pour danser le swing deux fois par semaine, par exemple. Pourtant, leur relatif isolement rend la mission de former le caractère des enfants plus facile, dit Pudewa.
Soulignant que les enfants ne sont pas incités à fuir la vie à l’extérieur les collines de l’Oklahoma, Pudewa ajoute : « le but du cocon n’est de les envelopper pour toujours; le but est de préparer le papillon ».
Les Bénédictins de Clear Creek peuvent rester pendant des siècles, mais si les laïcs catholiques vont profiter d’une longévité, ils ont besoin de moyen à long terme et d’appui matériel. Certains pères travaillent dans les activités de construction des environs. Un autre vend des assurances à Tulsa. D’autres télé-travaillent — comme Pudewa- et dépendent de l’Internet pour un revenu. (Ironie du sort, la même technologie accélère une visibilité plus large de la culture et permet aussi à ces pèlerins des temps modernes de soutenir leurs familles en exil rural).
Pudewa, pour l’essor  de l’enseignement à domicile, emploie des membres de quatre familles de la Communauté, équilibre son idéalisme religieux avec une tendance pratique. Tenir les générations futures dans un endroit géographiquement isolé requiert une créativité commerciale et de l’initiative entrepreneuriale, dit-il. Une conviction spirituelle n’est pas suffisante.
« Il faut cultiver. Vous ne pouvez pas avoir une communauté où tout le monde est assis là ne rien faire jusqu'à ce qu’ils meurent, » dit-il. « Nous avons besoin de construire évangéliquement des choses et une pensée. C’est ce qui attire les enfants : faire les choses. »

♦♦♦

La ville  de Eagle River en Alaska fait désormais partie du grand Anchorage. Mais dans les années 1970, la colonie à la base des Montagnes de Chugach, c’était plus ou moins la cambrousse. À l’époque, des animateurs pastoraux évangéliques, Harold et Barbara Dunaway, achetèrent cinq acres de terre au milieu d’une forêt d’épinettes et de bouleaux et déplacèrent leur troupeau au nord d’Anchorage. Leur modèle était « L’Abri », le légendaire — et qui subsiste encore — que le pasteur Protestant Francis Schaeffer avait fondé en Suisse.
En 1987, la communauté ecclésiale entière se convertit au christianisme orthodoxe puis entra dans l’église orthodoxe melkite. Harold est devenu le père Harold ; l’église est devenue la cathédrale de St. John. Des terres à bon marché à Eagle River permirent à des fidèles d’acheter et de construire des maisons à proximité de l’église. Aujourd'hui, environ 70 familles vivent à un mile de St-John, dans ce qui ressemble à un village d'antan.
Le Père Marc Dunaway, junior à l’école secondaire quand ses parents, aujourd'hui décédés, s’installèrent à Eagle River, est aujourd'hui le chef spirituel de la communauté. Il n’était pas arrêté sur une vision religieuse particulière, dit-il, mais avait plutôt « un désir de conserver comme normale la communauté humaine qui existait dans le monde jusqu'à l’époque moderne. »
Les difficultés que la Communauté a traversé dans les premières années — sombres hivers, pas d’eau courante — ont établi des liens solides. Si la vie quotidienne est beaucoup plus facile maintenant, la communauté de St-John fonctionne toujours pour prendre soin les uns des autres dans les temps difficiles. Récemment, des voisins se sont rendus compte qu’un membre de l’église traversait une période personnelle difficile et ils proposèrent d’aider à cuisiner et à prendre soin de ses enfants.
« L’amour chrétien peut s’exprimer de façon très pratique lorsque les gens sont à proximité, » dit Dunaway. « Un ami n’est jamais loin. En outre, des relations communautaires peuvent aider les gens à lisser leurs aspérités. Cela est nécessaire pour la croissance spirituelle ».
Comme les catholiques de Clear Creek, les orthodoxes d’Eagle River ne vivent pas dans une communauté avec une structure formelle. Ses membres travaillent principalement autour de la zone d’Anchorage et se voient les uns les autres au culte, à l’école paroissiale ou lors d’événements sociaux. La fréquentation de l’église, d’une école et d’un quartier donne cependant à la communauté un sentiment de cohésion et de camaraderie
Au fil des années, certains croyants se sont séparé, partant en quête d’une expérience communautaire orthodoxe plus stricte. Il s’agit d’un défi vivace pour les communautés organisées autour d’idées, religieuses ou autres. Que faire lorsque certains membres estiment que d’autres se détournent de la vraie croyance ou d’une pratique correcte ? Il n’y a pas de réponses simples. Une certaine flexibilité est nécessaire.
« Je pense que le remède à toute communauté, pour éviter ces troubles regrettables, est d’être ouverte et généreuse et de résister à l’appel à construire des murs et à s’isoler », a dit Dunaway
Comme pour les nouveaux arrivants à l’orthodoxie, la partie communautaire de St-John semblait rebutante pour Shelley et Jerry Finkler, qui se sont convertis avec leurs enfants en 2007. Les Finklers vivaient dans une ville-dortoir, à 20 minutes de la cathédrale, ce qui compliquait la pleine participation des services tout au long de la semaine et entravait la vie spirituelle de la famille. Ils aimaient les liturgies et vêpres mais pensaient qu’il était étrange de vivre parmi les gens avec qui  vous êtes allés à l’église.
Une brève expérience de vie à proximité de la cathédrale a changé leur point de vue. « Même si nous menions une vie pauvre cette année-là, la qualité de notre vie était très riche en raison de la possibilité de se rendre aux services et à cause de la relation que nous avions aussi avec les gens là-bas », a dit Shelley Finkler.
Lorsque les Finklers revinrent dans leur maison de banlieue, ils furent surpris par l’importance du vide loin d’Eagle River.
« Dans notre ancien quartier, tout le monde avait un statut économique similaire et nous nous connaissions tous les uns les autres, mais vous n’avez pas le même sens du bien commun que lorsque vous vivez autour de personnes qui partagent votre foi, » dit-elle. « Cela fait une grande différence quand il vient le besoin de tendre la main pour s’aider les uns les autres ».
Cet été, les Finklers ont vendu leur maison et sont revenus à la communauté de St. John's — cette fois, comme famille d’accueil pour le St. James House, un ministère de la cathédrale Ministère dans lequel des adultes jeunes célibataires viennent vivre une année de prière, de travail et de discernement. « Nous pensons que c’est plus sain pour nos enfants, nous et tout le monde qui vit autour de nous, de savoir que si vous avez un problème, il y a 150 mains secourables et des cœurs autour de vous, » dit Shelley. « Il n’y a pas de règles ici, et nous ne sommes pas enfermés. Il n’y a aucune bizarrerie. Il existe seulement un centre qui est l’église. »

♦♦♦

Il est facile d’être pessimiste quant à la viabilité des communautés vivant la « Benedict Option ». L’histoire donne des exemples innombrables de vies communautaires qui  ont commencé avec des idéaux élevés mais buttèrent sur la fragilité humaine.
Ces dernières années, la tentative du magnat de pizzas, Tom Monaghan, de fonder une communauté catholique conservatrice dans le sud-ouest de la Floride s’est effondrée en grande partie à cause de l’autoritarisme excentrique de Monaghan. Au centre du Texas, Homestead Heritage, une communauté Pentecôtiste de style retour-à-la-terre à connotation Anabaptiste, a été la cible de cinglantes accusations. Une enquête du Texas observateur de 2012 a révélé ce que le journal appelle « familles cassées, maltraitance d’enfants et allégations de manipulation mentale, dissimulations et secrets ». Dans une déclaration, Homestead Heritage a dénoncé des accusations « calomnieuses et diffammatoires ».
L’expérience suggère que dans le monde moderne, des implantations de « Benedict Option » doivent être à la fois ouvertes sur le monde et vigilantes quant à la liberté individuelle.
« Je pense que d’essayer de comprendre que la liberté est assez importante, » dit Jonathan Wilson-Hilaire, qui dirige une communauté monastique de nouveaux pionniers à Durham, en Caroline du Nord. « Une partie de la grâce de stabilité est de savoir que tout est don. Vous devez détenir plus ou moins ces dons. »
Il s’agit d’un défi particulier quand l’existence même de votre collectivité dépend du renouvellement de l’appel à vivre à l’écart. Cette prise de conscience de la différence peut devenir dangereuse.
« On enseigne à des étudiants de certains petits collèges catholiques à penser que, en tant que catholiques vivant en Amérique, ils sont membres d’une minorité aliénée, lésée, et moralement supérieure, » dit John Zmirak, qui a été écrivain en résidence à Thomas More College à Merrimack, New Hampshire, jusqu'à sa démission en 2012. « Ils apprennent qu’ils ne doivent aucunement faire confiance à nos institutions, mais devraient fonctionner pour les remplacer par un régime catholique agressif, intolérant. En d’autres termes, on leur apprend à penser et à agir comme des musulmans radicaux vivant en France. »
Zmirak, un traditionaliste catholique, reconnait l’appel lancé par les communautés de la « Benedict Option » à des chrétiens aux abois. Rester fidèle à ses valeurs dans un monde qui les conteste agressivement à longueur de temps est épuisant. Mais se retirer fonctionne rarement, insiste-t-il. « Il faut rechercher un boisseau où votre lumière sera en sécurité contre le vent ».
Pourtant les communautés chrétiennes de Clear Creek et d’Eagle River ont tâtonné sur des modèles qui sont modestes, équilibrés et durables jusqu'à présent. Elles détiennent un caractère distinctif sans pour autant devenir rigides, intolérantes ou réglementées, se tenant debout en dehors du monde sans le diaboliser.
« Si vous vous isolez, vous deviendrez bizarre », avertit le père Marc Dunaway. « C’est un équilibre délicat entre laisser la liberté et l’ouverture d’une part et maintenir une identité communautaire, d’autre part. L’idée de communauté elle-même ne peut pas devenir une idole. Une communauté est un organisme vivant qui se doit de changer, de grandir et de s’adapter. »
Il n’est pas possible d’avoir des communautés « Benedict Option » sans renoncer à un degré élevé d’autonomie individuelle -et à la possibilité d’avancement professionnel- comme coût de la stabilité. Cependant, pour ceux qui adoptent la « Benedict Option »,  les récompenses sont une perle de grand prix. Ces communautés offrent un moyen pour les croyants d’épaissir leur culture chrétienne dans une époque de révolution morale et de dissolution religieuse. Et s’ils ont réussi au fil du temps, ils peuvent transmettre leur sagesse aux étrangers qui ont soif de lumière dans l’obscurité postmoderne.
De cette façon, ils pourraient s’acquitter de la prophétie du Pape Benoît  XVI selon laquelle les croyants chrétiens dans l’Occident seraient bientôt être moins nombreux, mais servirait comme une « minorité créative » — et ce faisant, déciderait de l’avenir.
Ceux qui adoptent la « Benedict Option » - Protestants, catholiques et orthodoxes- appartiennent à une minorité minuscule, certes, mais ils peuvent avoir encore plus d’influence que n’importe qui peut maintenant l’imaginer. Après tout, Saint Benoît n’a pas annoncé qu’il sauverait la civilisation occidentale ; il voulait seulement commencer ce qu’il appelait une « école de conversion ». Il était la bonne personne au bon moment, dans une période de transition calamiteuse — mais aussi faite d’opportunités.
Wilson-Hilaire, qui a vécu dans la communauté New Monastic, qu'il a fondée il y a une décennie, dit qu'il s’agit d’une autre époque de profonde possibilité de transition, réellement, entre des civilisations. Aux chrétiens d’y répondre avec créativité, dans une période de tâtonnements. Pourtant tous les grands ordres religieux et les mouvements dans l’histoire du christianisme sont nés d’expériences menées par des gens ordinaires s’engageant dans des défis de leur lieu et de leur temps. « C’est la seule façon pour l’église de toujours trouver ces chemins », dit-il.

[2] Quand les chrétiens se réveilleront... (Famille Chrétienne)

Une nouvelle fois l’Europe est frappée par des attentats. Âpres Paris, Nice, Berlin, Londres, voilà Barcelone victime de la violence aveugle du terrorisme islamiste. Une nouvelle fois, nous sommes partagés entre plusieurs sentiments, l’abattement, devant tant de haine absurde, la peur que cela ne recommence, mais aussi l’espoir que ce tragique événement nous fasse réfléchir. Essayons. Les grands esprits de notre temps peuvent nous y aider.
Le philosophe Régis Debray, récemment, affirmait que l’islamisme pourrait être l’occasion d’un réveil de l’Occident. Mais comment ? Les mesures de protection, certes indispensables, ne suffiront pas. L’éradication de l’État islamique non plus, même si elle est plus que jamais nécessaire. Il serait temps de rompre avec une attitude purement défensive, même si c’est le premier réflexe que nous avons face à un danger, et de nous montrer offensifs. Non pas de manière agressive, bien entendu : offensif au sens de reprendre l’initiative. C’est la seule façon de vaincre les forces de mort, d’où qu’elles viennent, qui travaillent notre société.
L’Église ne doit pas être l’Église le dimanche seulement. Si elle l’est, elle ne survivra pas aux combats à venir. 
Un livre à paraître bientôt nous le fait comprendre de manière magistrale : Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus. Le Pari bénédictin, que les éditions Artège ont eu l’heureuse idèle de traduire. L’auteur, l’Américain Rod Dreher, que l’on n’est pas obligé de suivre sur tous les points, appelle les chrétiens que nous sommes à un changement de vie radical. Citant Benoît XVI, il estime que la crise spirituelle qui traverse notre culture est la plus grave depuis l’effondrement de l’Empire romain. À cette époque avait surgi un homme extraordinaire, saint Benoît, qui allait inventer le monachisme occidental et, par là, susciter une renaissance d’une ampleur exceptionnelle, que personne n’avait prévue. Les chrétiens, résume Rod Dreher, doivent faire le « pari bénédictin » : « Ceux qui choisiront la voie bénédictine parviendront à briser le mur invisible qui maintient Dieu confiné dans les lieux de culte : l’Église ne doit pas être l’Église le dimanche seulement. Si elle l’est, elle ne survivra pas aux combats à venir. » La voie bénédictine , c’est tout simplement « se convertir pleinement au Christ et s’inspirer du modèle tracé il y a des siècles par saint Benoît pour bâtir des communautés ouvertes, engagées et solidaires au milieu du monde ».
Alors, faut-il attendre un nouveau saint Benoît ? Réponse de Rod Dreher : « Je vous invite, lecteur, à garder à l’esprit [...] que ce nouveau Benoît, que Dieu appelle à œuvrer à la consolidation de son Église, pourrait bien être... vous. »
Charles-Henri d'Andigné

[3] Comment être chrétien dans un monde qui ne l'est plus (de Michel Janva)

Rod Dreher, père de famille, chrétien fervent et journaliste renommé (The American Conservative), né méthodiste, s'était converti au catholicisme en 1992, avant de rejoindre l'Orthodoxie en 2006. Les éditions Artège publient le 20 septembre son dernier essai sur "Le pari bénédictin", indiquant comment les chrétiens de toutes obédiences vont devoir résister aux fléaux de la modernité, comment vivre leur foi dans un monde sécularisé devenu de plus en plus hostile à l'Évangile.
Avec des accents qui rappellent les analyses de Jean Ousset et de Marcel Clément, l'auteur décortique les racines de la crise de nos sociétés occidentales: nominalisme, Renaissance, Réforme, Révolutions (française, industrielle et sexuelle). Et il note que ce n'est pas l'élection d'une personne providentielle qui nous sauvera de cette décadence culturelle. D'emblée, il place les chrétiens face à une réalité que beaucoup refusent de voir :
"Jésus-Christ a promis que les portes de l'Enfer ne sauraient atteindre son Églisemais Il n'a pas promis qu'elles ne la vaincraient pas en Occident".
Notre civilisation se suicide sous nos yeux et la logique voudrait qu'elle devienne ce qu'est devenu l'Afrique du Nord lors de la conquête musulmane : des centaines d'évêchés anéantis, des chrétiens réduits en dhimmitude, des Etats disloqués.
Face à cette catastrophe qui semble inéluctable, Rod Dreher rappelle l'exemple de Saint Benoît, le père de l'Occident, qui, par sa Règle et la fondation de monastères tournés vers la contemplation, a permis à l'Église de survivre aux barbares et à l'âge sombre qui a suivi la chute de Rome. Par cette analyse, Rod Dreher se fait l'écho du fameux discours de Benoît XVI aux Bernardins en 2008. Face au déluge de la modernité, Rod Dreher appelle à quitter les mirages de la politique et à lancer ce "pari bénédictin". Ces chrétiens ont
"accepté de reconnaître cette vérité que la politique ne nous sauvera pas. Plutôt que d'essayer de rafistoler l'ordre établi, ils ont reconnu que le royaume auquel ils appartiennent n'est pas de ce monde, et ont décidé de ne pas compromettre cette citoyenneté".
"Il n'est pas question d'abolir sept cents ans d'histoire : c'est impossible. Il n'est pas non plus question de sauver l'Occident. Ce que nous devons chercher à faire, c'est construire un mode d'existence chrétien qui surplombe l'océan agité de la modernité comme un îlot où se conservent la sainteté et la stabilité. Nous ne voulons pas créer un paradis terrestre, mais trouver le moyen de rester forts dans notre foi en un temps de mise à l'épreuve."
Prenant notamment exemple sur les dissidents soviétiques, comme Vaclav Havel, il appelle à mener "une politique antipolitique" :
"Dans les années qui viennent, il nous faudra probablement choisir entre être un bon Américain, un bon Français, etc., et être un bon chrétien".
S'inspirant de la Règle de saint Benoît, Rod Dreher appelle à remettre dans notre vie quotidienne, de l'ordre, la prière, le travail, l'ascèse, la stabilité, la communauté, l'hospitalité et l'équilibre. Il cite Vaclav Havel, expliquant  que :
"La meilleure résistance au totalitarisme vient tout simplement de notre âme, de notre condition, de notre terre, de l'humanité d'aujourd'hui".
Et ainsi, 
"Les communautés issues du pari bénédictin peuvent même devenir, à l'occasion, des témoins à charge contre la culture du sécularisme, en s'opposant par contraste à des politiques sociales et économiques de plus en plus froides et indifférentes. Les États ne pourront bientôt plus répondre à tous les besoins des peuples, surtout si les prédictions sur l'augmentation des inégalités se réalisent. La compassion chrétienne, qui repose sur la croyance dans la dignité de l'homme, deviendra une option particulièrement attirante, tout comme l'avait été l'Église des premiers temps à l'heure du déclin du paganisme et de l'effondrement de l'empire romain.
Voici comment se lancer dans la politique antipolitique. Coupez-vous de la culture dominante. Éteignez votre télévision. Débarrassez-vous de vos Smartphones. Lisez des livres. Jouez. Faites de la musique. Dînez avec vos voisins. Il ne suffit pas d'éviter ce qui est mauvais : il faut adopter ce qui est bon. Créez un groupe dans votre paroisse. Ouvrez des écoles chrétiennes ou aidez-en une existante. Jardinez, plantez un potager et participez aux marchés locaux. Enseignez la musique aux enfants et aidez-les à monter un groupe. Engagez-vous chez les pompiers volontaires.
Il ne s'agit pas d'arrêter de voter ou de s'engager en politique, mais de comprendre que ça ne suffit plus. Depuis vingt ans, le mouvement pro-vie a compris qu'il serait impossible à court terme de supprimer le droit à l'avortement. Il a donc choisi une stratégie plus large. Tout en poursuivant son activisme auprès des décideurs, il a créé localement des centres d'accueil et d'écoute pour les femmes enceintes désorientées. Ces centres sont rapidement devenus des éléments essentiels à l'avancée de la cause, et ils ont sauvé d'innombrables vies. C'est un modèle qu'il nous faut suivre."

[4] Source : CCEG

1ère partie

« La politique de l’option de Bénédictine commence par la proposition que le travail politique le plus important de notre temps est la restauration de l’ordre intérieur, en harmonie avec la volonté de Dieu — le même éthos que celui présent dans la vie d’une communauté monastique. Tout d’abord, cela signifie être ordonné envers l’amour.
Nous devenons ce que nous aimons et faisons le monde selon nos amours. » 
Il est facile pour moi d’imaginer que la prochaine grande division du monde sera entre les personnes qui souhaitent vivre en tant que créatures et les personnes qui souhaitent vivre en tant que machines », écrit Wendell Berry.
Ce que ces chrétiens (orthodoxes, dans le sens de fidèle à leur foi) font maintenant sont les germes de ce que j’appelle « l’option Bénédictine », une stratégie qui s’appuie sur l’autorité de l’Écriture et la sagesse de Dieu.
Ce seront ceux qui apprennent à dépasser la culture moderne actuelle avec foi et créativité, à approfondir leur propre vie de prières et adopter des pratiques, en mettant l’accent sur les familles et les communautés (plutôt que sur la politique partisane), la construction d’églises, d’écoles et d’autres institutions, qui sont ceux qui créeront les conditions dans lesquelles la foi chrétienne orthodoxe peut survivre et prospérer au-delà de la tempête qui nous dépasse. 
Les mauvaises nouvelles sur la fragilité de la culture sont également de bonnes nouvelles, selon Harris : « Les cultures peuvent être changées ou formées à partir de zéro en une seule génération ».
« La meilleure résistance au totalitarisme est simplement de le chasser de nos propres âmes, de nos propres circonstances, de notre propre pays, pour le sortir de l’humanité contemporaine », a déclaré Václav Havel. Il en va de même pour la philosophie antichrétienne qui a pris en otage la vie publique occidentale.
Les forces de la dissolution de la culture populaire sont trop grandes pour que les individus ou les familles résistent de manière autonome et isolée. Nous devons nous rassembler. 
Les individus qui sont engagés partout dans notre société moderne, à trouver leur propre « vérité », ne représentent plus l’église, dans le sens où il n’existe plus de croyance partagée.
La Règle de Benoît promeut trois vœux distincts : l’obéissance, la stabilité (fidélité à la même communauté monastique jusqu’à la mort) et la conversion de la vie, ce qui implique de se consacrer à l’approfondissement du repentir. 
Dans l’option Bénédict, nous n’essayons pas d’abroger sept cents ans d’histoire, comme si cela était possible. Nous n’essayons pas non plus de sauver l’Occident.
Nous essayons seulement de construire un mode de vie chrétien qui se présente comme une île de sainteté et de stabilité au milieu de la marée montante de la modernité liquide. Nous ne cherchons pas à créer le paradis sur terre ; nous recherchons simplement un moyen d’être fort dans la foi. La Règle, avec sa vision d’une vie ordonnée centrée autour du Christ et des pratiques qu’elle préconise pour approfondir notre conversion, peut nous aider à atteindre cet objectif.
Ne vous laissez pas tromper par l’aspect ordinaire de cette proposition. Il s’agit là d’une vraie politique à son niveau le plus profond. Il s’agit de La Politique à mener en temps de guerre. Et nous ne  combattons rien de moins qu’une guerre de culture, ce que C. S. Lewis définit comme la culture de « l’abolition de l’homme ».
Le philosophe chrétien Scott Moore dit que nous nous égarons lorsque nous parlons de la politique comme une compréhension du rôle de la politique confinée au niveau de l’État et de ses institutions. « La politique concerne la façon dont nous ordonnons notre vie ensemble avec nos proches, qu’il s’agisse d’une ville, d’une communauté ou même d’une famille ». 
La peur permet à l’idéologie officielle de conserver le pouvoir et de modifier les croyances. Ceux qui « vivent dans un mensonge », dit Havel, collaborent avec le système et compromettent leur pleine humanité. La réponse est donc de créer et de soutenir des « structures parallèles » dans lesquelles la vérité peut être vécue en communauté.
N’est-ce pas une forme d’évasion, une retraite dans un ghetto ? Pas du tout, dit Havel : une communauté contre culturelle qui a abdiqué sa responsabilité de toucher les autres, finit par être une « version plus sophistiquée de « vivre dans un mensonge ».
L’option Bénédictine appelle à une nouvelle façon radicale de faire de la politique : une vie locale pratique fondée sur l’exemple pionnier des dissidents du bloc de l’Est qui ont défié le communisme pendant la guerre froide. Une forme occidentalisée de « la politique antipolitique », pour utiliser le terme inventé par le prisonnier politique tchèque Václav Havel, est la meilleure voie à suivre pour les chrétiens orthodoxes qui cherchent un engagement pratique et efficace dans la vie publique sans perdre leur intégrité et même leur humanité.
 La voie de saint Benoît n’est pas une évasion du monde réel, mais une façon de voir ce monde et d’y vivre comme il l’est vraiment. La spiritualité bénédictine nous enseigne à supporter le monde amoureusement et à le transformer en tant que le Saint-Esprit nous transforme. L’option Bénédictine s’appuie sur les vertus dans la Règle pour changer la manière dont les chrétiens abordent la politique, l’église, la famille, la communauté, l’éducation, nos emplois, la sexualité et la technologie.
 Saint Benoît s’attendait à ce que chacun de ses monastères soit autonome et exceptionnellement pour un Romain de son époque, a enseigné que le travail manuel pouvait être un acte sanctifiant.
 Plus profondément, les bénédictins considèrent leur travail comme une expression d’amour, d’intendance et de responsabilité partagée vis-à-vis de la communauté, ainsi que comme un moyen de réorganiser le monde naturel en harmonie avec la volonté de Dieu.
 Le monde change si vite que la personne qui veut rester fidèle à son intégrité, même à son identité, fait face à d’énormes difficultés et prend d’énormes risques. Au lieu de comprendre qu’un ordre est nécessaire pour permettre de respecter nos devoirs envers la maison humaine et la famille, les générations contemporaines ont été trompées par « la modernité liquide » qui leur fait croire que maximiser le bonheur individuel est l’objectif unique de la vie. Le gyrophare, le méchant de la Règle de saint Benoît, est le héros de la postmodernité.
 Le théologien qui a le plus renversé le puissant chêne du modèle médiéval, c’est-à-dire le réalisme métaphysique chrétien, était un franciscain des îles britanniques, Guillaume d’Ockham (1285). Il a nié le réalisme métaphysique du zèle pour protéger la souveraineté d’un Dieu Ignorant. Il a craint que le réalisme ne restreigne la liberté de Dieu. Les métaphysiciens médiévaux ont cru au contraire, que la nature pointait vers Dieu. Les nominaux ne l’ont pas fait. Cela a rendu le monde moderne possible.
 Ce qui a émergé était un nouvel individualisme, un monde qui inaugurerait la période historique appelée la Renaissance. La défaite du réalisme métaphysique a inauguré une phase nouvelle et une dynamique de l’histoire occidentale, qui a abouti à une révolution religieuse. Le christianisme médiéval s’est concentré sur la chute de l’homme, mais le christianisme plus humaniste de la Renaissance s’est centré sur le potentiel de l’homme. Le danger a été dès lors que les humanistes chrétiens deviennent uniquement amoureux du potentiel humain et de la capacité de l’homme à s’autocréer, en perdant ainsi de vue son inclination chronique vers le péché.
 Edmund Freud, le fondateur de la psychanalyse, n’a pas trouvé son véritable génie en tant que scientifique, mais comme une personne quasi religieuse qui a discerné et proclamé la réalisation du « soi » comme une divinité pour remplacer la religion chrétienne.
La réponse de Freud était de remplacer la religion par la psychologie. Dans sa vision thérapeutique, nous devons renoncer à la recherche infructueuse d’une source de sens inexistante et plutôt chercher à se réaliser soi-même. « L’homme religieux est né pour être sauvé. L’homme psychologique est né pour être heureux. »
 Ce qui a rendu notre condition si révolutionnaire, a-t-il dit, était que pour la première fois dans l’histoire, l’Occident essayait de construire une culture sur l’absence de croyance dans un ordre supérieur qui commandait notre obéissance. En d’autres termes, nous créons une « anti-culture », qui a jeté les bases d’une culture stable impossible.
 Le scepticisme est un antidote au poison de l’égocentrisme commun dans notre culture qui nous enseigne que satisfaire nos propres désirs est la clé de la bonne vie.
 Comme l’Occident décline en acédie spirituelle, il y aura de plus en plus de gens qui cherchent quelque chose de réel, quelque chose de significatif, eh oui, quelque chose de sain !
 C’est notre mandat en tant que chrétien est de leur offrir.
La science politique ne peut pas corriger ce qui ne va pas avec notre société et notre culture. Les outils politiques modernes sont inadéquats, car, dans leurs formes, qu’ils soient de gauche ou de droite, ils opèrent vers une direction qui facilite et élargit le choix humain comme la seule mesure de leur finalité.
 Par contre, la proposition politique de l’option Bénédict suppose que le désordre occidental qui accable la vie publique dérive directement du désordre présent dans l’âme occidentale.
 La politique de l’option Bénédict commence par la proposition que le travail politique le plus important de notre temps est la restauration de l’ordre intérieur, en harmonie avec la volonté de Dieu — le même éthos que celui présent dans la vie d’une communauté monastique. Tout d’abord, cela signifie être ordonné envers l’amour.
 Nous devenons ce que nous aimons et faisons le monde selon nos amours. Nous devrions agir à partir d’un lieu qui n’est pas de la peur et du dégoût, mais de l’affection et de la confiance en Dieu et dans sa volonté.
 Est-ce que nous sommes prêts à dévaloriser la place que représente notre statut social et professionnel, y compris la possibilité d’accumuler de la richesse ?
 Sommes-nous prêts à déménager dans des endroits loin de la richesse et du pouvoir des villes de l’Empire, à la recherche d’un mode de vie plus religieux ?
 Il y va de notre survie en tant que chrétien témoin d’une foi vivante de plus en plus. Le temps des tests est à portée de main.
 « Beaucoup de chrétiens ne voient aucune différence entre être fidèlement chrétien et être professionnellement et socialement ambitieux », déclare un militant de l’orthodoxie religieuse. « Ce temps est terminé ! ». Cette schizophrénie n’est plus possible.
 Lorsque ce prix doit être payé, les chrétiens de l’Option Bénédictine devraient être prêts à se soutenir mutuellement sur le plan économique, en s’offrant des emplois, dans entreprises condescendantes, partageant les mêmes valeurs.
 Maintenant a commencé un temps de réels défis pour les chrétiens dont les moyens de subsistance peuvent être mis en danger dans le monde du travail, s’ils veulent être fidèles à leur foi et agir de manière créative dans des domaines professionnels encore ouverts à eux sans risque de compromis.
 L’objectif est de créer des opportunités commerciales et professionnelles pour les chrétiens qui ont été chassés d’autres industries et professions. Il ne s’agit en aucun cas de cultiver la médiocrité et la facilité. « Nous devons développer un bon sens commercial, ne pas avoir peur du profit, et comprendre qu’en construisant quelque chose de précieux, qu’il s’agisse d’un service de plombier ou de jardinage, nous apportons une bonne chose au monde.
 « Dans la tradition bénédictine, notre travail est la façon dont nous participons au travail créatif de Dieu pour commander la Création et en tirer des fruits. Lorsqu’il est entrepris dans le bon esprit, notre travail est aussi un moyen que Dieu utilise pour nous commander intérieurement. Un bon équilibre en est la clé.
 Le travail est une bonne chose, même une chose sainte, mais il ne faut pas le laisser dominer sa vie. Si tel est le cas, notre vocation pourrait devenir une idole. La leçon de travail la plus importante de la Règle, cependant, est qu’un chrétien doit accomplir un travail, et toutes les autres choses qu’il accomplit, en cadeau à Dieu, comme participation à son ordre de Création.
 Premièrement, le modèle bénédictin nous rappelle que le travail et le culte voué à Dieu sont intégrés et que nos carrières ne sont pas séparées de notre foi.
 Deuxièmement, cela nous rappelle que le travail manuel est un cadeau, un don que les chrétiens devront redécouvrir si la société actuelle nous éloigne de certains métiers plus intellectuels, mais imposants de forts compromis à notre foi.
 Les barbares sont des personnes sans mémoire historique. Le barbarisme est le véritable sens de la contemporanéité radicale. La meilleure façon de créer une génération sans but qui n’a aucun sens des obligations au-delà d’elles-mêmes, c’est la priver de son passé. La séparation de l’apprentissage de la vertu crée une société qui n’estime les gens qu’au travers de leurs succès dans la manipulation de la science, du droit, de l’argent, des images, des mots, etc.
La question de savoir si leurs réalisations sont moralement dignes est une question secondaire, qui paraîtra naïve pour beaucoup si ils y sont confrontés aujourd’hui.
 Nous avons discuté jusqu’à présent dans ce livre sur ce que cela signifie de créer des structures et prendre en compte les pratiques nécessaires pour former nos cœurs à être de fidèles et bons serviteurs du Seigneur d’abord, même au point d’accepter de lourds sacrifices. C’est ce que l’option Bénédictine est censée faire : nous aider à commander et orienter toutes les parties de notre vie autour de Dieu.
 Il est nécessaire pour cela de comprendre les enjeux essentiels que représentent la sexualité et la technologie dans notre société moderne. C’est ce que nous allons nous attacher à faire en mettant en avant les bases de notre anthropologie humaine.

2ème partie

Le rôle clé de la sexualité et de la technologie
Revenons à notre position en regard des créatures et du lien avec leur Créateur : l’option Bénédictine n’est pas une technique pour inverser les pertes, politiques et autres, que les chrétiens ont souffertes. Ce n’est pas une stratégie pour retarder l’horloge à un âge d’or imaginé. Encore moins, s’agit-il d’un plan pour construire des communautés, coupées du monde réel.
Au contraire, l’option Bénédict est un appel à entreprendre le travail long et patient de réclamer le monde réel, de l’artifice, de l’aliénation et de l’atomisation de la vie moderne.

Aucune de ces stratégies ne fonctionnera, cependant, à moins que les chrétiens ne pensent radicalement différemment sur les deux forces les plus puissantes qui façonnent et dirigent la vie moderne : le sexe et la technologie.
Cela ne se fera pas sans renaissance de la discipline morale et spirituelle et un effort résolu de la part des chrétiens pour comprendre et défendre les restes de la culture chrétienne. 
William James, le fondateur de la psychiatrie, a écrit : « Mon expérience de vie correspond ce à quoi je tends. Seuls les éléments que je prends en compte en premier lieu construisent mes impressions. » Nos pensées déterminent vraiment nos vies.
L’écrivain technique Tim Wu, reflétant l’intuition de James, observe que la religion a toujours compris que diriger l’attention de l’homme vers ce qui est saint est extrêmement important.
C’est pourquoi la chrétienté médiévale a été remplie de prières, de rituels, de jeûnes et de fêtes : garder la vie, publique et privée, ordonnée autour de choses divines.
Cela signifie simplement qu’en tant qu’individus et communautés chrétiennes, nous devrons aujourd’hui faire beaucoup plus de travail pour garder nos yeux concentrés sur Dieu.
La source de tout désordre est d’aimer les choses finies plus que le Dieu infini.
Dans la vision chrétienne traditionnelle, la Vérité, la bonté et la beauté sont des réalités objectives, des qualités de Dieu et dons intrinsèques liés à la création elle-même. Être libre c’est pouvoir voir et participer à ces biens suprêmes, réalisant ainsi notre vraie nature humaine.
En tant que chrétiens, nous nous comportons de manière vertueuse non seulement parce que Dieu le commande, mais parce que l’acquisition de la vertu nous aide à voir le Christ plus clairement et à le faire voir, à le révéler à d’autres. L’Église primitive ne cherchait rien de plus que de voir le visage de Dieu. Tout le reste a été suivi.
Sous le règne de la technologie, des conditions qui rendent possible la vie chrétienne authentique disparaissent. Et la plupart d’entre nous n’ont aucune idée de ce qui se passe ?
La porte d’entrée de la modernité liquide, la technologie la plus radicale, la plus perturbatrice et la plus transformatrice jamais créée est l’Internet. C’est le facilitateur ultime de la modernité liquide parce qu’il conditionne la façon dont nous vivons la vie « en tant que flux rapide de particules », explique l’écrivain Nicholas Carr et encadre toutes nos expériences.
Internet accélère rapidement le processus de fragmentation politique, sociale et culturelle qui a été mené depuis le milieu du XXe siècle et compromet profondément notre capacité à nous concentrer et à approfondir avec attention notre intelligence.
Le théoricien Marshall McLuhan a déclaré : « Le moyen est le message », une déclaration énigmatique. Cela a confondu beaucoup. Ce qu’il voulait dire, c’est que les changements apportés par un nouveau moyen dans une culture sont souvent plus importants que toute information véhiculée par ce moyen ! 
Est considéré comme juste et comme « vérité » pour le technocrate tout ce qui est utile et efficace. Tout ce qui est « bon » pour lui est ce qui est possible et souhaitable pour le genre humain. L’homme technologique considère comme progrès tout ce qui élargit ses choix et lui donne plus de pouvoir sur la nature.
Il y a certainement des millions de chrétiens pour qui deux et deux ne font pas quatre ensembles. Beaucoup de chrétiens conservateurs s’opposent fermement à l’avortement et les lois de retour le restreignent.
Il n’y a cependant pas de mouvement pour interdire ou restreindre la fécondation in vitro, même si, du point de vue de la vie dans sa phase de conception, sont exterminées des millions de vies à naître ! Qu’est-ce qui permet cette hypocrisie ? La mentalité technocratique.
L’argument est le suivant : les bébés sont une bonne chose, donc tout ce qui gravite autour de la technologie pour aider les bébés est donc bon. L’amour, comme on dit, gagne
Le technocrate décide ce qu’il veut et, une fois que cela est disponible via la technologie, il rationalise son acceptation. La dissimulation de ce que la technologie nous enlève est une caractéristique de la vision du monde technocratique.
Nous pensons que les progrès technologiques sont inévitables parce qu’ils sont irrésistibles. Dans une formulation provocante, mais perspicace, Hanby dit que la Révolution sexuelle est ce qui se passe lorsque nous appliquons l’idéologie de la technologie au corps humain.
Nous avons fait de la biologie soumise à la volonté humaine. La technologie contraceptive permet aux femmes (et à leurs partenaires sexuels masculins) de vivre librement sans crainte de grossesse. La technologie de la reproduction étend la maîtrise de la procréation en libérant entièrement la conception du corps.
« Éros doit être élevé au niveau d’un culte religieux dans la société moderne, non pas parce que nous sommes tellement obsédés par cela, mais parce que le mythe de la liberté l’exige, “Dit le philosophe politique Stephen L. Gardner : l’avènement de la pilule contraceptive est ressenti comme une des plus grande conquête de la liberté de la modernité. Dans les années 1960, l’humanité pouvait étendre sa conquête et sa soumission de la nature à la volonté du corps humain lui-même.
Le transgenderisme est l’étape suivante logique, après quoi viendra la déconstruction de toute obstruction, en droit ou dans la coutume, à des arrangements polygames choisis librement. 
Et cela ouvre la porte au point plus fondamental de la technologie : c’est une idéologie qui conditionne comment nous, les humains comprenons la réalité. 
Utiliser la technologie correspond à participer à une ‘liturgie culturelle’ qui, si nous n’en sommes pas conscients, nous entraîne à accepter la revendication fondamentale de la modernité : la seule signification qu’un fait ou qu’une chose a dans le monde, est ce que nous choisissons de lui assigner en lien à notre quête sans fin pour maîtriser la nature.
Comme nous l’avons vu dans un chapitre précédent, la première période moderne a donné naissance à l’idée que la science devrait être utilisée pour conquérir la nature ‘pour le soulagement du patrimoine de l’homme’, dans les mots de Francis Bacon.
Aggravant le problème, la mentalité technologique nie qu’il y ait quelque chose d’important à connaître, en dehors de la façon de faire des choses qui nous aident à réaliser nos désirs: dans le grec ancien, techne ou «artisanat», est complété par l’Épistème, ou «connaissance acquise par la contemplation ». La Techne se réfère à la connaissance qui vous aide à faire les choses, alors que l’Épistème se réfère à la connaissance de la façon dont les choses sont, de sorte que vous saurez quoi faire.
Si nous pouvons utiliser la technologie comme nous l’aimons aussi longtemps que le résultat aboutit à notre propre bonheur, alors la seule réalité qui compte est la ‘réalité virtuelle’ en relation à la conception de la manière dont nous cherchons le bonheur. Il n’y a pas de limites naturelles, seulement celles dont nous n’avons pas encore la capacité technologique à surmonter.
Ce point de vue est omniprésent dans la modernité, mais profondément antithétique au christianisme orthodoxe.
Les familles et les communautés de l’Option Bénédictine qui restent apathiques à l’égard de la technologie sapent par inadvertance presque tout ce qu’elles essayent d’atteindre.
La technologie elle-même est une sorte de liturgie qui nous enseigne à encadrer nos expériences dans le monde de certaines façons et, si nous n’y prêtons pas attention, déforme profondément notre relation avec Dieu, avec d’autres personnes et avec le monde matériel : la plupart des gens supposent que la technologie n’est rien d’autre que de la science appliquée, dont la signification morale dépend de ce que son utilisateur fait avec elle. Ceci est naïf.
Dans une adresse puissante pour un rassemblement catholique de 2015 à Philadelphie, le philosophe scientifique Michael Hanby a expliqué qu‘avant que la technologie ne devienne un instrument, il est fondamentalement un moyen de considérer le monde qui contient en soi une compréhension de l’être, de la nature et de la vérité.
À quoi se réfère Hanby ?
Pendant des milliers d’années, les humains ont utilisé des outils pour affecter leur environnement. Ce qui a donné naissance à la technologie dont une vision du monde globale était le sens, (en commençant par le nominalisme) pour émerger au début de l’ère moderne à une situation où la nature n’avait pas de sens intrinsèque. Ce point de rupture est essentiel et il convient de le reconquérir.
Pour l’homme technologique, la ‘vérité’ consiste à étendre sa domination sur la nature et à la transformer dans des choses qu’il trouve utiles ou agréables, ce qui lui permet de comprendre ce que signifie exister. Considérer le monde sur le plan technologique, c’est de le considérer comme un matériel sur lequel étendre sa domination, limitée seulement par son imagination.
Dans la compréhension chrétienne classique, la vraie liberté pour l’humanité, selon sa nature, se trouve dans une soumission aimante à Dieu. Tout ce qui n’est pas de Dieu est l’esclavage.
Dans son livre Technopoly 1993, Neil Postman a expliqué que les cultures prémodernes ont soumis leurs convictions métaphysiques et théologiques de la même manière dont elles font usage de leurs outils, un lien direct avec la nature et son respect.
Ce n’est que dans les temps modernes, avec la montée en puissance de la technologie, que ceux-ci ont permis un véritable pouvoir de domination sur nous et ont ‘gagné’ le pouvoir de diriger et renverser nos convictions métaphysiques et théologiques.
C’est parce que l’homme technologique comprend la liberté comme libération de tout ce qui n’est pas librement choisi par l’individu autonome. Cela explique probablement pourquoi les Américains sont si naïvement optimistes quant à la technologie. Comme le philosophe Matthew Crawford l’a observé, les sérums de la vision du monde technologique sont intégrés dans les idées des Lumières sur lesquelles l’Amérique a été fondée. Mais c’est plus profond que cela.
La technologie en ligne, sous ses différentes formes, est un phénomène qui par sa nature intrasèque, fragmente, dissimule notre attention comme rien d’autre, compromettant radicalement notre capacité à comprendre le monde, reprogrammant physiologiquement notre cerveau.
En fin de compte, cela se résume au fait que les chrétiens ont perdu leurs liens avec leur grande histoire à propos d’éros et du cosmos.
Comme nous l’avons vu, beaucoup d’occidentaux croient que le fait d’être chrétien est principalement de traiter Dieu comme un thérapeute cosmique et d’être heureux avec soi-même et agréable avec les autres. C’est un pseudo-christianisme.
Cela dit, un christianisme qui réduit la vie en Christ à un code moral et éthique peut être à un égard mieux que rien, mais ce n’est pas la foi chrétienne.
La sexualité ordonnée n’est pas au cœur du christianisme, mais comme Rieff l’a vu, c’est si proche du centre que perdre l’enseignement clair de la Bible sur cette question, c’est risquer de perdre l’intégrité fondamentale de la foi. C’est pourquoi les chrétiens qui commencent par rejeter l’orthodoxie sexuelle finissent, soit par rejeter le christianisme lui-même, soit par laisser leurs propres enfants rejeter le christianisme.
‘La mort d’une culture commence lorsque ses institutions normatives ne parviennent pas à communiquer les idéaux d’une manière qui demeure invariable’, écrit Rieff. Par cette norme, le christianisme en Amérique est en danger mortel.
 Nous sommes comme les moines errants que saint Benoît a condamnés dans sa Règle comme la pire sorte de forme monastique, menée seulement par leurs propres volontés inquiètes. ‘De la conduite misérable de tout cela, il vaut mieux se taire que de parler’, a écrit le saint.
Les moines trouvent la vraie liberté en se soumettant à une règle de vie, c’est-à-dire en s’ordonnant à Dieu de manière structurée.
L’habitude, la promiscuité avec la pornographie, entraînent les enfants à objectiver le sexe opposé, à les traiter comme marchandises et à considérer leur propre sexualité comme quelque chose être commercialisé pour le statut.
 ‘La chasteté — l’utilisation à juste titre du don de la sexualité — était la plus grande distinction qui distingue les chrétiens de l’Église primitive du monde païen.’
Il est facile pour moi d’imaginer que la prochaine grande division du monde sera entre les personnes qui souhaitent vivre en tant que créatures et les personnes qui souhaitent vivre en tant que machines”, écrit Wendell Berry.
Revenons à notre position en regard des créatures et du lien avec leur Créateur : l’option Bénédictine n’est pas une technique pour inverser les pertes, politiques et autres, que les chrétiens ont souffertes. Ce n’est pas une stratégie pour retarder l’horloge à un âge d’or imaginé. Encore moins, s’agit-il d’un plan pour construire des communautés, coupées du monde réel.
 Au contraire, l’option Bénédictine est un appel à entreprendre le travail long et patient de réclamer le monde réel, de l’artifice, de l’aliénation et de l’atomisation de la vie moderne.
C’est une façon de voir le monde et de vivre dans le monde qui porte atteinte au grand mensonge de la modernité : les humains ne sont que des fantômes dans une machine, et nous sommes libres d’en ajuster les paramètres de quelque manière que ce soit ! Cela a été le principal Argument de ce livre.
Dans ces pages, j’ai essayé d’être un signal d’alarme pour les chrétiens conservateurs de l’Occident, les avertissant que le plus grand danger auquel nous sommes confrontés aujourd’hui ne provient pas d’une politique de gauche agressive ou d’un islam radical, comme beaucoup le pensent.
Ce sont des dangers que nos frères et sœurs chrétiens en Chine, au Nigéria et au Moyen-Orient font face.
Pour nous, le plus grand danger provient de l’ordre laïque libéral lui-même.
En outre, Il serait préoccupant que les chrétiens soient attirés par “l’option Bénédictine” par peur. Bien que la peur face aux temps turbulents soit compréhensible, a déclaré Thompson, l’option Bénédictine doit finalement être une question d’amour. »
« Ce ne peut pas être une stratégie pour l’amélioration de soi ou pour sauver l’église ou le monde ».
L’image de l’église en tant qu’Arche flottant sur les eaux tempétueuses de la destruction est un symbole qui a toujours existé dans l’histoire de la foi chrétienne. Ce concept emblématique de la compréhension du rôle de l’église doit être récupéré avec vigueur. 
Mais il y a une autre façon bibliquement saine de réfléchir aux eaux qui inondent la terre, une chose qui est tout aussi importante pour le projet de l’option Bénédictine que l’histoire de l’arche de Noé. Pendant la captivité babylonienne des Hébreux, Dieu a accordé au Prophète Ezéchiel une vision de la Ville sainte restaurée de Jérusalem.
Dans la vision, un homme mystérieux conduit le prophète dans un temple reconstruit. Ezéchiel voit un ruisseau d’eau sortir de l’autel, qui sort de ses ouvertures et dans le monde vers l’extérieur. Il s’agrandit et s’élargit, plus il se répand du Temple, jusqu’à ce qu’il devienne une rivière que personne ne peut franchir. Partout où cette eau coule, une vie abondante suit.
L’interprétation chrétienne traditionnelle de la vision d’Ézéchiel affirme qu’elle a été accomplie à la Pentecôte, lorsque Dieu a répandu l’Esprit saint sur les disciples rassemblés, en inaugurant une nouvelle ère avec la naissance de l’église. Par l’église, le temple restauré coulerait les eaux vivantes de la grâce salvifique. L’église est donc à la fois l’arche et le puits : les chrétiens doivent vivre de ces deux réalités.
Dieu nous a donné l’arche de l’église pour nous empêcher de nous noyer dans l’inondation furieuse du monde.
L’amour est la seule façon de faire en sorte que ce soit possible dans le monde à venir. L’amour n’est pas une extase romantique. Il doit s’agir d’une sorte d’amour qui a été affiné et intensifié par la prière régulière, le jeûne et la repentance et, pour beaucoup de chrétiens, en recevant les sacrements sacrés.
Et ce doit être un amour qui a été affiné par la souffrance et les défis pour présenter et préserver ce véritable amour aux autres hommes.
Dans mes voyages à la recherche de l’option de Benoît, je n’ai trouvé plus de réalisation complète que « Tipi Loschi » en Italie, la communauté catholique vigoureusement orthodoxe et joyeusement contre culturelle. « Commencez par sérieusement à vivre en chrétiens » dit Marco, son responsable, « acceptez qu’il ne puisse pas y avoir de terrain d’entente facile. Le Tipi Loschi a commencé comme un groupe de jeunes hommes catholiques qui ne voulaient plus de leur vie de foi présentée comme un déisme thérapeutique moral. C’était ma vie qui était importante ! », a déclaré Marco ; « Je ne savais pas que l’enseignement de Jésus-Christ était pour toute ma vie, pas seulement pour la partie “religieuse. Si vous reconnaissez qu’il est le Seigneur de tous, vous allez commander votre vie d’une manière radicalement différente.”
Au fur et à mesure que le soleil tomba dans le ciel de l’Ouest, nous avons parlé une fois de plus du défi auquel sont confrontés les chrétiens orthodoxes en Occident et de la façon dont ils semblent intimidants. Marco m’a laissé cette image inoubliable : “En Italie, nous avons un dicton :” Quand il n’y a pas de cheval, un âne peut faire du bon travail. “Je me considère un peu comme un âne.”, a-t-il dit. “
Il y a tellement de chevaux de race qui ne courent nulle part, mais ce vieil âne fait le travail. Toi et moi, continuons à faire ce travail comme de petits ânes. N’oubliez pas, c’était un âne qui a amené Jésus-Christ à Jérusalem. ”
 Les moines bénédictins américains de Norcia, qui ont fait revivre le premier monastère de Saint Benoît en Italie, sont devenus un signe pour le monde d’une façon que je ne prévoyais pas quand j’ai commencé à écrire ce livre.
 En août 2016, un tremblement de terre dévastateur a secoué leur région.
 Quand le tremblement de terre a frappé au milieu de la nuit, les moines étaient réveillés pour prier les matines, et ils ont fui le monastère pour la sécurité de la place en plein air.
LE PÈRE CASSIAN A ENSUITE EXPLIQUÉ QUE LE TREMBLEMENT DE TERRE SYMBOLISE L’EFFONDREMENT DE LA CULTURE CHRÉTIENNE DE L’OUEST, MAIS QU’IL Y A EU UN DEUXIÈME SYMBOLE D’ESPOIR CE SOIR-LÀ.
“LE DEUXIÈME SYMBOLE EST LE RASSEMBLEMENT DES GENS AUTOUR DE LA STATUE DE SAINT BENOÎT DANS LA PLACE POUR PRIER”, A-T-IL ÉCRIT À SES FIDÈLES. “C’EST LE SEUL MOYEN DE RECONSTRUIRE.”
Les tremblements ont laissé l’église basilique trop structurellement instable pour le culte, et la plupart du monastère inhabitable.
Les frères ont évacué la ville et ont déménagé à leur terre sur le versant de la montagne, juste à l’extérieur des murs de Norcia. Ils ont planté des tentes dans les ruines d’un ancien monastère et ont continué leur vie de prière, interrompue uniquement par des visites à la ville pour servir la population.
Les moines ont reçu des visiteurs distingués dans leur exil, y compris le Premier ministre italien Matteo Renzi et le cardinal Robert Sarah, qui dirige le bureau liturgique du Vatican. 
LE CARDINAL SARAH A BÉNI LES QUARTIERS TEMPORAIRES DES MOINES, A CÉLÉBRÉ LA MESSE AVEC EUX, PUIS LEUR A DIT QUE LEUR MONASTÈRE FAIT DE TENTES “LUI RAPPELAIT BETHLÉEM, OÙ TOUT A COMMENCÉ.” “JE SUIS CERTAIN QUE L’AVENIR DE L’ÉGLISE SE TROUVE DANS LES MONASTÈRES”, A DÉCLARÉ LE CARDINAL », PARCE QUE LÀ OÙ EST LA PRIÈRE, SE TROUVE LE FUTUR.
Quelques jours plus tard, de nouveaux tremblements de terre plus violents ont secoué Norcia.
La croix au-dessus de la façade de la basilique a renversé le sol.
Et puis, tôt le matin du dimanche 30 octobre 2016, le tremblement de terre le plus fort qui ait frappé l’Italie en trente ans a eu son épicentre juste au nord de la ville. La basilique du XIVe siècle de Saint-Benoît, le saint patron de l’Europe, tomba violemment au sol.
Seule sa façade restait. Aucune église de Norcia n’est restée debout.
« Oui, des dommages bien pires encore nous attendaient », a déclaré le père Bénédictin. « Mais nous sommes d’accord. J’aurai encore beaucoup à vous dire, mais je vais simplement prier. Je vais bien, et Dieu continue de nous purifier et d’apporter de très bonnes choses. »
Le lendemain matin, alors que le soleil montait sur Norcia, le père Bénédictin a envoyé un message aux amis du monastère partout dans le monde. Il a déclaré qu’aucun Norcini n’avait perdu la vie dans le tremblement de terre parce qu’ils avaient pris connaissance des avertissements des tremblements antérieurs et avaient quitté la ville. « [Dieu] a passé deux mois à nous préparer pour la destruction complète de l’église de notre saint patron, de sorte que, lorsque cela s’est passé, nous le surveillions, stupéfiés, mais en sécurité, du haut de la ville », a écrit le prêtre moine.
 Le père Bénédictin a ajouté : « Ce sont des mystères qui prendront des années, pas des jours ou des mois, pour comprendre. »
Maintenant, ils peuvent commencer à reconstruire au milieu des ruines, leur foi bénédictine leur enseignant à recevoir cette catastrophe comme un appel à une sainteté et à un sacrifice plus profonds.

[5] Extrait de « Limite n°5 » (pages 34 et 35)

THE BENEDICT OPTION, ou comment maintenir une vie intellectuelle et morale dans un monde barbare et sécularisé.
En 1981, le philosophe écossais Alasdair MacIntyre publiait Après le vertu, une œuvre considérée par beaucoup d’intellectuels comme l’une des plus décisives du XXè siècle. Dans cette remarquable « étude de théologie morale », l’auteur est en effet parvenu à faire, avec maestria, une revigorante archéologie de nos conceptions éthiques. Depuis le déclin de l’aristotélisme et la crise théologico-philosophique des Lumières jusqu’au début des années 198.
Le constat que tire le philosophe de son étude est que nous sommes entrés dans une époque d’obscurantisme depuis que nous avons perdu la cohérence narrative qui nous permettait d’avoir une pratique individuelle et collective des vertus.
C’est alors tout naturellement que le philosophe ajoute qu’en perdant toute faculté d résoudre nos problèmes moraux d’une façon rationnellement et spirituellement satisfaisante, nous sommes devenus des barbares.
En perdant la « tradition des vertus », héritée d’Aristote, et que des générations successives s’étaient jusqu’alors réappropriée d’une façon plus ou moins réussie à chaque époque, c’est du sens même de la civilité, de la morale et de la politique dont aujourd’hui nous nous retrouvons tout à coup orphelin.
La situation est d’autant plus tragique (ou comique selon l’humeur) que les contemporains trahissent, à travers des comportements aussi banals que spectaculaires, une totale science du phénomène qui les touche. Et ils sont devenus comparables « aux barbares des temps anciens », il faut encore soulever que cette fois, ces hordes « ne nous menacent pas aux frontières », mais qu’au contraire, elles « nous gouvernent déjà depuis quelques temps ».
Alasdair MacIntyre conclut son ouvrage par un appel devenu célèbre depuis : « nous devons nous consacrer à la construction de formes locales de communauté où la civilité et la vie intellectuelle et morale pourront être soutenues à travers les ténèbres qui nous entourent déjà ». Pour cela, « nous n’attendons pas Godot mais un nouveau (et sans doute fort différent) saint Benoît" (Inutile de dire que le philosophe ne considère pas que Donald Trump soit non plus le candidat indiqué pour la succession du saint de Nursie)
OUVRIR LES EVANGILES N’EST PAS OUVRIR UN COCA-COLA
C’est cette prière qui est prise très au sérieux par l’américain Rod Dreher, un méthodiste converti au catholicisme puis à l’orthodoxie, qui s’est notamment fait connaître sur le journal American Conservative pour l’acuité de son regard sur la vie politique et sociale de son pays.
C’est lui qui a forgé le concept de « Benedict Option », « l’Option saint Benoît », qu’on pourrait mieux traduire par « voie bénédictine » ou « voie de saint Benoît ». Par ce projet, le journaliste a voulu apporter une réponse radicale à la crise que traversent aujourd’hui les mouvements conservateurs américains depuis qu’ils sont devenus minoritaires sur la scène politique, et que la sécularisation portée par « l’État de masse » se fait de plus en plus au détriment des leurs valeurs essentielles.
Plus profondément, Rod Dreher dénonce le profond malentendu qui s’est installé entre l’Évangile tel qu’il est et l’Évangile tel qu’il a été peu à peu trahi au profit d’une idéologie séculière qui confond trop facilement Royaume des Cieux et American way of life. L’intellectuel dénonce aussi la nostalgie illusoire du bon vieux Sud chrétien, qu’entretiennent ceux qui oublient rétrospectivement toutes les cruelles injustices de Jim Crow contre leurs frères noirs. Malheureusement, la modernité ne semble guère faire autre chose que creuser davantage encore ce malentendu tenace.
C’est pour toutes ces rasions que Rod Dreher estime qu’il va être de plus en plus difficile « d’être à la fois un bon américain et un bon chrétien ». C’est pourquoi les croyants doivent s’émanciper du cadre mental rétréci et déstructurant de la postmodernité, et cesser de se montrer dupes des discours existentiels portés par la bureaucratie individualiste, le néo-positivisme des technophiles et des trans-humanistes au milieu du déluge chaotique des mass média.
Pour autant, l’intellectuel ne recommande pas à ses lecteurs de déserter la vie sociale et politique. Bien au contraire : « ce luxe ne leur est pas permis ». Mais il les enjoint en revanche à constituer des « formes pionnières de vie commune et émancipée de la culture obscurantiste et hostile qu’est devenue la culture majoritaire », afin de retrouver une vie intérieure véritable au milieu d’une société de pairs chaleureuse et soudée.
Il cite, à titre d’exemple, la communauté des familles catholiques qui se sont installées près de l’abbaye de Clear Creek, dans l’Oklahoma. Ces laïcs se contentent de vivre paisiblement et en bonne entente près de ce foyer spirituel, participant à la vie liturgique sans pour autant se retirer absolument du monde.
CONVERTIR LE BARBARE QUI EST EN SOI
De nombreuses critiques ont été adressées à Rod Dreher. La première porte sur le caractère assez vague du projet. Qu’est-ce qu’en effet « une communauté pionnière émancipée » ? Un autre détracteur fustige sa critique radicale de la laïcité. D’autres encore, refusent son soi-disant « pessimisme réaliste » et ne se montrent guère enthousiaste à l’idée de déménager près d’un monastère pour vivre dans la promiscuité de leurs frères chrétiens.
Pour leur répondre, Rod Dreher a donné de nombreuses conférences et des dizaines de tribunes et d’interviews ; autant de points de débat qu’il a résumés dans un essai intitulé : The Benedict Option : A strategy for Christians in a Post-Christian Nation, qui paraîtra en mars 2017. Cependant, sa position n’épuise pas à elle seule ce projet collectif.
On pourra par exemple citer Jared Staudt, oblat dans l’ordre de saint Benoît justement, qui résume « la voie bénédictine » en 6 points : « une manière de vivre ordonnée et stable » enracinée dans une pratique religieuse constante et ferme ; « une vie habitée par la liturgie » illustrant l’idéal de saint Benoît qui était de ne rien préférer à Dieu » ; « l’hospitalité et la simplicité » qui ordonnent toute chose à la gloire de Dieu et au service d’autrui ; « la culture et l’indépendance » qui permettent de se rendre libre et autonome face à « l’état de masse » ; le silence et la prière contemplative » qui exigent un détachement marqué envers les technologies invasives et les médias et enfin, « l’autorité et la vie commune » qui seules, permettent d’atteindre la perfection de la vie spirituelle.
Comme on peut le voir, cette « voie bénédictine » est pour le moins exigeante. Elle tranche nettement avec les discours iréniques et leurs  pendants catastrophiques en offrant à la fois un constat lucide, un horizon ferme et une marge de manœuvre assez large pour les esprits ambitieux. Finalement le chemin de crête de cette « voie bénédictine » se dessine déjà sous nos yeux, avec le renouveau des universités d’été chrétiennes, des écoles laïques portées par des chrétiens fervents, avec toutes les nouvelles communautés de laïcs et de clercs qui s’attachent à être, non pas du monde, mais dans le monde.
Avant toute chose, la voie ouverte par saint Benoît est un appel à une conversion sincère, exigeante, patiente, qui seule permettra à une foi véritable de s’exprimer avec force, espérance et créativité. La voie bénédictine est d’abord un appel à convertir le barbare qui est en nous avant de prétendre partir en croisade contre le monde pour retrouver le Monde d’Hier ou imposer à coup de triques Le Monde de Demain. « La voie bénédictine » est un chemin de Damas vers la Jérusalem céleste, qui exige intelligence, persévérance et, surtout, l’abandon de toutes illusions sur nous-mêmes et le monde.
Par Yriex Denis, blogueur, membre de la rédaction de Limite.

[6] Source : the catholic world report : « La « Benedict  Option» ou la « Grégorian Option » ? » de Sheila Liaugminas, journaliste à Chicago - 15 juin 2016 -

Étant donné que l' « Option Benedict » semble être plus motivée par la préservation culturelle que par une vision surnaturelle de l'engagement du monde, l'Église fait mieux de poursuivre un chemin qui mène à la nécessité de répandre l'Évangile dans le monde.
Depuis quelques années, le livre 1981 de Alasdair MacIntyre After Virtue a fait un retour résurgent, en particulier avec une série d'articles que Rod Dreher a lancés dans The American Conservative. Dans ces articles, Dreher a rappelé la critique de MacIntyre sur la modernité et est revenu à la suggestion provocatrice de MacIntyre qui affirme que la préservation de la civilisation dans les Âges Sombres ne s'est pas déroulée par des personnes qui tentaient de défendre les structures de l'empire effondré, mais grâce à ceux qui ont abandonné leur engagement dans la vaste société et, à la place, se sont axés sur la formation de petites communautés dans lesquelles des graines de la civilisation pouvaient être conservées intactes, pour être reconstituées un jour dans un âge futur. En empruntant un nom qui est peut-être le fondateur le plus célèbre de la vie monastique dans l'Église, Dreher a promu cette idée comme «l'option Benedict».
Le nom et l'idée qui l'accompagne - relativement novateur - est maintenant assez omniprésent dans les médias catholiques. Compte tenu des changements de la culture, du droit et de la politique au cours des dernières années, l'élaboration de «l'option Benedict» de Dreher a fait appel à beaucoup de personnes qui estiment que la société moderne est comme dans une spirale de déclin rapide qu’aucune personne en bonne santé mentale et de raison ne peut arrêter ni accepter.
Dreher dit: "Nous vivons dans une culture de chaos moral et de fragmentation, dans laquelle de nombreuses questions sont tout simplement impossibles à régler. MacIntyre dit que notre monde contemporain est un bois sombre, et que retrouver son chemin vers le droit chemin exigera l'établissement de nouvelles formes de communauté qui ont pour finalité une vie de vertu". Et il ajoute:
L'option «Bénédicte» concerne des chrétiens de l'Occident contemporain qui cessent d'identifier la continuation de la civilité et de la communauté morale avec le maintien de l'empire américain et qui, par conséquent, sont désireux de construire des formes locales de communauté comme une résistance chrétienne contre ce que représente l'empire. Disons plus simplement que l'option Benedict - ou "Ben Op" - est un terme générique pour les chrétiens qui acceptent la critique de la modernité de MacIntyre et qui reconnaissent également que la formation des chrétiens qui vivent le christianisme selon la Grande Tradition exige l'intégration dans des communautés et des institutions spécialisées dans ce but.
Cela implique un retrait, dans le but de s'incruster au sein de communautés et de institutions qui sont à l’abri de la culture dominante en déclin. Mais la solution réelle aux problèmes d'aujourd'hui consiste-t-elle à se retire-t-elle de la société, ou est-ce précisément le contraire?
Étant donné que l'argument de Dreher est, certes, l'élaboration de l'observation de MacIntyre dans un programme sociopolitique vis-à-vis du monde d'aujourd'hui, il faut revenir à MacIntyre pour aborder l’arrière-pensée de «l'option Benedict». La pensée fondamentale de MacIntyre derrière l'option Benedict suppose que, « dans les Âges sombres, les hommes et les femmes de bonne volonté se sont éloignés de la tâche de consolider l'empire romain et ont cessé d'identifier la continuation de la civilité et de la communauté morale avec le maintien de cet empire. Ce qu'ils se sont fixé pour atteindre à la place ... était la construction de nouvelles formes de communauté dans lesquelles la vie morale pouvait être soutenue afin que la moralité et la civilité puissent survivre aux âges futurs de la barbarie et des ténèbres » (After Virtue, 305).
Nous voyons ici des points importants auxquels il faut s’intéresser ou même qu’il faut contester. Tout d'abord, la référence aux «Âges sombres» est vraiment trop vague pour être utilisé. Si nous devions suivre Pétrarque, qui a contribué à l'importance du terme, alors une grande partie de la production littéraire européenne de la chute de Rome à la Renaissance italienne serait «sombre». Mais ce rejet considérable inclurait tout le monde depuis saint-Jean Chrysostome au 5ème siècle jusqu’à Thomas d'Aquin au 13ème siècle. Même si l'étiquette devait être appliquée simplement à l'époque où l'empire romain s'effondrait, il faut se rappeler que Augustin et Jérôme étaient des habitants exactement de cette époque. Isidore de Séville, le pape Léon Ier et le pape Grégoire I, qui se sont tous confrontés aux seigneurs de guerre barbares, ont apporté une contribution durable à la pensée sacrée et laïque. Si l’expression « âges sombres » devait être utilisée, il faut l'utiliser en rappelant que, même dans les années où les structures de la civilisation s'effondraient vraiment, il y avait toujours des individus qui se tenaient debout et travaillaient pour transformer la marée de la décadence. Pourtant, c'est précisément le contraire du retrait socioculturel proposé par l' « option Benedict ».
Deuxièmement, en revenant à l'homme derrière l'option, le retrait de la civilisation par Benoit ne doit pas être considéré comme un calcul socio-politique lointain, comme le suggère MacIntyre, mais plutôt comme un vol d'inspiration religieuse du «monde» pour poursuivre la prière et l'ascétisme, dans la même tradition que les grands moines égyptiens et autres ascètes chrétiens qui ont fui vers le désert. Certes, la civilisation s'est effondrée autour de Benoît et ses partisans aideraient à préserver la civilisation, mais Benoît était motivé par l'union avec Dieu, et non par l’idée d’être un Noé flottant sur les vagues des «âges à venir de barbarie et d'obscurité», comme le suggère MacIntyre.
Troisièmement, à l'exception d'un appel spécifique de Dieu pour quitter le monde pour une vie de prière et d'ascétisme, la majorité de l'Église a résisté à l'effondrement de l'empire romain, non pas en se retirant du monde, mais précisément en chargeant le vide et en le saisissant pour Christ. Nous pensons que Paul pensait à sa décision de ne pas faire appel de ses accusations à Jérusalem, mais d'exercer son droit en tant que citoyen romain de faire entendre sa cause par César à Rome (Actes 25: 13b-21). Il s'est rendu compte de l'opportunité d’annoncer le Christ à l'homme le plus puissant du monde. On pourrait répondre que ce n'était pas l'âge des Ténèbres, mais en lisant la prise de Paul sur l'état du «monde» et de la «chair» dans ses écrits (p. Ex. Gal. 5: 13-18, Romains 8: 9-13 ), on peut dire que c'était, en fait, un temps très sombre.
Ensuite, après la légalisation du christianisme par Constantine, l'Église a intensifié et commençait à devenir une puissance dans le monde pendant que l'Empire romain s'effondrait. Saint-Grégoire le Grand est devenu pape et a été seul responsable de rétablir un certain nombre d'ordres dans une grande partie de l'Empire effondré, même dans les civilisations séculaires, tout en convertissant de nombreux Barbares à la Foi. Saint-Léo s'est éloigné d'Attila le Hun en dehors des portes de Rome et a préservé la ville d'être licencié. Saint-Boniface convertis les Allemands, saint Augustin de Canterbury les Anglais, et Saint-Cyrille et Méthode les Slaves. Chacun a apporté des structures de civilisation avec eux: Saint-Cyrille a inventé l'alphabet cyrillique, et St. Mesrop Mashtots a inventé l'alphabet arménien.
L'historien et auteur Christopher Dawson du 20e siècle parle dans « Comprendre l’Europe » (première publication en 1952), de la dynamique du moyen âge et du rôle du monachisme à l'époque, comprenant parfaitement les problèmes, les personnes et les motivations de l'époque de manière sommaire :
Pour l'historien laïque, le début du Moyen Âge doit inévitablement apparaître comme l'Âge des Ténèbres, comme une époque de barbarie, sans culture ni littérature laïque, abandonné à des conflits inintelligibles sur des dogmes incompréhensibles ou à des guerres sauvages qui n'ont aucune justification économique ni politique. Mais pour les catholiques, ce ne sont pas tant des âges sombres que les âges de l'aube, car ils ont été témoins de la conversion de l'Occident, du fondement de la civilisation chrétienne et de la création de l'art chrétien et de la liturgie catholique.
En outre, Dawson a noté : "si cet âge a été un âge de foi, ce n'était pas simplement à cause de sa profession religieuse visible", ni parce que les gens étaient alors plus vertueux ou plus humain ou plus juste dans leurs relations sociales que les gens d’aujourd'hui. "C’est plutôt parce qu'ils n'avaient aucune foi en eux-mêmes ou dans les possibilités de l'effort humain, mais ils ont fait confiance à quelque chose d’autre que la civilisation et quelque chose extérieur à l'histoire … [Cette attitude] diffère essentiellement en ce sens qu’elle n'a mené ni au quiétisme ni au fatalisme en ce qui concerne le monde extérieur, mais plutôt à une intensification de l’activité sociale... Le désespoir et les sentiments illimités d’impuissance et d’incapacité provoqués par les désastres de cette époque n'étaient pas contradictoires avec un esprit de courage et le sacrifice de soi" ce qui a inspiré les gens de ce temps à héroïque.
...Tout cela conduit à deux conclusions :

  1. Étant donné que l’ « Option Benedict », selon nos estimations, ne comprend pas les véritables enjeux au cœur du moyen-âge et fait des erreurs sur la motivation fondamentale du génie de l’époque à laquelle il prétend se réclamer, elle peut être raisonnablement renommée « Option Noé » parce que cela semble s’appliquer à la situation et la vision du monde de Noé bien mieux qu’à celle de Benoît.
  2. Étant donné que l’ « Option Benedict » semble être plus motivée par préservation culturelle qu’une vision surnaturelle sur l’engagement du monde, nous suggérons que l’église ferait mieux de suivre une voie qui tienne à la nécessité de répandre l’Évangile dans le monde, mais avec une sobriété, sur l’état réel des choses critiquables de la société, avec une reconnaissance que le sécularisme constitue une menace s’il conduit à penser que nos meilleurs efforts ne pourraient pas porter de fruits visibles de nos jours, alors que l’effort en vaut, en tout cas, la peine. Cela nous allons appeler l’ « Option Grégoire », dans l’esprit du Pape Saint Grégoire le grand.

Les grands principes d’une telle Option « grégorien » serait :
(a) la primauté de la prière et la vie spirituelle au-dessus et avant tout ;
(b) une préoccupation profonde pour l’état du monde et un plein investissement par notre témoignage dans la vie publique pour apporter la lumière du Christ dans le monde.
(c) la certitude d’avoir les réponses, avec et par le Christ, aux problèmes du monde ;
(d) la confiance que la puissance ne vient pas de l’homme, mais de Dieu ;
(e) clarté, fermeté et efficacité de l’administration des affaires temporelles (Gregoire savait combien de grains de maïs il y avait dans un épi et faisait en sorte que Rome ne soit pas volé dans les opérations commerciales et économique) ;
(f) et enfin, respecter la confiance en Dieu pour la grâce de l’accomplir, avec un détachement quant à la réussite ou l’échec de nos efforts.
Comme l'a noté Rod Dreher dans un article sur l’ « Option Benedict » en 2013, «les chrétiens sont venus ici avant.» C’est Vrai. Et il conclut: "... nous sommes à  une autre époque de profonde transition civilisationnelle, et oui, d’opportunités. Pour les chrétiens réagissant de manière créative, c'est un temps d'essai et d'erreur. Pourtant, toutes les principales commandes religieuses et les mouvements de l'histoire chrétienne sont nés d'expériences menées par des gens ordinaires qui s'attaquaient aux défis de leur lieu et de leur temps".
Exactement. Et ces engagements doivent être menés alors que maintenant des défis culturels, universitaires, juridiques, politiques et civilisateurs s’opposent à nous. Ils abondent, chacun avec des opportunités.

[7] Source : Crux « L’option Benedict n’est pas suffisante »

Le théologien Michael Baxter offre une critique de "The Benedict Option", dans laquelle l'écrivain Rod Dreher propose aux chrétiens de se retirer de la vie politique en Amérique. Baxter dit que Dreher a raison de chercher une forme plus solide d'engagement chrétien façonnant la façon dont nous vivons, mais a une compréhension erronée de la «chrétienté» des États-Unis dans le passé.
 [Note de l'éditeur: Michael Baxter enseigne les études religieuses et les études catholiques à l'Université Regis de Denver. Il a été cofondateur de deux communautés de travailleurs catholiques dans lesquels il a vécu et travaillé, Andre House à Phoenix (1984-1988) et Peter Claver Catholic Worker à South Bend, Indiana (2003-2009). Il a également été directeur de la Catholic Peace Fellowship de 2001 à 2012. Il parle à Charles Camosy de l' option Benedict: une stratégie pour les chrétiens dans une nation post-chrétienne, dans laquelle Rod Dreher propose que les chrétiens sérieux «ne vivent plus aux affaires comme d'habitude en Amérique» et «que nous devons développer des solutions créatives et collectives pour nous aider à maintenir notre foi et nos valeurs, en un mot, de plus en plus hostiles "]
Camosy: Êtes-vous d'accord avec le diagnostic de Dreher?
Baxter: Oui et non.
Oui, je suis d'accord avec le fait que la culture dominante des États-Unis n'est pas chrétienne et que le gouvernement impose des valeurs et une mentalité laïques à des organes supposés indépendants, y compris des églises.
Mais non, je ne suis pas d'accord pour dire que tout cela s'est avéré évident en 2015 avec la loi sur la restauration de la liberté religieuse de l'Indiana qui a été annulée, puis avec la décision de la Cour suprême affirmant le droit pour les homosexuels de se marier. Dreher voit 2015 et le mariage homosexuel comme point de non retour. Je ne le vois pas de cette façon.
Comment le voyez-vous?
Les chrétiens devraient être aussi troublés, vraiment plus troublés, par la guerre, la pauvreté, le racisme aux États-Unis que Dreher ne semble l’être. Écrivant comme un «chrétien conservateur», en tant qu’ «électeur des valeurs», comme il s'appelle lui-même à un moment donné, l’agenda et la trame de Dreher sont déformées en conséquence.
Il se réfère aux années 1960 comme à un temps de consensus, à l'exception des droits civils, comme si la guerre du Vietnam avait déjà eu lieu ou ne concernait pas les chrétiens. Il mentionne les années Reagan comme s'il s'agissait d'un point fort de la politique américaine: les bonnes journées de la terreur nucléaire, du scandale des contrats d’armes avec l'Iran et de la guerre civile au Salvador, avec des fonds américains (1 000 000 $ par jour) dédiés aux escadrons de la mort.
Comment réécrire le calendrier?
Un point de non retour serait d’avoir bombardé les villes allemandes et japonaises pendant la Seconde Guerre mondiale, suivie de la chute de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Un autre point de retour sans précédent serait que les États-Unis soient entrés dans la grande catastrophe humaine, que nous appelons la Première Guerre mondiale.
Mais en réalité, je ne pense pas qu'il y ait eu un moment où l'Amérique était chrétienne et je ne pense donc pas à cette histoire en termes de déclin, de disparaître, de perdre les valeurs chrétiennes que nous avons «chéries». Les États-Unis ont été fondés comme une nation esclave. Cela a été "réglé" en massacrant les personnes vivant sur leurs terres ou en les relocalisant, en les déportant de leur patrie.
Dreher écrit comme si l'Amérique et le christianisme vivaient harmonieusement à la fois, comme dans un mariage; Mais maintenant, pense-t-il, l'Amérique, la nation, le pays, a demandé le divorce. Je ne pense pas que, théologiquement, moralement, les deux aient été vraiment mariés.
Donc ce que nous reconnaissons maintenant n'est pas un divorce entre l'église et la nation, mais une annulation. Le mariage n’a jamais vraiment existé.
Alors, qu'est ce que vous pensez de la prescription de Dreher, l'option Benedict?
Il est difficile de discuter sur les initiatives que Dreher défend: un sentiment de disciples plus fort et plus dynamique, des Églises prêtes et désireuses à souffrir pour la Foi,  une politique antipolitique et une politique de guerre comme alternative à la culture conventionnelle, une forme d'engagement chrétien plus solide qui façonne la manière dont nous vivons, dont nous nous marions et élevons des familles, et dont nous éduquons nos enfants et nos jeunes adolescents, et, comme adultes, la manière dont nous traitons le régime de technologie toujours en expansion.
Si Dreher obtient de son public qu’il pense sérieusement et de façon imaginative à propos de ces choses, c'est une bonne chose. S'il obtient des gens qui lisent Christian Smith, Neil Postman et Wendell Berry, trois auteurs sur lesquels il s'appuie dans le livre, ce sera aussi une bonne chose.
Sans oublier de faire en sorte que son public lise After Virtue par Alasdair MacIntyre, n'est-ce pas?
Oui, mais l'utilisation de ce livre par Dreher est erronée. After Virtue doit être comprise dans le contexte de la critique marxiste de MacIntyre du capitalisme avancé et de l'état moderne.
Une caractéristique clé de la culture capitaliste, affirme-t-il, c'est que nous ne pouvons pas aller au-delà de la conceptualisation des positions éthiques en fonction du choix ou de la préférence individuel, une position qu'il appelle l'émotivisme. C'est pourquoi les conflits politiques ne se règlent jamais.
L'État affirme être le garant des droits et des libertés individuels et arbitre des intérêts conflictuels tout en protégeant les inégalités économiques et la violence parrainée par l'État. Dreher répète la critique de MacIntyre sur l'émotivisme, mais sans la critique brûlante du capitalisme de marché et de l'état moderne, qui aurait certainement perdu la sympathie de ses lecteurs «conservateurs chrétiens».
En outre, Dreher, peut-être en raison de ses racines évangéliques, présente sa solution à nos problèmes comme une question de choix pour les individus, les petits groupes ou les églises. Il pense en termes de décisions dramatiques, d'options.
En revanche, MacIntyre, en tant qu'aristotélicien et adhérent partiel au marxisme, pense en termes de vertus, de traditions et de modes de raisonnement constitués communément pendant de longues périodes. Ainsi, sa référence à «un autre saint Benoît» n'est pas tant pour la personne que pour la forme de vie qui a évolué au cours des siècles en son nom, une forme de vie qui a transformé les relations politiques, économiques et sociales d'une manière qui a résisté à l'ordre féodal du moyen âge.
En ce sens, MacIntyre ne parlait pas de retrait de la société, mais de la transformation sociale, d'une transformation s'étendant au-delà de l'intention ou de l'option d'une personne ou d'une personne.
Ce livre a suscité beaucoup de discussions sur l'option que les églises devraient prendre ces jours-ci.
C’est vrai. Maintenant, nous avons entendu parler de l'option François, de l'option Dominic, de l'option Sophia. Il n'y a pas longtemps, sur le Web, j'ai rencontré une «Option Murray» proposée (se référant au théologien jésuite américain, John Courtney Murray). J'avais peur que cela se produise.
Peur? Pourquoi?
L'argument de Dreher générera certainement, en effet, déjà, une contre-réaction appelant à une «théologie publique» conçue pour renforcer la vie publique de la nation.
Il y aura des versions conservatrices et libérales, chacune plaidant de différentes façons que les États-Unis ont atteint un point de crise et qu'il est irresponsable de se retirer du débat public maintenant.
Cela s'intensifiera à mesure que nous aborderons les élections de 2020, et le résultat sera une autre série de guerres culturelles politiquement partisanes. Notre vie politique collective ressemble à des hamsters qui courent dans une cage, en courant pour rester au même endroit.
Je devrais souligner que Dreher incite simplement les chrétiens à se libérer de ce genre de politique partisane. Mais ce sera difficile.
L'état pèse lourdement sur nos esprits, notre imagination. Il est difficile de ne pas penser à la nécessité de l'État et de ré-imaginer la société d'une manière nouvelle.
C'est pourquoi le point le plus important dans le paragraphe de clôture dans After Virtue est que les barbares n'attendent pas les frontières mais nous ont gouverné depuis un certain temps. Le fait est que nous ne voyons pas que c'est le problème.
Est-ce que tout peut être fait?
Vivez et travaillez pour le bien commun au niveau local. Résistez aux effets corrosifs de l'état et du marché. Les meilleures parties du livre de Dreher sont des exemples de personnes vivant différemment.
Beaucoup de gens vivent de façon créative et concrète pendant un bon moment, pas par peur de l'assimilation dans le courant dominant, mais par amour de Dieu et poursuite de la bonne vie, de l'évangile et de la loi naturelle.
À cet égard, un exemple aurait pu être inclus, celui de Dorothy Day, elle-même Oblate Bénédictine, et son mentor, Peter Maurin, dont les essais faciles ont énoncé un plan, non pour le retrait, mais pour la reconstruction sociale, la construction d'une nouvelle société dans la coquille de l'ancienne.

[8] Source : The Catholic Thing - L'option Dominic - David Warren - 31 mars 2017 et Vie Catholique du 12.4.2017

"Les chiens courants de Dieu", c’est ainsi  qu’on appelait les dominicains (avec un jeu de mots, Domini canes, en latin), ces Blackfriars (NDLR « frères noirs ») qui ont commencé à flâner en Europe il y a huit siècles. Ils étaient des mendiants de l'Ordre des prédicateurs fondés par Dominique de Caleruega en Espagne, se sont engagés dans une vie de pauvreté, de prière, d'étude et d'enseignement; pour faire la guerre contre l’ignorance et l’hétérodoxie. Ils se sont proposé de reprendre la tâche des apôtres.
Ils s’agissait, en général, d’un phénomène urbain. Bien que tirés de nombreux endroits obscurs, ils se sont concentrés sur les nouvelles villes, qui se sont développées autour des cathédrales, et ont retrouvé des sites anciens abandonnés, au début du XIIIe siècle.
Pendant des siècles, l'Europe de l'Ouest avait été un paysage arcadien, totalement décentralisé sous la gouvernance locale des monastères et des châteaux, leurs abbés et leurs seigneurs - imparfaitement unifiés par la religion chrétienne. Il y avait de petites villes, ou proto-villes, en Italie, mais au-delà des Alpes, peut-être Paris était la plus grande agglomération urbaine, avec une population de quelques milliers. Tout cela changeait.
C'était un âge révolutionnaire, dans l'Église et autour d'elle. À travers les couches du temps, nous reconnaissons encore les franciscains et les dominicains de cette époque, qui ont rompu avec la tradition monastique de l'isolement; Mais beaucoup d'autres ordres ont été fondés, ce qui ne laisse aucune trace aujourd'hui.
Les moines et les religieuses avaient été des méditatifs, mais aussi des travailleurs dans leurs domaines agricoles, dont les innovations se sont répandues au-delà des murs monastiques et dont les marchandises ont voyagé. Mais ils ne faisaient pas partie d'une économie intégrée.
Les grandes villes existaient dans les royaumes islamiques, et bien au-delà, apparaissant et disparaissant comme des champignons. L'Europe occidentale avait été un lieu de silence extraordinaire et durable. La sécurité pour l’alimentation et contre les invasions sauvages avait façonné le système féodal classique. Nos écologistes le regrettent encore avec une vie dure, dictée par les saisons et des personnes pour lesquelles le changement ne peut être associé qu'aux destructions. Leurs arts, au plan technologique, était directement liés à l'usage, et nulle part "sophistiqués" - sauf dans les monastères où l'héritage des âges passés était jalousement préservé.
Saint Dominique lui-même, né dans une région déserte du Vieux Castille, près des frontières de la Reconquête chrétienne, a été formé à la tradition augustinienne et érémitique, remontant à l'Afrique du Nord classique, mais il attend avec impatience une transformation du treizième siècle.
Deux livres datés de mes propres étagères - Saint Dominique et son œuvre par Pierre Mandonnet (1944); Saint Dominique et son temps par M.-H. Vicaire (1964) - fournissent des récits passionnants de son époque et de sa mission, qui pénètrent sous des données simples. Ces auteurs présentent une portée, une profondeur et un caractère manquants dans l’érudition d'aujourd'hui.
En racontant la vie du fondateur de leur ordre, ces auteurs sont obligés d’esquisser cette époque de transformation, que Dominique a contribué à servir. La lutte célèbre contre les hérétiques albigeois couvre maintenant notre vision historique comme un voile. Les travaux héroïques de Dominique lui-même et de sa première cohorte - le débat sur les hérétiques sur leur propre terrain au risque de leur vie - est lui-même un prélude effectif à l'histoire. Mais dès le début, l'intention était plus fondamentale.
Alors que les jeunes migraient vers les nouvelles universités des villes - mises en place hors du contrôle des séminaires anciens de la cathédrale (Chartres était un aimant avant Paris) - un nouvel ordre intellectuel profane émergeait. Il faut lire les propos sur la vie étudiante du XIIIe siècle à Paris et ailleurs, pour rencontrer de nombreuses caractéristiques qui n'ont jamais changé, de la jubilation et de la rébellion de la jeunesse, à la soif et à l'attrait constant pour les idées étudiantes. Combien de fois les personnes qui travaillaient dans les villes détestèrent et craignaient ces jeunes savants, comme des délinquants dangereusement intelligents.
Les Dominicains ont établi une norme pour le sérieux et un réel zèle intellectuel. Ils ont appelés à des vies exemplaires sous une discipline claire. Ils étaient également commandés à la recherche de la vérité, et dans la lignée d'Albert le Grand, de Thomas d'Aquin, de Margaret de Hongrie, de Catherine de Sienne, nous trouvons une patience intrépide qui incarne l'idéal de l'ordre. La lumière de la foi était partout mêlée à la lumière de la Raison, contre des forces potentiellement très sombres.
Nous voyons cela sur nos campus aujourd'hui, sauf, les forces de l'obscurité prévalent maintenant. La foi est méprisée, et comme les premiers dominicains l’étaient souvent, est l’objet de slogans hostiles. Les dominicains persistaient. Loin de se retirer où ils ont rencontré l'hostilité, ils ont écouté et réfuté. Les hommes peuvent être des animaux, en particulier les jeunes, mais ils peuvent également être appelés à la conversion, et une caractéristique frappante du XIIIe siècle est l'ampleur et la vitesse de l'expansion dominicaine.
Il a répondu à une faim spirituelle. Elle a confronté le doute à des formes nouvelles et puissantes, alors que l'Europe a commencé à récupérer l'apprentissage païen par des philosophes arabes et des réfugiés byzantins. Tout ce qui était bon chez Aristote et les anciens était, par les Dominicains et d'autres qu'ils ont inspiré, assimilés et christianisés, car ils ont constaté que la «philosophie pérenne» était dans sa nature compatible avec l'enseignement catholique et nous a permis de mieux le comprendre.
L'approche dominicaine était d’entrer dans la mêlée. C'était une force positive d'engagement intellectuel. Le Christ a envoyé ses apôtres sur une route ouverte; Ne leur a pas dit de se terrer et d'attendre. Il a formé des enseignants, au risque de la mort. Il faut dire au monde la joie de notre Sauveur. Le monde doit être sauvé, du diable et de lui-même. Il doit savoir qui est son créateur .Il doit tester toutes les choses.
Saint Dominique lui-même était un homme d'apprentissage large. Son chemin n'était pas étroit. Les méthodes scolaires dominicaines pionnières ont pris des questions entières, ont trouvé des réponses méthodiquement.
J’ai du mal à rejeter les Pères du Désert, ou tout ce qui suit dans les traditions bénédictines; et tout ce qu'ils ont accompli et conservé. En remerciant Rod Dreher, la «Option Benedict» est devenue une chose, permettez-moi d'ajouter que je l'applaudis et je l'accepte.
Pourtant, je juxtaposerais une «Option Dominic », en contraste resplendissant. Nous ne pourrons jamais, en tant que chrétiens, tourner le dos à nos voisins, à leur besoin. Et la vérité est quelque chose qui est nécessaire. Il y aura toujours des obstacles à la déclamer; Nous devons analyser ces obstacles et les surmonter.

[9] Par laïcité, il faut entendre une saine distinction entre le droit d’État et la compétence relevant du religieux. Ainsi, on oublie souvent que, dans le catholicisme, la catéchèse est « mystagonique » (CEC n° 1075), c’est-à-dire que la catéchèse permet la libre entrée de chacun dans le mystère de la foi par la pratique liturgique publique d’un peuple. La laïcité n’a pas à imposer au fait religieux de se cantonner à la sphère privée et ne peut interdire ni l’expression publique des cultes, ni le port public d'insignes religieux. La laïcité de l’État est un devoir. La laïcité d’une société est un non sens. La confusion entre les concepts d’ État et de société mène au totalitarisme. Vouloir imposer une société laïque revient à en éliminer l’inclination naturelle de l’homme au fait spirituel.

[10] Source :   National Catholic Register- « L’Option « Francis »: Nous avons perdu la guerre de la culture. Temps de battre en retraite ? », par  Tom Hoopes, écrivain

[11] Gilbert Keith, Chesterton (1874-1936) est l'un des plus importants écrivains anglais du début du xxe siècle. Son œuvre est extrêmement variée : il a été journaliste, poète, biographe, apologiste du christianisme.

[12]  Source : Dale Ahlquist, « L’option Chesterson » 23 mai 2017
Note de l’éditeur : l’article suivant est un extrait du discours d’introduction donné par Dale Ahlquist au Collège des Arts Libéraux Thomas More (Thomas More College of Liberal Arts), le samedi 20 mai 2017. 

L’Incarnation est le centre de la réalité. C’est cette vérité qui est à la source de toutes les autres vérités. Et il ne faut pas avoir peur de dire cette vérité. Elle mérite qu’on meurt pour elle. Mais plus important encore, elle mérite que l'on vive pour elle.
Dans son livre L'Homme éternel (The Everlasting Man), G.K. Chesterton utilise une grille de lecture bien différente de celles utilisées traditionnellement dans l'approche comparée entre religions et dans les étapes de développement des civilisations. Il définit quant à lui quatre catégories qui traversent le temps, qui sont parfois présentes simultanément dans une époque donnée, parfois même aussi au sein de chaque individu. Il nomme ces catégories : “Dieu”, “les dieux”, “les démons” et “les philosophes”. Pour Chesterton, “Dieu” est cette force ultime sous-tendant tout l’univers. Mais pas seulement. C’est cette force, cette personnalité, qui donne sens, car rien ne peut avoir de sens sans personne pour le donner. Quand Dieu est oublié, ce qui arrive si souvent, les “dieux” paraissent. Avec ces “dieux” viennent les mythologies, toutes ces tentatives fantaisistes de donner un sens, de raconter l’histoire de l’humanité, l’histoire de l’homme à sa façon, avec ses héros et ses espoirs, ses aventures, ses amours, ses batailles, sa vie et sa mort et son désir d’éternité. Ensuite, il y a les démons. Ils représentent le plaisir immédiat, le déclin de la vertu et la fascination pour le mal, ce mal que font les hommes quand ils se lassent de faire le bien. Quand ils agissent non pas parce qu’ils pensent, à tort, que ce qu’ils font est bon mais parce qu’ils savent qu’ils font le mal. Enfin, il y a les philosophes, qui essaient de soumettre la réalité à l'aide du don sublime de la raison. Ces quatre catégories que définit Chesterton pourraient suffirent. Mais en réalité elles ne suffisent pas. 
En effet, Chesterton explique que la venue du Christ a bouleversé l’histoire de façon radicale. Le Christ vint dans un monde peuplé de nombreuses divinités. Mais le Christ était un personnage bien différent de tous les autres personnages de la mythologie. Seul l’Évangile « répond à cette quête mythologique romanesque, en racontant l’histoire d’une recherche philosophique de la vérité tout en étant une histoire vraie. » Quand le Christ fonda son Église, il unit, pour la première fois dans l’histoire, la théologie et la philosophie. Il vint également dans un monde rempli de démons. Il les expulsa, et même, en une notable occasion, il les expulsa dans un troupeau de nombreux porcs. 
Le paganisme se termina avec le Christianisme. Mais alors que l’ancienne civilisation païenne s’écroulait, avant que ne soit établie une nouvelle civilisation chrétienne, le monde a traversé une période où il n’y eut presque plus de civilisation. Ce temps qu’on appelle les Âges Sombres. C’est le temps où les tribus barbares se répandaient sur les continents, ce temps où les hommes, soumis à leurs seuls appétits, ne bâtirent rien de nouveau mais détruisirent ce qui était ancien. 
Mais les barbares ont été vaincus. Ils l’ont été par des figures légendaires comme le Roi Arthur. Ils l’ont été par des figures historiques comme le Roi Alfred le Grand. Et quand la civilisation chrétienne a jailli des ruines des Âges Sombres, elle a bâti de grandes cités. Elle a construit des universités, des hôpitaux, des cathédrales. Elle a donné au monde un art, une musique et une littérature magnifiques. 
Pourtant, depuis quelques siècles, nous constatons le déclin de cette civilisation chrétienne. Et déjà, il y a une centaine d’années, G.K. Chesterton prédisait l’arrivée de Nouveaux Âges Sombres. 
Dans son poème épique La Ballade du Cheval Blanc, Chesterton donne la parole au Roi Alfred le Grand, qui prophétise sur le retour des barbares. Mais il s'agit de barbares d'un nouveau genre, qui détruiront notre civilisation, non pas par la force brutale mais par le vandalisme intellectuel, un vandalisme qui « ordonne toutes choses avec des mots morts » :

By this sign you shall know them,

That they ruin and make dark...

By all men bound to Nothing,

Being slaves without a lord,

By one blind idiot world obeyed,

Too blind to be abhorred;

By terror and the cruel tales

Of course in bone and kin,

By weird and weakness winning,

Accursed from the beginning,

By detail of the sinning,

And denial of the sin.

A ce signe, vous les connaîtrez,

Qu'ils ruinent et font sombrer ...

Par tous les hommes liés à Rien,

Étant des esclaves sans seigneur,

Par un monde idiot aveugle obéit,

Trop aveugle pour être abhorré;

Par la terreur et les contes cruels

Bien sûr, dans les os et les parents,

Par des bêtises et des faiblesses gagnantes,

Maudit dès le début,

Par le détail du péché,

Et le déni du péché.

Nous sommes, en effet, arrivés au point où nous connaissons en détail et avec précision comment commettre le mal, tout en niant complètement le mal. Nous attribuons des noms doux ou cliniques à une multiplicité d'actes pervers, dont nous nions qu’ils soient des péchés. Les péchés de luxure que nous savons décrire avec force détails et publicité, sont les moins considérés comme des péchés. Nos péchés d’avarice, de gourmandise, d’envie, de paresse et particulièrement d'orgueil, eux, sont tout autant niés puisque justifiés par cette culture commerciale grossière que nous avons érigée, fondée sur la convoitise, l’auto-complaisance et la satisfaction immédiate de nos désirs. De nouveaux temples ont été construits, habités par de nouvelles prostituées sacrées. Nous avons bâti de nouveaux colysées où se combattent les nouveaux gladiateurs. Nous avons créé de nouvelles mythologies avec les héros de bandes dessinées et toute une foule de personnages de science fiction qui évoluent dans le ciel d'une nuit étrange. Les “dieux” sont revenus. Et nos imaginations s’égarent dans des réalités alternatives.
Avec la perte de la foi vient celle de la raison. La philosophie s’est de nouveau séparée de la théologie. Chaque philosophie moderne est devenu folle, enfermée dans la prison propre et lumineuse d’une seule idée : que toutes les actions humaines peuvent être attribuées à la biologie, l’économie ou l’environnement, ou à tout autre déterminisme à la mode qui nous dépouille de notre dignité et de notre libre arbitre.
Les démons aussi ont été déchaînés, en même temps que les actions des hommes étaient de plus en plus sombres et perturbatrices. Et que ce soit sombre et perturbant ne dérange personne, quelqu'un étant toujours prêt à en faire un film. Comme le dit Chesterton : dans la nouvelle version de l’épisode du possédé du  pays des Géraséniens (Marc 5,1-20), nous avons abandonné le Rédempteur et gardé uniquement les démons et les porcs.
Peut-être avez-vous entendu parler de « l’Option Benedict ». Dans ce livre, Rod Dreher donne une brillante analyse des Nouveaux Âges Sombres. Il montre de façon fascinante comment s'engager dans la formation de communautés chrétiennes. Je suis d’accord avec lui sur la plupart de ses développements. Pourtant, il me semble que sa stratégie s’appuie trop sur une “mentalité d'assiégé”, plutôt que sur une volonté d’engagement. Or nous ne pouvons pas rester en dehors du monde. Nous ne pouvons pas fuir le monde. Nous sommes là pour transformer le monde. C’est notre devoir.
Et, avec tout le respect dû à « l’Option Benedict », je voudrais proposer « l’Option Chesterton ». Ce n’est pas complètement différent. C’est tout simplement différent.
Qu’est-ce que « l’Option Chesterton» ? Cela commence en étant fidèle à la Foi. Saint Benoît ne s'était pas proposé de sauver la culture ou la civilisation qu’il voyait disparaitre. Avant toute autre chose, il cherchait Dieu. L’Incarnation est le centre de la réalité. C’est cette vérité qui est à la source de toutes les autres vérités. Et il ne faut pas avoir peur de dire cette vérité. Elle mérite qu’on meurt pour elle. Mais plus important encore, elle mérite que l'on vive pour elle.
En partant de là, la première chose à faire est de commencer à reprendre le contrôle de nos propres vies. Et non d’attendre d’un gouvernement qu’il trouve des solutions à nos problèmes. Ou qu’une nouvelle découverte, un nouveau traitement, un nouvel outil technologique les trouvent. Chesterton dit que le signe de la décadence, c’est ce moment où nous payons d’autres personnes pour se battre à notre place, d’autres pour danser à notre place, ou d'autres pour nous gouverner. Faire les choses pour nous-mêmes serait déjà révolutionnaire. Chesterton dit aussi que c'est dégradant de posséder un esclave. Mais que c’est encore bien moins dégradant que de devenir un esclave soi-même. Il nous faut nous libérer de tout ce qui nous asservit, qu’il s’agisse d’objets électroniques, de produits chimiques ou de divertissement. Libre signifie être aussi bien libre d’utiliser quelque chose que de ne pas l'utiliser.
Et que pouvons-nous faire d’autre pour changer le monde de fond en comble ?
Travaillez pour devenir son propre employeur plutôt que l’employé de quelqu’un d’autre. Chaque fois que cela est possible, achetez local. Créez votre propre école en collaboration avec des parents qui pensent comme vous, qui comprennent qu’il n’y a rien de plus important que l’âme de nos enfants. Devenez membres d’une coopérative de partage des frais de santé plutôt que de donner votre argent à une société d’assurance gérée depuis un gratte-ciel de verre. Rejoignez une coopérative de crédit local plutôt que d’aller à la banque. Donnez de votre argent aux pauvres et accordez leur la dignité de le dépenser eux-mêmes plutôt que de le dépenser pour eux.
Créez vos propres divertissements plutôt que de payer pour les productions minables de l’industrie du divertissement. Créez votre propre art. Écrivez des poèmes, des poèmes qui riment. Lisez des livres, lisez de vieux livres. Lisez Chesterton.
Cultivez votre jardin. Et si vous ne pouvez pas faire pousser des légumes ou des fleurs, faites grandir des enfants.
Chaque jour, partagez un repas en famille pendant lequel on s’attarde autour de la table. Chaque jour, consacrez un temps à la prière en famille. Chaque jour, réservez-vous un temps de silence personnel. Souvenez-vous du jour du Sabbat et sanctifiez-le. Sanctifiez-vous. Cassez les conventions, gardez les commandements.
Regardez chaque chose comme si vous la voyiez pour la première fois. Soyez toujours pleins de gratitude. Pensez toujours à Dieu. Et si vous êtes toujours pleins de gratitude, vous voudrez toujours penser à Dieu. Et vous serez heureux.
Chesterton dit que le but de l’Homme est le bonheur de l’Homme... Rien ne nous oblige à être plus riche, plus affairé, plus efficace, plus productif, plus innovant ou d’une quelconque façon plus matérialiste ou plus prospère, si tout cela ne nous rend pas plus heureux.
Et n’oubliez pas : Lisez Chesterton.

[13] Source : Firstthings.com - L’option Dominic - par Chad C. Pechnod, professeur agrégé de théologie systématique à l'Université catholique d'Amérique. -
Il y a eu de longs débats en Amérique sur la question de savoir si le christianisme catholique est compatible avec le libéralisme. Depuis le début de la fondation américaine, les évêques et les théologiens ont affirmé que, pour tous les défauts de la philosophie politique libérale, les fondateurs de l’Amérique « ont construit mieux qu'ils ne le pensaient ». Pourtant, le pape Léon XIII avait pu avertir le cardinal Gibbons d’éviter les erreurs d'un « américanisme », qui fausserait l'enseignement de l'Église sur le rapport approprié entre la politique et l'église. 
La position par défaut du journal « First Things » découle de ce slogan "construire mieux". Pourtant, le regard de l'incompatibilité a toujours été en filagramme, et maintenant il est au premier plan. Le paysage culturel et politique a changé. Si le slogan "construire mieux" a eu du sens pendant près de deux siècles, il est devenu évident que les preuves en sa faveur sont actuellement insuffisantes. Sans dire nécessairement que l'argument «mieux construit» est toujours faux, nous devons faire face à la discorde croissante entre le christianisme catholique et le nouveau libéralisme mondial qui se construit en Amérique.
Que faut-il faire de cette discorde? J'ai toujours été attiré par la prédiction d'Alasdair MacIntyre selon laquelle nous avons besoin d'un «nouveau Benoît sans doute très différent» qui permette de transmettre la grande tradition chrétienne, en préservant les germes d'une nouvelle civilisation à la suite de la pauvreté morale du libéralisme actuel dans nos vallées sombres et chaotiques. Rod Dreher a popularisé MacIntyre en formulant cet espoir avec l’« option Benedict ». Il se réfère à notre besoin de petites communautés de vertu, d'un nouveau mouvement localiste et d'un retour à la terre ou au lieu de sa naissance. L'option Benedict implique de cultiver une nouvelle contre-culture capable de résister à l'attaque barbare.
À un certain niveau, l'option Benedict est profondément attrayante. Sa plus grande force est qu'elle considère que les chrétiens doivent assister à la formation de leur communauté dans son ensemble. Il ne suffit pas de simplement aller à l'église le dimanche, pour la religion du mode de vie, le libéralisme travaille sur nous le reste de la semaine. Au lieu de cela, nous avons besoin d'une forme de vie globale, coordonnée et ordonnée à l'amour de Dieu et du prochain. Nous pouvons regarder le véritable témoin chrétien de la vie religieuse cloîtrée et jurée et dire: "voyez, cela peut être fait". Cela devrait nous donner un énorme espoir.
À un autre niveau, cependant, «l'option Benedict» a un grave défaut qu’on peut résumer dans le mot de retrait. Je ne peux me faire à cette idée de retrait. Ni MacIntyre ni Dreher n'ont imaginé un quelconque retrait du bien commun, ni même d’un engagement envers les institutions politiques. Mais je dois avouer que l'image du retrait est fortement associée au monastère bénédictin, et les appels à l'option Benedict manquent quelque chose.
Il y a mieux, par conséquent, en  parlant de la « Dominique option ». Quand je les vois dans leurs habits blancs en prière, en donnant des conférences ou en jouant de la guitare et du banjos dans le métro, j'ai l’image plausible d'une «société de contraste» qui est très engagée avec le monde, de témoins d'évangélisation joyeux, d’intellectuels sérieux, expansifs et charitables.
Saint-Dominique a fondé l'Ordre des prédicateurs après une longue saison contemplative qui, selon les termes d'un biographe «éclate en flamme» lorsqu'il a rencontré des Albigeois (anciens dualistes manichéens) en voyage dans le sud de la France. Dominique restait debout toute la nuit en discutant avec un albigeois, et le matin, l'homme se détourna de son hérésie et se tourna vers la foi catholique. Le zèle missionnaire de Dominique coulait directement de la contemplation cloîtrée, mais il l'a convaincu de la nécessité d'un nouvel ordre évangélique.
Dominique a dit à ses hommes d'aller dans le monde sans crainte. Ils devraient étudier, ils devraient prier, et ils devraient prêcher. Son Ordre harmonise la vie d'une contemplative avec l'activité d'un évangéliste. Cela signifiait une formation intellectuelle. Il suffit de penser à saint Thomas d'Aquin à l'Université de Paris pour comprendre l'impact de cette situation. Les Dominicains ont étudié d'autres langues et d'autres religions, afin de prêcher plus efficacement. Thomas d’Aquin lui-même a écrit les Summa Contra Gentiles précisément pour aider la prédication des frères aux musulmans.
C'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui aussi: le bon modèle de formation et le témoignage évangélique. Tous les chrétiens ne seront pas dominicains, bien sûr. Mais nous avons tous quelque chose de fondamental à apprendre du style de vie dominicain.
CC Pecknold

[14] Source- Letters from the Edge of Elfland : David Russell Mosley  « L’option Patrick ».

Dans un article de la Saint-Patrick, Ryan a inventé (je crois) l'expression «Patrick Option».
Ryan a écrit: « Tout le monde parle de l'option Benedict, mais je pense que l'option Patrick est bien meilleure. Les moines irlandais sont sortis en tant que communauté, ont construit des communautés et ont invité les communautés païennes à venir voir ».
Plutôt que de se retirer de la société, Ryan voit le modèle monastique "Celtic" (un terme plutôt ambigu, quoique je l'aime encore), spécialement en pratique en Irlande avec Patrick, en Écosse et en Europe avec des moines irlandais, d'aller dans de nouveaux endroits, en créant des communautés (créer des cultures efficacement) et inviter les étrangers à les rejoindre comme meilleure réponse pour notre propre âge.  Bien sûr, il y a plus qu'un peu de romantisme celtique là-dedans, mais je ne pense pas que cela nuise à l'idée globale.  Plutôt que de nous retirer, nous devrions chercher à créer de la culture. Plutôt que de réagir, nous devrions chercher à agir et inviter d'autres personnes à nous rejoindre. Les chrétiens ne devraient pas être des Johnny-Come-Latelys (retardataires), si nous parlons de musique, de poésie, d'art, de justice sociale, de justice écologique, de science, etc... Ainsi, nos efforts devraient servir à à apporter la lumière du Christ au monde.

[14bis] Citation extraite du récit de René Lejeune - Stella Maris n°320 - Novembre 1996

[15] Source :Crisis Magazin  « L’Option Escriva : Une Alternative à Saint Benoît » par Austin Ruse, président de C-FAM (Center for Family & droits de l’homme), - 24.7.2015. 
La nostalgie se cache toujours dans les moindres coins de l’imagination humaine. Il faut souvent très peu pour la raviver ; une journée ensoleillée, le vent balayant les herbes, une image, le gout d’une nourriture, une odeur. Tout cela nous ramène aux temps doux et suaves de notre enfance, ne nos émois amoureux, de notre mariage et de la naissance des enfants.
C’est toute une période nostalgique de nos propres vies. Mais parfois nous devenons nostalgiques à propos de ce que nous avons seulement lu. Cela vient surtout aux époques qui nous déçoivent. Et qui n’est pas déçu par l’époque actuelle ? Pornographie galopante. Mariages et familles se désintégrant. Sites d’adultères avec des millions de membres. Montée du taux de faux mariage. Persécution des chrétiens, même dans les pays chrétiens comme le nôtre.
Qui ne soupire pas après les temps où la culture était de notre côté, où la religion était respectée et avait un mot dominant à exprimer dans la société, où les séminaires étaient pleins et où il y avait des processions dans les rues ? Certains regrettent les années 1950. D’autres le Moyen-âge. Certains aspirent à l’église primitive. Rod Dreher est l’un de ceux-là, peut-être.
Je le connaissais un peu quand nous étions tous deux à New York mais notre amitié naissante a eu de mauvais ratés pendant le Long Lent [pénitence publique pour la pédophilie des prêtres] de 2002. Rod Dreher a un talent remarquable pour ses idées intellectuelles de marketing.
Crunchy Cons (La Nouvelle contre culture conservatrice], dont nous avons discuté brièvement et qui consiste à devenir comme des « bohémiens conservateurs » est devenu un sentiment depuis bien longtemps et se mêle parfaitement à son nouveau projet — La « Benedict Option » — un sujet des plus chauds parmi les intellectuels religieux.
Rod Dreher croit que l’accélération de l’effondrement culturel qui menace tout ce que nous chérissons, y compris et surtout les âmes de nos enfants, exige que nous nous retirions, au moins légèrement, le sturm und drang [mouvement romantique allemand contre la superficialité abstraite des Lumières] pour créer des communautés de vie soit près d’un monastère ou avec un monastère à l’esprit, pour nous protéger du monde extérieur, mais toujours d’une certaine façon pour renouer avec une culture authentique, la protéger, la défendre et la cultiver et pour attendre notre heure jusqu'au moment où nous ou nos descendants pourront inévitablement récupérer le désert pour venir à bout des nouveaux barbares.
Les critiques les plus acerbes contre Dreher lui reprochent d’avoir suggéré que les croyants orthodoxes devraient largement s’éjecter de la société y compris se retirer de la vie politique. Bien qu’il ait implicitement déblatéré sur ce sujet pendant des années, un essai récent de 2013 pointe assurément dans cette direction. A l’appui de la « Benedict Option », il a choisi deux communautés seulement, celle qui a grandi autour d’un monastère bénédictin de traditionalistes en milieu rural, l’Oklahoma et l’autre créé dans les régions rurales de l’Alaska.
Beaucoup ont considéré ce genre de retrait comme étant son but, y compris Damon Linker à  gauche, et John Zmirak à droite, Dreher doit remercier ses détracteurs pour l’avoir obligé à aiguiser sa pensée. Dreher dit maintenant que ce n’est pas ce qu’il voulait dire, que ce retrait est vraiment une sorte de rassemblement et de renforcement mutuel de sympathisants qui pourraient se produire n’importe où, y compris en centre-ville.
La question devient : est-ce que Saint Benoît est un modèle approprié pour les laïcs ? Qu’il s’agisse ou non d’un retrait dans les montagnes, l’implication de la « Benedict Option » est que les profanes peuvent suivre en quelque sorte un modèle monastique. Il y a certainement des oblats bénédictins, il y a même un tiers-ordre trappistes, mais je soupçonne qu’ils sont plus bavards que ceux qui restent derrière les murs. Mais, les laïcs ne doivent pas, pour vivre leur vocation de laïcs, singer les pratiques de ceux qui que nous jugeons être des athlètes spirituels.
Je me souviens de l’une des raisons pour lesquelles je n’aime pas St. Thomas More (hérétique, je pense). Non content d’avoir été un Chartreux, ce qui est plus dure encore que d’être trappiste, il a imposé des pratiques de Chartreux aux membres de sa famille, y compris, cruellement, je trouve, en interrompant leur sommeil à 1h du matin pour chanter l’Office de nuit. Une telle chose n’est pas naturelle pour quelqu'un dans l’État laïc.
Dans une de ses nombreuses colonnes très cinglantes sur Dreher et son Option, l’écrivain John Zmirak dit quelque chose de tout à fait judicieux. Si vous voulez un saint au modèle pour l’État laïc, pourquoi pas Saint Josémaria ?
Quelque chose s’est passé pour laïciser la spiritualité à l’époque de la montée des monastères. Aussi important que leur travail dans le maintien de culture catholique, ils tendent également à créer un cléricalisme qui existe encore aujourd'hui. Pendant des siècles, on en est venu à reconnaître la perfection spirituelle uniquement chez ceux qui ont prononcé leur vœux ou ont été ordonnés. Une telle perfection n’était pas pour les profanes. Sa perfection est venu presque comme les restes de la table des moines et des prêtres. À l’exception de Saint Frances de Sales « Introduction à la vie dévote, » la plupart des grands classiques dans la spiritualité ont été écrits non pour les laïcs mais pour les profès ou les ordonnés.
Les laïcs ont été si peu considérés par l’église hiérarchique que, avant le Concile Vatican II, les laïcs étaient définis par ce qu’ils n’étaient pas, ni ordonnés ni profès ni avec une vocation unique reconnue.
Et même aujourd'hui, on constate ce cléricalisme chaque fois qu’un jeune homme, visiblement dévot, est encouragé à s’engager dans la prêtrise.
L’église, autrefois, n'aurait pas partagé cette opinion. Ni, non plus Saint Josémaria. Sa vision était que les laïcs ont été appelés à la même hauteur de perfection spirituelle que les profès ou les ordonnés et que, appelés à une même vocation, ils étaient à parité avec les autres.
Escriva enseignait quelque chose que la première église connaissait très bien : l’appel universel à la sainteté, quelque chose qui est devenu, sous son influence, une clé à l’enseignement du Concile Vatican II. Au moins une partie de la réforme protestante était liée à un rejet de cet élitisme spirituel.
Escriva dit que les laïcs ne doivent pas se retirer dans des monastères pour atteindre la perfection et que les endroits où ils trouveraient le Christ étaient précisément à leur domicile et dans leur milieu de travail. Et c’est là qu'ils conduiraient les autres à l’Évangile.
La nature apparemment révolutionnaire de cette proposition est reconnue par la révélation que Saint Josémaria a reçu quand il venait d’arriver à Rome. On a dit qu’il avait 100 ans d’avance.
Zmirak fait remarquer que Escriva est venu à cette vision en un temps et un lieu bien pire que celui dont nous faisons l’expérience aux États-Unis aujourd'hui. Il a vécu à une époque de réelles attaques belliqueuses menées contre l’église, une époque où les prêtres et les nonnes étaient chassés et tués par milliers et où des églises étaient brûlées.
Lui et quelques-uns de ses disciples ont vécu pendant des mois dans une petite pièce étouffante à l’ambassade du Honduras en Espagne, à Madrid. Lui et quelques uns de ses hommes s’étaient échappés de la persécution en marchant à travers les montagnes des Pyrénées, au point de risquer d’en mourir.
Et Pendant tout ce temps, il a construit ce que Dreher et autres appelleraient une « communauté de vie » qui, même et surtout aujourd'hui, rapprochent les individus et les familles pour apprendre et enseigner et pour reprendre des forces puis d’aller sur les marchés, dans les arènes sportives, les prisons et les universités et pour conduire les autres vers l’Évangile et vers une perfection spirituelle égale à celle des moines et des nonnes. Escriva disait que le Christ voulait quelques hommes lui appartenant dans chaque activité humaine.
L’Option Escrvia appelle les hommes et les femmes à devenir contemplatifs au milieu du monde, pour vivre au mieux en présence de Dieu tout au long de la journée dès le moment du réveil et pour transformer la lumière pendant la nuit. Ceci est réalisé par la prière et l’étude et par un régime vigoureux de règles de piété quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles et annuelles.
Bien que nous n’utiliserions jamais une telle expression, ma famille et moi vivent dans telle une « communauté de vie » dans le nord de la Virginie où une école primaire religieuse a rassemblé des dizaines de famille toutes soucieuses de mission. Beaucoup après le primaire, entrent dans des écoles secondaires catholiques locales — Oakcrest pour les filles et The Heights pour les garçons. D’autres sont venus dans cette région à cause du dynamisme des communautés d’écoles à la maison. Beaucoup vivent un peu plus loin, se sont rassemblés à Front Royal, en Virginie, près de Christendom College et les divers apostolats catholiques dont le siège est là.
Certains ont commencé à se marier dans ces familles. Chacun d’eux est pleinement engagé dans la culture, les services bancaires, la politique, l’enseignement, le journalisme, la médecine, et même l’industrie du cinéma. Ils se renforcent les uns les autres et imprègnent la culture avec l’exemple de leur vie évangélique.
Des collectivités semblables ont surgi de partout dans le pays.
Je soupçonne que c’est précisément ce que Dreher voit  maintenant dans l’Option Benedict, expression habile sur laquelle s’est engagé un débat vital et intéressant et peut-être un mouvement. Et si Dreher avait ou non initialement  un projet de retrait politique et culturel, cette impulsion est vivante mais dans de bien nombreux esprits catholiques, cela doit être combattu avec acharnement.
Il y a un meilleur modèle pour le profane que les moines et les moniales et il n’est pas besoin de rejoindre l’Opus Dei pour le trouver dans l’Option Escriva. Il est ouvert à tous, même à des prêtres.

[16] Source : The witherspoon Institute :  « La démocratie n’est pas le problème : l’Option de Benoît rencontre l’Option Buckley » de Andrew T. Walker, directeur des études politiques pour l’éthique et de la Commission de la liberté religieuse de la Southern Baptist Convention - 22 juin 2015.
L’Option « Benoît » n’est pas pour les chrétiens le seul moyen de se confronter à la réalité d’une culture de plus en plus hostile et laïque.
Il y a eu beaucoup de débat en ligne au sujet de la proposition de la « Benedict Option » de Rod Dreher. Le fait que ces échanges aient lieu est encourageant, car cela démontre que les gens se livrent à une réflexion profonde et sérieuse sur la place du christianisme dans une culture en pleine mutation. Sa « Benedict Option » s’affiche comme un retrait stratégique, Dreher a écrit:
Nous devons réaliser la radicalité du moment présent, qui exige une réponse radicale — une sorte de retraite délibérée et stratégique afin que nous puissions entretenir nos jardins, pour ainsi dire et planter de profondes racines dont nos enfants et leurs enfants et les enfants de leurs enfants auront besoin pour s’accrocher à la foi à travers les sombres temps à venir.
À son crédit, Dreher écrit que tout cela est canalisé par l’appréhension d’une église comme « source de vie du monde. »
J’hésite à critiquer Dreher, puisque j’ai bénéficié énormément de son écriture et de sa perspicacité. Et cet  article n’est pas destiné à critiquer tous les aspects de l’Option Benedict, mais plutôt, à répliquer pour aider à affiner la discussion. Pour tout le bien à laquelle contribue l’Option Benedict (et en effet, elle contient beaucoup de choses séduisantes), je ne peux m’empêcher d’entendre des échos de rêve de monachisme résonner tout au long de son explication. Je sais que Dreher lui-même protesterait probablement à une telle qualification. Pourtant, même après avoir lu ses nombreuses articulations réfléchies et re-articulations de son avis, cette impression demeure.
Si l’Option Benedict concerne le développement d’une communauté chrétienne « épaisse » qui favorise le débat sur le soutien de la catéchèse elle-même, comptez sur moi. Mais si le seul résultat de l’Option Benedict est un mouvement d’écoles à la maison plus esthétique et intellectuel, alors j’ai des inquiétudes quant à sa viabilité à long terme. Un christianisme qui n’est pas en même temps attentif à la fois ses propres institutions et son témoignage public simplement ne peut pas satisfaire la demande robuste de l’orthodoxie.
Donc, je voudrais proposer un paradigme alternatif pour comment chrétiens doivent se confronter au long des jours, des mois et années à venir  d’une culture abrutissante et qui rejette le christianisme historique, orthodoxe. Je l’appelle « l’Option Buckley », du nom du célèbre conservateur catholique William F. Buckley, Junior.
L’Option de Buckley
L’Option Buckley cherche à imiter le style, la teneur et les tactiques du conservatisme d’après-guerre dont Buckley a été le pionnier. Pensez un instant à l’environnement politique dans laquelle se trouvait Buckley. Ce n’était pas tout à fait différent de la nôtre. Avant l’arrivée de Buckley, le libéralisme politique était un idéal totalisant mais non reconnu comme une réalité politique dominante. Dans les années post-Hoover, pour être un républicain il fallait être des progressistes loufoques comme on le dirait aujourd'hui, « du mauvais côté de l’histoire ». Les années 1950 pourrait avoir atteint l’apogée de la religion civile américaine et du puritanisme moral, mais le mouvement conservateur était naissant, pour ne pas dire qu’il n’existait pas du tout.
Dans ce vide, Buckley réussit à unir des voix politiques dissonantes en une mélodie. Il a réuni les traditionalistes, les libertaires et les économistes du marché libre pour forger une coalition avec un engagement à limiter les pouvoirs du gouvernement et à maximiser la liberté, tout en promouvant la vertu. Buckley a conduit une coalition qui avait comme son ennemi unique un Léviathan [métaphore désignant un monstre politique] croissant visant à améliorer tous les aspects de la vie politique sous l’égide des largesses du gouvernement.
Qu’a fait Buckley ? Il fonda des organisations et un magazine qui a aidé à convaincre une jeune génération de conservateurs. Il croit comprendre que la force de tout mouvement existe dans la matrice des relations et des idées qui le composent. Mais si les éléments tactiques du conservatisme d’après-guerre méritent d’être imités, son approche et son comportement le méritent aussi. Le style de Buckley usait à part égales d’accusations, de séduction et de conviction. Engagé dans des débats enivrants traitant de questions profondes, les offensives de charme de Buckley étaient accompagnées de rigueur philosophique et de gaieté. Il n’était pas un bagarreur au sens classique du mot, mais il n’a pas hésité à secouer de sa torpeur l’Amérique politique libérale.
Une version contemporaine de l’approche de Buckley insistera sur la nécessité de vastes coalitions où les conservateurs religieux s’unissent ensemble dans la conviction que le Christianisme « catholique » avec un petit-c a les graines de la civilisation dans son ADN. Bien sûr, il peut y avoir des prises de bec à propos des pratiques de baptême, mais le Christianisme de Nicée a une puissance suffisante pour affirmer, par exemple, que l’homme est homme et que la femme est femme. L’Option Buckley va chercher des alliances à la moindre occasion sans pour autant sacrifier ses convictions. Il s’uniront contre un ennemi commun, qui est aujourd'hui, comme Rod Dreher lui-même l’a observé à juste titre, Liberté Égalité Über Alles— une forme de libéralisme administrative qui sacrifie toutes les différences naturelles dans l’ordre social devant l’autel de la volonté humaine et de la dictature du relativisme.
L’Option Buckley va mettre une valeur sur des victoires politiques, mais son objectif principal sera la durabilité culturelle. Dans mes propres rangs Baptiste du Sud, j’ai remarqué un dévouement renouvelé pour la pastorale parent-enfant et pour la catéchèse, qui attribue une responsabilité énorme pour l’apostolat de l’enfant dans la famille, au lieu de l’externaliser uniquement à un jeune pasteur le mercredi ou le Dimanche soir. Sur ce point, Buckley et Benoît pourraient bien lèvent leurs verres l’un avec l’autre.
Une défiance tonitruante, joyeux
L’Option Buckley se distinguera bien aussi par sa disposition et son comportement, comme par sa philosophie et sa théologie. Elle nuira au libéralisme et à la décadence en criant non seulement « Stop ! » mais aussi « Repentez-vous ! » Elle doit être résolument orthodoxe, une défiance joyeuse de tonnerre quand elle se moque de ses persécuteurs culturels.
Chaque mouvement a besoin d’une attitude distinctive. L’Option Buckley sera aussi sociable comme Bill Buckley lui-même. Il sera simultanément rire à pleurer pour, prévoir et contrer les bêtises et les désordres graves causés par le progressisme. Il fera appel au ridicule débonnaire et à la satire comme modus operandi pour démystifier la sottise et l’incohérence du progressisme. L’Option Buckley ira crier que le roi est nu, conquérir les apôtres de la laïcité avec une bonne dose de rire et de stupéfaction.
L’Option Buckley chérira la primauté de la vertu morale et la liberté vécue sur la place publique. Sur ce point, cela ne consistera pas seulement à faire avancer ses propres intérêts, mais les intérêts de toutes les personnes dotée d’une conscience qui désirent vivre en liberté. Elle insistera sur la nécessité de l’effet modérateur de la religion sur les passions de l’homme qui, si rien n’est fait, éventuellement dévient vers l’autoritarisme.
Dans l’esprit de Chesterton, de Kuyper et de Lewis, l’Option de Buckley est optimiste. Elle sera, en un mot, une Renaissance. Maîtrisant une culture plus large, il mettrons en valeur les artéfacts de l’homme dans un souci de faire progresser la mission de l’église. Sa doctrine robuste de la création et de la culture reconnaît que Christ est en effet le Seigneur sur chaque pouce carré de l’espace cosmique.
Parmi les ruines
L’Option Buckley ne nécessitera jamais ni domination ni préférence culturelle. Éprouvés et prêts au combat, elle reconnaîtra simplement que le christianisme a ses meilleurs résultats sur les ruines de la culture. Dans les ruines de l’accélération de notre culture et le suicide volontaire, l’église peut accomplir sa mission comme un drame de la divine contradiction. L’Option Buckley insistera sur un christianisme dont l’éthique est intelligible, qui donne la vie et est en tout temps applicable au plan public. Si l’église ne s’exprime à la fois clairement et à juste titre sur la place publique, quelqu'un d’autre prendra la parole à tort. L’Option Buckley ne sacrifiera pas d’espace dans l’arène sociale ou civile. Elle croira, comme l’église l’a toujours cru, que son Évangile apporte avec elle une bonne nouvelle pour la société, indépendamment de savoir si la société estime que son message est bon ou pas.
Enfin, l’Option de Buckley reconnaîtra que dans un monde déchu, marqué par des intérêts personnels, la démocratie est la méthode préférée comme mode de gouvernement. Bien qu’imparfait, il permet à l’intérêt personnel d’agir dans le domaine de la persuasion, et non de la coercition. Une approche Option Buckley, évitant la théocratie, reconnaîtra que l’écologie morale d’une nation dépend d’une morale publique, pas d’une morale du gouvernement. Alors que l’Option de Benoît implique que la démocratie sème les graines de sa propre destruction, une approche « Option de Buckley » reconnaît que les semences de destruction ne sont pas propres à un système politique. La dégradation morale qui s’ensuit, quand des gens libres agissent librement, n’est pas causée par la démocratie, mais par les effets obsédants du péché qui a vicié toutes les civilisations humaines
Bien sûr, c’est seulement une esquisse préliminaire. Il reste encore beaucoup à dire. Et, il est important de noter que chaque paradigme, pour modifier une culture, ne nécessite pas d’abandonner tous les autres.
Soit Benoît Benoît — et soit Buckley Buckley..

[17] Source : Kuyperman.com « The Boniface Option » - de Sean Johnson

1ère partie
 Il y a près de treize siècles, mes ancêtres, les gens à l'est du Rhin, étaient des sauvages tribaux et païens. Ils n'étaient pas des gens sympas. Ils ont adoré les dieux nordiques comme Thor et Odin et avaient des tatouages sur le corps qui marquaient  leur dévouement envers leur tribu. Comme dans la plupart des sociétés tribales, quiconque ne faisait pas partie de la tribu était plus ou moins sub-humain et pouvait être volé, assassiné et / ou violé. Ils pratiquaient le sacrifice humain. Ils n'étaient pas tous différents de ISIS aujourd'hui.
Dans ce monde, un humble moine bénédictin s'appelait Winfrid. Il a quitté le cloître pour devenir missionnaire. Le pape Grégoire II a nommé ce moine missionnaire en tant qu'évêque de la Germanie païenne et lui a donné un nouveau nom: Boniface. Boniface traversa Germania, prêchant l'évangile, détruisait les idoles et sanctuaires païens et construisait les églises à leur place. Les païens qu'il a convertis étaient mes ancêtres.
Et à leur grand sanctuaire vénéré par ces gens, Boniface alla au chêne de Thor, où mes ancêtres ont sacrifié à leur dieu du tonnerre. Ils croyaient que si quelqu'un touchait cet arbre, Thor répondrait à ce sacrilège en le tuant avec un éclair. Boniface, croyant que le Christ avait triomphé de tous les démons du prince de la puissance de l'air, a déclaré qu'il ne se contenterait pas de toucher cet arbre, mais qu’il le réduirait. L’annonce s’est répandue et de nombreux païens se sont rassemblés pour regarder Thor frire ce chrétien insensé. Au lieu de cela, ils ont vu leur idole tomber sur la terre et ils ont tous été baptisés ce jour-là.
Boniface prêchait à d'autres païens, plusieurs années plus tard, quand il a finalement répandu son sang pour Jésus-Christ. Une bande de raiders a attaqué Boniface et son grand groupe de compagnons. Bien que lui et les 52 autres qui étaient avec lui aient pu résister, le missionnaire âgé leur a ordonné à tous de se désister. À l'âge de 79 ans, il a reçu sa couronne de gloire.
L'ordre monastique de Saint-Boniface est venu à partir d'environ deux siècles avant sa naissance et s'appelait « l'Ordre de saint Benoît ». C'est saint Benoît, qui, pendant la calamité de l'effondrement de l'Empire romain, forma des monastères. Ces monastères sont devenus des communautés de pensées et de culte chrétiens qui ont contribué à la stabilité de la chrétienté.
Aujourd'hui, l'Occident (et l'Empire américain en particulier) comme Rome avant Benoît, est dans un état de déclin lent et apparemment inexorable. Les temps doux ont créé des hommes doux. Dieu nous a donné des moments difficiles. Ces temps difficiles, ce grand déclin est ce que le grand et important livre du moment, The Benedict Option de Rod Dreher, a été écrit dans ce but. Plusieurs Giga octets de données ont été consacrés à la critiquer, l'analyser et la louer. Sean Johnson, dans un  commentaire de Kuyperian, a une critique ici. Ce que j'offre n'est pas un examen ni une critique. En tout cas, il s'agit d'un addendum personnel. En termes de poker: je vois le Saint Benoît de Rod Dreher et je lui ajoute Saint-Boniface
Pour commencer, si vous ne savez pas, qu'est-ce que l' « option Benedict », ma synthèse est la suivante: un mouvement visant à souligner la formation de communautés chrétiennes de vie centrées sur le développement spirituel et intellectuel par opposition aux coalitions massives de droite religieuse qui mènent une guerre culturelle à l'échelle nationale.
Je ne trouve pas que cela soit répréhensible. Chacun peut voir que l'église a moins d'influence dans la culture américaine qu'à aucun moment de l'histoire de cette nation. L'apogée de l'évangélisme n'est plus, celle où les évangéliques étaient un bloc de vote que les personnes à Washington devait apaiser. Avec le recul, il est facile de voir ce qui s'est passé mal. Tout le capital dépensé pour élire un homme que nous avons considéré comme « l'un des nôtres », George W. Bush, a été gaspillé sur son régime désastreux en tant que président, comme le Joker de Heath Ledger allumant sa pyramide d'argent en feu. Nous avons fait affaire avec le diable et nous avons perdu. Et même si les choses s’étaient bien passées, nous aurions toujours perdu. Le christianisme qui alimentait le droit religieux était de 1 000 milles de large et un demi-pouce de profondeur. La grande majorité de nos églises sont les descendants du Second Grand Éveil [entre 1800 et 1860] et Charles Finney, et c’étaient des conservateurs! Il n'y a aucun moyen pour que ce genre de christianisme qui prêche un évangile grâce à des distributeurs automatiques et faciles (sans oublier l'apathie et la négligence du monde sur lequel règne le Christ) puisse construire et soutenir une culture durable pour des siècles. Donc, au lieu de lutter contre des campagnes politiques nationales chimériques pour s'opposer à la sodomie et à l'avortement, nous mettons l'accent sur l'établissement de communautés locales de chrétiens où nous pouvons grandir en théologie et liturgie (et être renforcés par une bonne théologie et un culte fidèle) est ce que nous devrions faire. Faire en sorte que ce qui a effectivement fonctionné dans le passé semble juste, surtout lorsque nous considérons que l'autre option - continuer à faire ce que nous faisons actuellement avec le même résultat - est la définition de la folie.
Par conséquent, si nous voulons constituer des communautés chrétiennes locales face au chaos du déclin impérial, et je pense que nous devrions faire, il est de la plus haute importance que nous ayons une idée du genre d'hommes que nous devrions former. Nous avons besoin d'hommes qui quittent le cloître pour la confrontation. Hommes qui échangent le confort relatif du monastère pour la mission et le martyre. Nous avons besoin d'hommes acharnés pour des temps difficiles. Le chêne de Thor n'a pas été abattu parce que Boniface a bien voulu que les païens l'aiment et pensent qu'il était un gars assez gentil. Ces personnes l'ont détesté lui et son dieu. Le chêne de Thor a été abattu à cause de la vérité: le Jésus-Christ est Dieu, Thor ne l'est pas. Nous devons apprendre à ne pas nous soucier de ce que pensent les incroyants et les gens qui vont passer l'éternité en enfer pour leur haine de Dieu. Nous ne devrions pas nous soucier de l’opinion qu’ils ont de nous. Ce sont des gens qui ont désespérément besoin d'entendre la vérité,  la vérité sur un Dieu-homme qui a été assassiné pour avoir dit la vérité. Nous devons comprendre que tous les incroyants tueraient Jésus s'ils en avaient l’opportunité. Après tout, qu'est-ce que pécher sinon être déicide ? Pourtant, le Seigneur les a aimés et a donné sa vie pour eux. Comme Il traversait l'agonie de la Croix à tout instant avec un seul mot, il aurait pu réduire à néant les responsables de son meurtre. Au lieu de cela, il leur a pardonné.
Nous devons former des hommes comme le Christ. Nous devons former des hommes comme Boniface, des hommes qui ont hardiment dit la vérité, quelqu’en soit le prix. Et les hommes qui ont sacrifié leurs vies pour leurs ennemis lorsque le coût est venu à échéance. L'amour pour nos ennemis signifie: 1. reconnaître que nous avons des ennemis. 2. dire la vérité à ces ennemis. 3. donner notre vie pour eux. La plupart des engagements culturels évangéliques remplacent les étapes 1 et 2 avec: 1. ne pas faire de distinctions à propos de quoi que ce soit 2. être généreux et essayez de faire en sorte que chacun vous aime. Une telle approche ne peut mener qu’à une seule direction : ceux qui l'adoptent le font avec un mélange d'apathie, de pragmatisme et de lâcheté.
Il n’en n’est pas ainsi avec l'option Boniface. Cela ne veut pas dire que nous devons mettre tout en œuvre pour être haï. Manifester aux funérailles des militants en disant aux gens "Dieu déteste les pédés" est évidemment méprisable et n’entre pas dans l' « Option Boniface ». Mais si la culture devient de plus en plus antichrétienne (c'est le cas), vous ne devrez pas abandonner votre route pour trouver des ennemis. Adorer Jésus fidèlement et mener 'une vie fidèle à Dieu les attirera comme le miel attire des mouches. Et les chênes de Thor qu'ils adorent ne seront pas coupés avec une beauté pathologique. Ils seront abattus par des hommes prêts à perdre leur carrière, leurs réputations, leurs plans d’épargne retraite codifié 401k au code fiscal, etc. pour être fidèles à Jésus. Les hommes qui ont choisi ce qui est difficile parce qu'ils croient en leur dieu. Les hommes qui, comme leur Seigneur, ne briseront pas un roseau brisé, mais qui suivront un Dieu qui exécutera les rois au jour de sa colère. Les temps doux de la Pax Americana ont créé des hommes doux. Il semble que notre Seigneur nous ait donné des moments difficiles. Il est temps de forger des hommes durs.

2nde partie
Après le Mémo de Danielle Brown, la nouvelle vice-présidente de la diversité, de l'intégrité et de la gouvernance de Google et le licenciement de son auteur qui a suivi, il est devenu de plus en plus évident que nous vivons dans une théocratie du progrès. La déesse du progrès et de l'égalitarisme a été profanée par quelqu'un qui semblait être un ancien adorateur dans l'un de ses plus saints sanctuaires: le campus de Google, au cœur de Silicon Valley. Cet ingénieur informaticien senior, James Damore, est titulaire d’un doctorat en biologie de l'Université de Harvard, et a utilisé des recherches scientifiques documentées (l'une des divinités apparemment moins nombreuses) pour souligner les différences biologiques entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les aptitudes pour la programmation et le leadership de l'entreprise. Il a été renvoyé pour "perpétuer les stéréotypes sexistes". Si un Ph.D. de Harvard en biologie ne peut pas discuter de l'égalitarisme, même s'il se base uniquement sur des preuves scientifiques, quel espoir aura l'un de nous ?
C'est à cause de ce culte vicieux, enragé et militant, pour le progrès, - qui a envahi presque toutes les institutions imaginables - que j'ai écrit à propos de «l'option Boniface» plus tôt cet été. Ces gens viendront à nous. Nous devons nous préparer maintenant.
Pour être prêt, l'église aujourd'hui doit former plus de « Bonifaces ». Qu'est ce que des « Bonifaces »? Ce sont des hommes disciplinés qui ont sérieusement mesuré le prix de rester fidèles à Jésus-Christ et sont prêts à tenir quelque soit le coût du mépris, par rapport à la gloire de connaître et de servir Jésus-Christ. Ce sont des hommes qui s'attendent à ce que les conséquences arrivent et ont pris la décision, il y a longtemps, d’en payer le prix quelque soit le coût. Quels seront les coûts pour nous au début du 21e siècle de l'Ouest? Pourtant les chances qu'un djihadiste ne se singularise pour vous exécuter sont très faibles et la persécution par l'État des chrétiens du genre de ce qui a eu lieu sous Joseph Staline ne se passe pas actuellement (mais il est moins absurde de comprendre ces évènements), mais il est facile de concevoir le genre de conséquences que les chrétiens affronteront pour leur fidélité à Jésus au cours des quarante prochaines années.
Principal parmi eux: être licencié de son travail pour être membre d'un groupe coupable de discours de haine, c'est-à-dire d’une église chrétienne orthodoxe biblique («orthodoxe» ici absolument incluant la sexualité biblique). Nous devons prendre des décisions maintenant sur ce que nous allons faire. Êtes-vous prêt à perdre votre emploi pour être chrétien? Es-vous prêt à perdre votre emploi pour être chrétien? Le genre de personnes ciblées pour l'adhésion à "groupes de haine" seront des professionnels à forte croissance dans les carrières où il leur aura fallu longtemps pour s'établir. Ils ne s’attaqueront pas aux plombiers expérimentés, aux soudeurs ou aux charpentiers qualifiés, du moins pas tout de suite s’ils le font jamais. Ils aborderont d'abord les avocats, les médecins, les dirigeants et toutes autres cibles ayant beaucoup à perdre. Les hommes chrétiens qui sont dans de tels postes doivent décider maintenant s’ils sont prêts à abandonner leur carrière et leur statut pour la cause du Christ
Les hommes qui professent leur amour de Christ aujourd'hui et leur volonté de prendre leur croix et de mourir pour Lui doivent savoir que Satan n'attaquera pas ce que vous aimez en deuxième ou troisième. Satan sait que la plupart des Américains (y compris et surtout les chrétiens américains) préfèreraient mourir que de perdre leur accès à Mammon. Regardez combien d'hommes se suicident quand leur carrière s'écroule et combien de fois parce que leur carrière n'a jamais avancé. Beaucoup d'hommes seraient morts plutôt que de perdre leurs modes de vie confortable. Les chrétiens ne sont pas à l'abri de cet esprit du temps. Le martyre pour les chrétiens modernes et occidentaux n'est pas la mort. C’est de quitter le pilotage d'un 747 pour aller pomper des fosses septiques. C’est d'être le DG d'une des 500 premières entreprises de technologie pour aller réparer des MacBooks juste au-dessus du salaire minimum. C’est d’être rayé d’un poste de partenaire à votre cabinet d'avocats et de devenir installateur de rampes d’éclairage dans des appartements délabrés. Le martyre dans les milieux aisés de l'Occident postchrétien est que votre classe et votre statut soient réduits pour l'amour du Christ et de souffrir avec joie. Lorsque ces choses commencent à se produire, le monde s’en rendra compte. C'est l'équivalent moderne d'être donné en pâture aux bêtes sauvages dans le Colisée. Combien vont-ils reculer? Une fois que les premières têtes commencent à rouler pour complicité de culpabilité, combien quitteront leurs églises? Si nous commençons à préparer notre peuple à ce qui semble être inévitable, nous serons prêts à souffrir financièrement et socialement lorsque ce jour viendra.
Mais comment préparons-nous pour ce jour-là? Nous devons avoir des communautés fortes axées sur le renouvellement de l’organisation « Lord's Day Alliance (LDA) » . C'est ce que des livres comme The Benedict Option de Dreher et The Out of the Ashes de Anthony Esolen commencent à expliquer (je recommande fortement ce dernier, ne serait-ce que pour la fantastique prose d'Esolen!). Le genre de communautés que Dreher et Esolen veulent établir sont pleins de chrétiens sérieux, et c'est génial, mais il doit y avoir quelque chose autour de la logique de ces communautés.
Pour Dreher et Esolen, qui sont orthodoxes orientales et catholiques romaines, respectivement, leurs livres sont destinés à un public «simplement chrétien» afin qu'ils ne puissent pas approfondir les détails à ce sujet, mais mon public cible est beaucoup plus étroit: les chrétiens réformés et évangéliques. Nous devons construire des communautés qui comprennent consciemment ce qu'est « Lord's Day Alliance (LDA) » - que nous ne nous rassemblons pas pour chanter de belles chansons à Dieu et entendre des mots inspirants chaque semaine, mais pour rétablir notre alliance avec Dieu, être appelé par lui dans sa Présence, avoir entendu de Lui qu'il a pardonné nos péchés, être enseigné par sa parole, être nourri par lui, se voir ordonner  par lui de sortir dans le monde, de faire des disciples et d'enseigner aux nations tout ce qu'il a commandé. Cela doit être le fondement de la sorte de communauté chrétienne sérieuse qui résistera non seulement à la tempête violente de l'avenir, mais calmera le vent et les vagues au nom de Jésus-Christ. C'est le but qu’a la « Lord's Day Alliance (LDA) »  un but, un point final, un telos. Aucune communauté ne peut être durable à moins qu'elle n’ait une direction.
Si les communautés que nous espérons construire ne sont entourés que d’enceintes destinées à nous protéger des vagues de zombies qui nous lavent le cerveau, elles ne dureront pas, même si on lit Civitas Dei, la Summa Theologica et les Instituts de la religion chrétienne de Calvin à l’abri de ces murs. La téléologie est importante. L'eschatologie aussi. Le déclin culturel en Occident est soit le début de la fin des temps, soit l'un des défis auxquels l'église devait faire face tout au long de son histoire. La façon dont nous répondons à cette question définira tout ce que nous faisons, de nos tâches quotidiennes les plus banales à celles que nous engageons avec la totalité de nos vies et dans quelle direction nous allons diriger nos familles. Et permettez-moi d'être parfaitement clair, le monde n’en n’est pas à sa fin. L'église est confrontée à un fourneau d'affliction. De l'autre côté, elle sera une mariée encore plus impeccable et pure. Notre Seigneur nous délivrera par sa venue. Nous pouvons faire confiance à sa promesse qu'il ne nous a pas abandonnés, mais qu'il est avec nous. C'est Lui qui a tout le pouvoir et la domination sur toutes les nations de la terre, et il défendra son épouse. Il est de notre devoir de rester fidèle, de persévérer et de Lui faire confiance. Ce devrait être le fondement de la façon dont nous vivons à la lumière de ce qui arrive. Faites confiance à Jésus et préparez-vous à la lutte.

[18]  Source :   National Catholic Register- « L’Option « Francis »: Nous avons perdu la guerre de la culture. Temps de battre en retraite ? », par  Tom Hoopes, écrivain.
L’Option « Benoît » est une façon pour les chrétiens de répondre à la victoire apparente de la laïcité dans la guerre de la culture. Je veux proposer autre chose — l’ « Option de Francis, » proposée par Laudato Si (soins pour notre maison commune), et se référant au saint patron de l’écologie.
Mais je ne veux pas donner de ménagement à l’ « Option Benedict » — avec le nom du saint que s’est approprié le pape Benoît récente, et comme le père Dwight Longenecker l’a également fait remarquer. Comme le dit le Pape Benoit XVI, « Quand l’obscurité semblait se propager au-dessus de l’Europe après la chute de l’Empire romain, Saint Benoît a porté la lumière de l’aube pour briller sur ce continent. »
Rod Dreher a inventé l’expression « Benedict Option » pour décrire une nouvelle retraite stratégique de guerre culturelle — que nous avons perdu — pour garder la lumière de la foi dans de petites communautés, tendant la flamme pendant que les tempêtes font rage à l’extérieur.
Cette approche décrite par Dreher est précisément ce qui m’a donné la foi.
J’ai été beaucoup dans le monde et de lui jusqu’à ce que je tombe sur le St. Ignatius Institute, un excellent programme de livres dans une des plus grandes universités de San Francisco. Comme dans les catacombes chrétiennes, nous avons rencontré dans le sous-sol du bâtiment le plus ancien du campus, de quoi planifier nos études de choses « interdites » que l’Université elle-même n’enseignerait plus — les grandes vérités durables de la civilisation occidentale.
La même approche est en train de donner la foi à mes enfants.
En utilisant un programme d’école à la maison axée sur ce programme, nous avons entretenu la lumière de l’apprentissage et de la foi dans le calme de notre maison. Nous avons été satisfaits des résultats : enfants avec une vie de prière, deux filles consacrées à des œuvres missionnaires et un fils qui a lancé un site Web pour promouvoir la foi.
Cela nous amène à Laudato Si. Saint Benoît a fait une apparition dans le document, mais le pape François ne s’intéresse pas à la manière dont Benoît a fui le monde ; Il s’intéresse à la manière dont il a rencontré le monde par la prière et le travail — et comment St. François a fait la même chose plus intentionnellement.
Quelle est la différence entre François et Benoît ? Benoît a été cloîtré ; François était un mendiant, il vivait en dehors des murs de la ville, mais y revenait pour mendier.
Saint Benoît a préservé la lumière du Christ par la construction d’un abri pour qu’elle devienne un feu vif et pour inviter les gens à se rassembler autour de sa chaleur ; St. François a préservé la lumière en allumant des petites flammes partout.
Le monde a rencontré la sagesse monastique de Saint Benoît à travers les écoles, le commerce, des livres et des prédications ; le monde a rencontré St. François, quand il a mis sa chrétienté détonante et  authentique côte à côte de la duplicité du monde prétendu chrétien : il est devenu une icône vivante du Christ. Les gens, qui autrement n’auraient pas rencontré le Christ, ont rencontré François et Claire et leurs compagnons et ont appris ce que Jésus leur aurait (et nous aussi) enseigné : Faire confiance à Rome, rejeter le mercantilisme quotidien ; respecter la prêtrise ; tend la main à l’Islam ; soins pour toutes les créatures ; servir les pauvres.
« La pauvreté et l’austérité de Saint François n’étaient pas un simple placage de l’ascétisme, » écrit le pape Francis dans Laudato Sí, « mais quelque chose de beaucoup plus radical : un refus de transformer la réalité dans un objet simplement à être utilisée et contrôlée » (LS §11).
Les gens voyant François ont découvert une liberté sans compromis et joyeuse. Ils ont appris de lui que la vie de foi n’était pas facile, mais que ce n’était pas non plus corvée. Ils ont appris que le christianisme était fort, vital et réel — et ils ne pouvaient pas avoir appris qu’il n’y avait pas d’autre chemin que de voir un frère en souriant tout en jeûnant et en aidant les pauvres, non pas comme un philanthrope, mais comme un frère.
Quand le monde regarde aujourd'hui les catholiques, ils n’ont souvent pas fait cette expérience. Ils voient des militants culturels ou des pleurnichards.
François n’était pas un guerrier de la culture. Il ne voyait pas la création comme « un problème à résoudre, » comme le pape François — et il ne voyait pas la culture de cette façon ou l’autre. D’autres construisaient des lieux afin de préserver la culture contre les attaques (une œuvre dont l’église a toujours besoin) ; Il a décidé d’être impuissant devant les autres. Il était uniquement préoccupé d’être un avec le Christ dans ses croyances, les actions et les décisions.
Aussi, il n’était pas un pleurnichard. Il a refusé de se plaindre des prêtres, même si leurs droits ont été piétinés. Il ne s’est pas plaint que l’église était trop ou pas assez catholique, ou que le pape s’était trompé de priorité, ou que les évêques et les prêtres étaient corrompus ou paresseux.
Le regretté et grand Mgr Lorenzo Albacete [théologien portoricain et leader américain de « Communion et Libération »] a dit une fois, et je l’ai cité auparavant : « si demain on révélait que le Pape a un harem, que tous les cardinaux avaient fait de l’argent avec les stocks options d’Enron et étaient impliqués dans le porno sur Internet, alors la situation de l’église actuelle serait semblable à la situation de l’église à la fin du XIIe siècle... pendant que François d’Assise embrassait d’abord un lépreux. »
Je pense que cette approche est adaptée à notre époque pour deux raisons : tout d’abord, parce que la puissance du laïcisme moderne est largement surfaite. C’est un système décadent sans cohérence intérieure qui s’est délibérément stérilisé lui-même. Il provoque anxiété et immense malheur. Il est sur la défensive et bruyant comme une hyène, pas fort et silencieux comme un lion.
Deuxièmement, l’Option François est logique parce que le monde a une faim pour le témoignage chrétien authentique, pas une aversion pour elle. Le monde embrasse des personnalités telles que mère Teresa, John Paul II et Pape François. Imaginez ce qui arriverait si vous et moi étions plus comme eux.
Comme le pape François l’a dit en 2013 : « ce n’est pas tant parler qu’il faut, mais plutôt parler avec toute notre vie : vivre constamment, la cohérence même de nos vies ! Cette cohérence signifie vivre le christianisme comme une rencontre avec Jésus qui m’amène à d’autres, pas seulement comme un label social. ... Être témoin, voilà ce qui compte ! »
C’est l’Option de François. Oui, garder les vérités de la foi. Mais laisser le monde rencontrer Jésus. Laissez-les vous rencontrer.

[19] Source :  US catholic - Faith in real life : « The Francis Option » par Stephen Schneck
Plusieurs idées inquiétantes et étroitement liées au rôle de l’Eglise dans la vie publique circulent dans les milieux catholiques de centre-droit de nos jours. Certains intellectuels catholiques suggèrent que l’église devrait se retirer de la participation à la vie publique parce qu’elle pourrait mettre en contact avec des valeurs nocives. D’autres soutiennent que les évêques ne devraient pas préconiser des politiques de justice sociale. Encore d’autres font valoir que l’église devrait devenir plus petite et plus pure. Et, enfin, certains préconisent ce qui a fini par être appelé la « Benedict Option ».
Je trouve que l’ensemble de ces propositions s’accordent entre elles. Ce sont des versions de la notion qui veut que l’église se retire du monde, comme si une certaine contagion mondaine pouvait submerger l’église.
Se retirer de la Participation
Pendant de nombreuses années, les vigiles moralisatrices ont critiqué sans relâche des organisations catholiques comme le Catholic Relief Services (CRS), Catholic Charities (CCUSA) et la campagne catholique pour le développement humain (CCHD) pour leur association avec des groupes non catholiques ayant des positions différentes de celles de l’église. Plus récemment, la critique a également été dirigée contre ces organisations pour leur travail en partenariat avec le gouvernement fédéral. L’implication est claire : l’église doit se retirer de cette participation qui risque de coopérer avec le mal.
Mgr Charles Chaput de Philadelphie a même suggéré de mettre fin à la participation de l’Église aux mariages civils. Dans la revue catholique conservateur, First Things, le rédacteur en chef Rusty Reno a validé une feuille d’inscription, où clergé peut s’engager à ne plus célébrer de mariages civils. En offrant seulement des mariages religieux et en n’assurant plus la certification des mariages légaux selon le droit américain, ce clergé se serait retiré de la corruption d’un régime juridique qu’ils voient comme entaché par la légalité du mariage homosexuel.
Aucune sensibilisation publique pour les politiques de Justice sociale
La justice sociale est elle-même suspecte pour quelques-uns de ces cercles en suivant l’exemple d’experts comme Glenn Beck, qui argumente le fait que la justice sociale « non seulement ressemble à ce que prêchent aujourd’hui beaucoup de groupes progressistes et socialistes et communistes radicaux, mais c’est ce qu’ils prêchent aujourd'hui ». L’argument est que soutenant la justice sociale sur des questions politiques comme l’inégalité économique, le changement climatique, travail et entreprise, incarcération massive ou l’immigration, fait intervenir l’Église sur des questions hors de sa compétence et l’implique dans une politique partisane.
Dans la même veine, Robert P. George, un intellectuel catholique à Princeton, fait valoir que des organisations religieuses institutionnelles comme la Conférence américaine des évêques catholiques ne devraient examiner que les politiques de la vie publique américaine qui se rapportent intrinsèquement à la moralité : politiques publiques telles que l’avortement, l’euthanasie et le mariage homosexuel. Il soutient  que des questions relevant du domaine de la justice sociale — tels que le changement climatique, la pauvreté et l’immigration —devrait principalement être la préoccupation des laïcs et non des évêques ou de leurs organisations.
Église plus petite et plus pure
Longtemps avant de devenir Pape Benoît XVI, le futur pape a écrit un livre sur l’avenir de l’église, intitulé  La foi et l’avenir, dans lequel il imaginait que dans la modernité, l’église perdrait ses édifices publics et ses effectifs. Ce faisant, il disait, c’était bien imaginé, devenez « plus petits et plus purs » et redémarrez. Ces dernières années, ce vieux pronostic de celui qui était le père Joseph Ratzinger a été retourné en une prescription de certains milieux.
Comme prescription, l’idée d’une église plus petite et plus pure conduit à des appels pour l’élagage. Un récent sondage du Pew qui a montré une baisse du nombre de catholiques américains, a été accueillie avec espoir par ceux qui ont vu cela comme ouvrant sur une Église plus consciente et plus orthodoxe. Des groupes de gardiens de l’orthodoxie accompagnent les enseignants catholiques, les universités et hôpitaux catholiques, des hommes et femmes d’ordres religieux et intègrent même dans des paroisses catholiques avec le but d’identifier ceux qui seraient jugés insuffisamment catholiques. Des labels comme « catholiques de nom seulement (CINOs) » et « Catholyks » sont lancés dans l’espoir d’humilier et d’éloigner tous ceux qui n’ont pas passé la barre.
L’Option Benedict
Je ne sais pas, parce que mes intérêts universitaires sont ailleurs et que je n’ai pas suivi de près le développement de ces idées, mais je soupçonne que l’Option dite « Benedict » a été inspirée par la fin du livre de 1984 du philosophe Alasdair MacIntyre, La suite de La vertu. Dans ce livre, MacIntyre dépeint un futur fictif de moralité à l’époque moderne. Dans ses réflexions finales, les muses de MacIntyre -mais, en fait, je ne tiens pas cela de ma propre lecture- suggèrent que, pour sauver la vertu au milieu de l’âge sombre du relativisme moderne, nous pourrions prendre le repère de Saint Benoît qui, dans les âges sombres de l’origine, a sauvé le christianisme des barbares qui approchaient, en ayant des croyants retirés derrière les murailles de communautés monastiques.
Quelques années plus tard, dans The American Conservative, Rod Dreher a ressuscité les rêveries de 1984 de MacItyre, mais il l’a proposé comme un véritable plan. Sa Véritable Option Benedict, était presque une retraite physique derrière une culture ressemblant à des murs monastiques, dans lequel des gens religieux seraient retirés de la modernité et des barbares pour préserver leur foi entre eux, réduisant au minimum le contact avec le monde extérieur. L’idée a suscité un engouement grandissant. J’imagine des habits de pionniers, un enseignement à domicile, aucune carte à jouer et des maisons non reliées aux réseaux.
L’Option de Francis
L’Option de Benoît est à bien des égards exemplaire pour toutes ces notions inquiétantes. Au lieu de voir le monde comme lumineuse dans le plan du créateur, il est perçu comme mal. Le Peuple élu doit être sauvé de la corruption. En conséquence, l’église devrait réduire son engagement dans la vie publique. Elle devrait se tourner vers l’intérieur pour se concentrer sur l’orthodoxie. Au lieu de « N’ayez ne pas peur ! » — Nous devrions avoir très peur.
Les conseils du Pape François approchent le monde moderne très différemment. Il prêche une église engagée dans le monde, pas personnes barricadées derrière des murs craignant la participation. Au lieu de reculer de renoncer à impliquer l’Église dans les politiques sociales, il fait la promotion de cette participation — pour lutter contre la pauvreté, le changement climatique, les conflits, l’immigration et des dizaines d’autres domaines de la justice sociale. La principale caractéristique de son pontificat d’aller avec miséricorde vers les pécheurs et d’inviter et  d’accueillir ceux qui ne partagent pas nos valeurs. Au lieu de tourner vers l’intérieur en mettant l’accent sur la protection de l’orthodoxie et de défendre les fidèles, il se concentre pour atteindre les périphéries et les groupes marginalisés.
En 1983, St. Pape Jean Paul II a proposé aux évêques d’Amérique latine ce qu’il appelait une nouvelle évangélisation comme mission pour l’église à notre époque. Je ne suis pas sûr que le futur pape François était dans l’assemblée. Mais cette papauté clairement a repris cet appel. Évangéliser c’est dire la vérité sur les marges. L’Option de François est l’opposé de l’Option de Benoît.

[20] Dorothy Day (1897-1980) est une journaliste et une militante catholique américaine. Elle est devenue célèbre pour ses campagnes publiques en faveur de la justice sociale, des pauvres, des marginaux, des affamés et des sans-abris.
Née dans une famille épiscopalienne peu pratiquante, elle perd la foi puis devient une journaliste radicale, proche des milieux anarchistes et de l'ultra-gauche américaine. Après une vie de bohème et au moins un avortement, elle donne naissance à une fille, Tamar Theresa, et se convertit au catholicisme. Avec Peter Maurin, elle fonde le Catholic Worker Movement (« Mouvement catholique ouvrier »), qui défendait la non-violence et l'hospitalité envers les exclus de la société. Fervente dans sa foi, elle a aussi défendu l'orthodoxie morale chrétienne lors de la révolution des années 1960.
Elle a reçu le prix Pacem in Terris en 1971. En 1996, le film Entertaining Angels: The Dorothy Day Story a été réalisé sur sa vie. Sa cause en béatification a été ouverte en 2000 par le pape Jean-Paul II.

[21] Source : Crux « L’option Benedict n’est pas suffisante »

[22] Source : Angelico press - « Sophia option » de Michael Martin, agriculteur, philosophe, théologien, poète et musicien biodynamique - 20 février 2017-
1ère partie
... Il faut beaucoup se féliciter de Rod Dreher pour avoir intéressé des chrétiens américains contemporains  à une tendance conservatrice ou traditionnelle et à cette idée qu'il appelle « l'option Benedict ». Mais je dois avouer que quelque chose à propos de son projet me rend mal à l'aise.
De mon point de vue, la « Ben Op » est née d'un sentiment d'anxiété croissant au cours de l'administration précédente, alors que l'équipe Obama a travaillé à favoriser l'agenda progressif et les tribunaux ont de plus en plus légiféré (un mot que j'utilise à dessein) contre la simple liberté de conscience et a souvent obligé (ou essayé d’obliger) les chrétiens à encenser César sur les autels des méthodes contraceptives, de la politique LGBTQ et d’une tolérance qui est tout sauf tolérante.  En effet, j'ai partagé cette anxiété, et je l'ai encore dans une certaine mesure.  Mais l'anxiété témoigne d'un manque de confiance en Dieu et d’une soumission à la peur: "Il n'y a pas de crainte dans l'amour ; au contraire, le parfait amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n'est point parvenu à la perfection de l'amour."(1 Jean 4:18).  Nous le savons déjà, frères et sœurs.  Nous le savons déjà.
Je pense qu'on peut dire, peu importe ce que l'on pense du nouveau président, que l'émergence d'une crise imminente qui a inspiré la « Ben Op »  a diminué jusqu'à un certain point avec l'élection de Donald J. Trump. Nous pouvons avoir quatre ans pour respirer un peu plus facilement, mais ne vous méprenez pas: ils reviennent. Et quand ils reviennent, ils ne seront pas particulièrement gentils avec une démographie qu'ils associent à l’élection de Trump à la Maison Blanche, qu'ils aient ou non voté pour lui.  Mais la peur n'est pas une option.
Ce que je propose, c'est ce que j'appelle «The Sophia Option». L'option Sophia est, à bien des égards, conforme au projet de Dreher et à la culture du communautarisme, de l'hospitalité, de l' ora et labora , etc. La seule chose différente est dans son intentionnalité, et l'intentionnalité est tout.  Ne craignez pas, frères et sœurs, et faisons un bruit joyeux.
En appelant ma proposition, l'option Sophia est un produit de mes longues immersions en « sophiologie » et en phénoménologie et dans la conviction que la gloire du Seigneur nous est maintenant disponible à travers la Grâce qui inonde le monde et peut être divulguée par notre présence. Le psalmiste le dit:
Les cieux racontent la gloire de Dieu,
et l'œuvre de ses mains, le firmament l'annonce;
le jour au jour en publie le récit
et la nuit à la nuit transmet la connaissance
Non point récit, non point langage,
nulle voix qu'on puisse entendre, (Psaume 19: 2-4)
L'option Sophia est plus cosmo-logiquement configurée que ce qu’on peut dire de la  « Ben Op ». Les rythmes de la nature et leur entrelacement avec l'année liturgique sont importants à ce point de vue, tout comme l'attention aux deux livres: celui de Dieu et celui de la nature. Ils sont également célébrés.
 À l'avenir, j'espère écrire davantage sur cette idée de célébration associée dans l'option Sophia, mais pour le moment, je préfère me concentrer sur les aspects intentionnels.  Mettez en évidence: si nous commençons par avoir peur, nous sommes déjà condamnés.  Si nous commençons par la joie, même la mort n'est pas un obstacle.  Les premiers chrétiens n'avaient pas peur; ils étaient plutôt enflammés par l’amour. Le film de Denys Arcand, Jésus de Montréal, illustre cela avec une actrice qui, dans une passionnante pièce de théâtre, joue le moment où Marie-Madeleine vient dire aux disciples qu'elle a vu le Seigneur ressuscité: elle court à toute vitesse avec un visage plein d'émerveillement avec des larmes pleines de joie et d'amour, et leur dit: «Je l'ai vu.» C'est ce que nous devrions faire.  Les disciples ne l'ont pas cru d'abord. Nos contemporains peuvent ne pas nous croire. Et alors?
 Je prétends que si nous commençons par la joie et l'amour pour le Ressuscité et si nous nous entraînons à reconnaître sa Sagesse (Sophia) dans la Création et dans les œuvres de création, nous porterons les germes de la régénération spirituelle et culturelle en nous et les répandrons tout au bout du monde.  (Nous avons oublié cela à notre grande honte.) Si nous transformons même cette joie et cet amour en une posture pour un avantage politique, alors, comme tous ces types d’attitudes, nous introduisons un poison dans la vie.  Et puis il faut se déplacer un peu, il y a des choses qui sont en train de mourir.  Laissez ces choses mourir. Nous devons œuvrer pour la résurrection: "Ne savais-tu pas que je dois être à propos de l'affaire de mon père?" C'est ce que nous devons offrir au monde, un monde déjà si profondément empoisonné qu'il peut rejeter la guérison comme une menace pour son existence. Pourtant, on nous a donné une mission.
Le Christ est venu pour que le monde soit sauvé par lui, ai-je lu quelque part.  Mais je peux aussi percer des chuchotements de ce salut dans le ciel nocturne, le détecter dans l'odeur des pommes, l'entendre dans le chant des oiseaux aussi bien que chez l'homme. Le cosmos lui-même a été racheté par lui.  Mais nous avons besoin d'oreilles pour entendre. Un peu comme le World Party le proclama une fois (dans la continuité de William Blake):
Et si tu écoutes maintenant
 Tu pourrais entendre
Un nouveau son entrant
 Comme un ancien disparaît.
Voir le monde dans un seul grain de sable
 Tu ferais mieux de regarder de plus près
Ne le laisse pas glisser dans ta main
N'entends-tu pas l'appel ?

[23] Source : Tan Books -  « L'option mariale: la solution de Dieu à une civilisation en crise », par Carrie Gress, titulaire d'un doctorat de l'Université catholique d'Amérique et membre de la faculté de l'Université Pontifex. Son travail est paru chez Aleteia.
"Comment pouvons-nous sauver la civilisation?" C’est la question qui  inquiètent beaucoup aujourd'hui. 
Alors que le monde descend dans le chaos, les chrétiens pensent profondément à la façon de freiner la marée.  De nombreuses options et suggestions ont été présentées pour faire face à la persécution chrétienne et à la décadence culturelle, mais aucune ne peut déposer une bougie à la « Marian Option ».
 La docteure Carrie Gress offre une vue approfondie sur les grands événements culturels et militaires médiatisés par Marie en faveur de ses enfants spirituels. Des victoires miraculeuses à des hauteurs impressionnantes de la culture : vous n'avez jamais vu Marie comme cela avant.
 Jusqu'à présent, les livres sur la Vierge Marie ont généralement porté sur une apparition ou sur divers éléments théologiques de cette femme mystérieuse. Beaucoup plus importante.  À partir d'une vaste gamme de dogmes, des apparitions approuvées par le Vatican et des écrits de saints, le Dr Gress a rassemblé l'histoire remarquable de l'influence et de l'intercession de Marie.
À l'aide de l'histoire, de la théologie authentique et de l'œil d'un détective, Gress met en lumière les détails fascinants du rôle de Marie dans les grandes mutations géopolitiques.  Le lecteur verra le degré de l’entremise de la mère de Dieu:

  •  Libérer l'Espagne de l'occupation islamique

En Espagne, contre les musulmans, la Reconquista, commencée au huitième siècle, prend un nouvel élan avec l’éclatante victoire de Las Navas de Tolosa, victoire remportée par Notre-Dame de Rocamadour. Au matin du 16 juillet 1212, soixante-dix mille soldats de l’armée catholique rencontrent deux cent mille sarrasins dans la plaine de Las Navas : le choc est terrible ; l’avant-garde est décimée et la seconde ligne commence à se débander, lorsque le roi Alphonse  VIII fait déployer la bannière qu’on lui avait apportée du sanctuaire de Rocamadour. À la vue de cet étendard, qui représentait la Bienheureuse Vierge Marie tenant son Enfant entre ses bras, avec à ses pieds les armes du roi de Castille, tous les guerriers fléchissent le genou, retournent au combat avec une ardeur renouvelée, enfoncent le centre de l’armée ennemie et font un grand massacre de musulmans qui s’enfuient en désordre. L’archevêque de Tolède entonne alors le Te Deum, en action de grâces. C’est le tournant décisif de la Reconquista. (source)

  • Allumer la plus grande conversion de masse au catholicisme dans l'histoire

L'apparition de Notre-Dame de Guadalupe, qui a comblé une fracture majeure entre les Espagnols et les Natifs du Mexique, tout en convertissant 4-10 millions d'âmes en catholicisme

  • Diriger un prêtre sans prétention pour faire tomber l'empire le plus puissant du monde sans tirer un coup
  • Stomping out heresies and false teachings from the Church Stopper les hérésies et les faux enseignements de l'Église

L'hérésie albigeoise en est un autre exemple : selon les dominicains, l’origine du rosaire remonte au XIII° siècle : A Albi, la vierge apparaît à St-Dominique et lui remet un chapelet qu’il appelle la couronne de ND. Ce rosaire lui aurait permis de triompher de l’hérésie albigeoise, ce qui explique la fréquence de ces représentations dans les églises du Midi. (Source : « les anges dans nos campagnes... » de Louis Peyrusse  (p. 96)

 Au-delà du champ de bataille, la « Marian Option » met également en évidence le lien entre la dévotion mariale et le niveau culturel, montrant comment la créativité et les arts-peinture, sculpture, architecture, musique et littérature sont tous florissants quand le dévouement est fort.
Cette chronique passionnante de l'intercession de Marie montre clairement que la mère du Christ est en effet la femme la plus puissante au monde et la réponse à la façon dont nous pouvons sauver le monde et nous ramener dans le cœur de son fils. Non seulement elle est très intéressée à aider les chrétiens, elle a la capacité de le faire, même en face des plus graves cotes. . Nous devons juste demander.
The Marian Option will leave you with a new perspective on the Blessed Mother and a renewed hope in the future of the Church and the world. L'option mariale vous laissera une nouvelle perspective sur la Sainte Mère et un espoir renouvelé dans l'avenir de l'Église et du monde.

Source : Crux : L'option Marian est-elle la clé pour sauver la civilisation? Carrie Gress a parlé à Crux de son nouveau livre :
Crux: Vous commencez à parler de l'engouement actuel dans le monde chrétien pour différentes "options", et de manière particulièrement évidente de l'option Benedict de Rod Dreher. Qu'en pensez-vous qu’il y a derrière ce phénomène?
Gress: Je pense que ces options sont une réponse au sens croissant que le monde qui s’est emballé. Beaucoup de valeurs fondamentales qui maintiennent la culture disparaissent ou sont sérieusement remis en cause. Ces épreuves ne se produisent pas dans un endroit lointain, mais menacent réellement ceux d'entre nous qui tentent de vivre la foi chrétienne aux États-Unis. Les gens cherchent des moyens de répondre, mais aussi de récupérer le territoire culturel qui a été perdu.
Maintenant, vous ajoutez "Marian option" au mix. Pourquoi?
Au début, ce n'était pas mon intention d'ajouter encore une autre option dans la discussion, mais plus j'ai examiné ces options et j'ai examiné le rôle de Marie tout au long de l'histoire, plus j'ai remarqué une véritable lacune dans la discussion. Après tout, si nous voulons parler de conversions, de protection contre les ennemis, de lutte contre l'hérésie, de la culture, etc., l'influence de Marie est inégalée.
Pensez à l'apparition de Notre-Dame de Guadalupe, qui a comblé une fracture majeure entre les Espagnols et les Natifs du Mexique, tout en convertissant 4-10 millions d'âmes en catholicisme - peut-être la plus grande conversion de masse de l'histoire.
Saint Dominique et l'hérésie albigeoise en est un autre exemple. Ou même son rôle dans l'influence de la culture occidentale. Il est difficile de trouver un compositeur, un peintre, un sculpteur ou un architecte qui, à un moment donné, ne l'utilisait pas comme sujet ou source d'inspiration.
Vous écrivez l'importance du chapelet et la consécration à Marie. Pourquoi ces dévotions sont-elles importantes?
Le chapelet et la consécration mariale sont importants pour de nombreuses raisons. Le chapelet en particulier est important en raison de la fréquente demande de Marie. Dans le livre, je regarde seulement les apparitions mariales approuvées par le Vatican, mais parmi ces quelques-unes (il n'y a que 15 total et je parle d'environ neuf) Marie a répété sa demande pour le chapelet à travers les siècles.
Le chapelet ne concerne pas seulement Marie, mais aussi sa vie avec Jésus et sa vie. Il a été décrit comme un mini-pèlerinage, où nous entrons dans le mystère de la vie du Christ, et comme un véritable pèlerinage, le retour au monde a changé, peut-être indistinctement. Au fil du temps, les petits changements deviennent plus faciles à voir dans les changements qui se produisent dans nos vies.
Ces mini-pèlerinages ou retraites favorisent également une relation plus profonde entre nous et le Christ et sa Mère. La consécration mariale prend cette relation entre nous et Mère et Fils à un niveau encore plus profond car il honore le don que Christ a fait de sa mère au monde en croix. Elle est notre mère spirituelle et la consécration est notre réponse à son amour pour nous en tant qu'individus et son désir de nous indiquer son fils.
Dans les deux cas, comme nous pouvons le voir dans le témoignage des saints, Marie conduit chaque âme à Jésus tout en nous aidant à utiliser les dons que nous avons chacun donné dans le moyen le plus efficace pour transformer la culture, ou quoi que ce soit que Dieu a pris en compte pour chacune de nos vies.
Marie a  intercédé dans l'Église pendant mille ans avant le chapelet, et les églises orientales ont leurs propres dévotions mariales ... l'accent mis sur le chapelet et la consécration limitent-ils la façon dont une personne pourrait s'approcher de Marie?
  Il est intéressant de voir le parallèle entre les dévotions mariales de l'Est et celles de l'Occident. Ils ont aussi un type de chapelet qui précède le Rosaire de l'Ouest, avec des prières et des mystères légèrement différents, mais le fruit est le même. Au lieu de limiter notre relation avec Marie et son Fils, le chapelet et la consécration ne peuvent que l'améliorer.
Comment les gens devraient-ils aborder les apparitions mariales, approuvés et non approuvés? Existe-t-il une apparition que vous pensez particulièrement importante?
Selon Michael O'Neill, alias  « The Miracle Hunter », il y a environ 2 500 apparitions connues de Marie. Certains d'entre eux ont reçu l'approbation d'un évêque local, alors que seulement 15 ont été approuvés par le Saint-Siège. La plupart des apparitions devraient être abordées avec prudence car il existe des cas clairs où les apparitions comportaient un certain degré de mensonge.
Certes, il y a des apparitions valides, mais ce ne sont pas des dogmes, de sorte que les fidèles ne sont pas tenus d’y croire. Les apparitions, cependant, sont un autre exemple de Marie essayant de nous rejoindre et de nous enseigner, en particulier en période de grande lutte et de péché.
Bien sûr, Fatima est à l'esprit de tous, car nous sommes dans l'anniversaire de 100 ans de l'apparition de Notre-Dame aux trois bergers. Cela semble être une apparition qui n'a pas encore expirée.
Marie a prévenu que les mensonges de la Russie se répandraient dans le monde entier et qu'il n'y aurait pas de paix si nous ne faisions pas ce qu'elle demandait, à savoir prier, sacrifier, etc. ... 100 ans plus tard, 1 milliard de personnes vivent sous le communisme.
En conséquence, Fatima continue d'être pertinente, importante et incomplète. Nous savons cependant qu'elle a promis qu'à la fin, elle triompherait. Il y a donc beaucoup d'espoir, mais toujours beaucoup d'incertitude quant à ce que cela signifie pour l'avenir immédiat.
Vous mettez en évidence Marie, en tant que femme et mère, dans les débats d'aujourd'hui sur ce qui constitue le féminisme, les questions de genre et les familles non traditionnelles, que pouvons-nous apprendre de Marie?
Nous vivons dans un temps de grande confusion et il existe des preuves solides que cette confusion ne mène pas au bonheur. Parmi les femmes en particulier, les signes de malheur sont écrasants: la dépression, la toxicomanie, les niveaux d'obésité, les taux de divorce - tout cela montre que les femmes ne sont pas satisfaites et que ce que la société a promis ne fonctionne pas comme proposé.
Beaucoup de gens ont l'impression que Marie offre aux femmes une « vie de paillasson ». Je soupçonne qu'une partie de ce sentiment vient des œuvres d'art où Marie est représentée comme très statique - mais un regard plus attentif sur sa vie et son influence au cours des deux derniers millénaires révèle un type de femme très différent. Il y a une raison pour laquelle, en décembre 2015, la revue National Geographic l'a appelée la femme la plus puissante du monde.
Même l'idée que les femmes peuvent revendiquer n'importe quelle égalité avec les hommes - élever notre statut d'esclaves ou d'objets sensuels - a beaucoup à voir avec elle. Nous prenons cette idée très chrétienne pour acquise aujourd'hui, mais elle est très inhabituelle dans les autres religions.
Marie est une vraie mère qui connaît les épreuves, les forces et les faiblesses de ses enfants. Mais elle connaît aussi la volonté de Dieu et comment il a mis en place le monde pour le vrai bonheur, l'ordre, la beauté, la paix, etc.
Elle veut nous conduire à ces choses, mais encore une fois, cela dépend de notre coopération avec elle. Même quelque chose d'aussi simple que de l'approcher en disant "Je ne sais pas vraiment comment cela fonctionne, mais j'ai besoin de toi comme mère dans ma vie", peut avoir des effets dramatiques et changeants.
Ce n’est pas par hasard que le pape François a promu la dévotion à « Notre-Dame qui défait les noeuds ». La plupart d'entre nous ont des luttes très compliquées dans nos vies et surtout dans nos familles, mais Marie peut en arriver au cœur même.
Vous parlez de certaines fois, Marie a changé le monde sur le plan civilisationnel: Lepanto et Guadalupe, par exemple. Mais souvent, les structures étaient beaucoup plus catholiques que partout aujourd'hui: les monarques catholiques, l'idée de la chrétienté était encore répandue, etc. N'est-il pas naïf de croire qu'une «option mariale» puisse changer ce monde sécularisé comme jamais?
Il n'y a rien de naïf  à croire que Marie peut transformer notre monde séculier. Oui, cela peut sembler difficile à croire, mais je pense que la preuve du pouvoir et de la portée de son intercession est écrasante lorsqu'on regarde tous ensemble.
Notre-Dame a dit à Sainte-Lucie, l'un des trois bergers de Fatima, que, pendant notre temps, il n'y a rien - aucun problème matériel ou spirituel - qui ne peut être résolu par le chapelet. Padre Pio a également précisé que le chapelet devrait être notre arme de choix pour les moments où nous vivons.
Donc, même s'il apparaît que le pouvoir du mal est gagnant, nous savons que Marie est encore plus puissante. Comme la petite pierre que David a lancée à Goliath, les petites pierres du chapelet peuvent faire beaucoup plus que ce que nous ne pouvons imaginer.