Une campagne de « La Manif Pour Tous », vient de lancer une campagne contre la PMA sans père. José Bové pour condamner les OGM s'appuyait sur le discrédit de la PMA il y a encore peu de temps. Maintenant on fait l'inverse: on s'appuie sur le supposé discrédit des OGM pour s'opposer à la PMA! Comme quoi, l'écologisme, s'il a perdu les batailles électorales, a gagné la guerre culturelle. Le discrédit des OGM serait-il à ce point un acquit de la science ? 
La récente campagne a retenu comme slogan : "Après les légumes OGM, les enfants à un seul parent".  Pourtant, mettre sur le même plan les techniques de procréation en laboratoire avec celles des OGM entretient une confusion regrettable. Sélectionner un légume, même avec les OGM, n'est pas du même ordre moral que de sélectionner des ovules fécondés avant de les implanter in utéro et avant de pratiquer, ensuite, une "réduction embryonnaire".
Dans le dernier n° de la revue théologique des Bernardins n°20, Marie-Laeticia Calmeyn commente la Genèse :  "Éloignés de Dieu à cause du péché, l’homme et la femme ne perçoivent plus le sens de l’altérité qui marque leur relation, et ce qui les distingue des autres créatures. Ils veulent se confondre parmi les autres créatures, parmi les arbres". Elle ajoute à juste titre que "ce texte est d’une grande actualité".
Oui, la confusion entre les espèces, entre l'homme et les autres créatures a un nom: l'antispécisme ! C'est une idéologie tout à fait d'actualité, et hélas, comparer OGM et PMA, alimente cette idéologie. Cette campagne peut avoir un impact rhétorique, mais il aurait pu y avoir d'autres images à mettre en avant dans l’imaginaire populaire.
Ayant occupé des engagements non négligeables dans LMPT, je ne veux pas critiquer gratuitement sans faire une proposition constructive: par exemple reprendre des images d’enfants nés dans un chou ou dans une éprouvette. Cela aurait eu le mérite de comparer le légume à une éprouvette et non à un enfant et de ne pas discréditer tout à la fois les OGM et la PMA !
Une telle campagne aurait le mérite de montrer que la PMA fait passer toute notre culture du rêve au cauchemar. Comment cela? 

Commentaire: "les2ailes.com"

1- Le chou, un rêve structurant

Les psychologues montrent que l'enfant met du temps à découvrir son origine. Il en reste à un vague sentiment qu'il est simplement le fruit de l'amour de ses parents. Concrètement, il lui faut objectiviser ce sentiment. Toute une tradition populaire s'est construite autour de cette histoire de chou pour faire rêver l'enfant.
Une intervention très intéressante du psychanalyste Willy Bakeroot[1] explique que "la symbolique du chou n'est d'ailleurs pas si arbitraire: "Les latins appelaient le chou "caulis". C'était surtout en référence à la tige du trognon. Or, "caulis" désigne aussi le pénis. La particularité du chou est d'avoir une gestation de neuf mois. ... C'étaient les femmes qui avaient le privilège de planter les choux dans les jardins. Elles plantaient les choux de janvier à mars. Jocelyne Bonnet qui a beaucoup enquêté sur les rituels de la naissance raconte que, particulièrement en Alsace, les mariages se faisaient en janvier-février, ce qui faisait naître les enfants vers octobre-novembre, c'est-à-dire au moment de la récolte des choux. Les listes d'état civil rendent compte d'un nombre important de naissances à cette période de l'année".
Willy Bakeroot ajoute que «"Naître dans un chou", c'est... recevoir des racines rassurantes et structurantes... La subtile relation que la mère et l'enfant établissent entre eux est tissée dans un équilibre  entre les limites du symbolique et la fantaisie amenée par l'imaginaire. Il s'agit d'un grand jeu qui est éminemment poétique et qui utilise abondamment le registre métaphorique et la pensée analogique. Il est fait de références possibles à partir desquelles l'enfant va se construire et trouver sa liberté à imaginer et à créer. On peut y placer avantageusement la naissance dans les choux. Ces références toujours mythiques constitueront une mémoire mythologique riche et dynamique favorisant la pensée et l'imagination ».

On a donc peut être tort de dire  "Oh ! c'est fini ça ! maintenant on ne parle plus de ça aux enfants". Cette réaction est assez curieuse car ce sont parfois les mêmes qui, un instant après, valoriseront l'importance du jeu chez l'enfant ! Ce sont eux aussi qui raconteront à leurs enfants que c'est papa qui plante la petite graine !
Dans le cadre de notre réflexion, il faut noter que dans cette histoire de chou, l'enfant n'exclut absolument pas la présence de son père très présent dans l'éducation qu'il reçoit.

2- Le cauchemar pour les adolescents nés de PMA sans père

Ces PMA sans père sont ainsi des bombes à retardement car les enfants demanderont un jour des comptes. Ils commencent à en demander car des personnes commencent à arriver à l'âge adolescent après être nés de PMA sans pères. Dans le cas d'une PMA classique, l'un d'eux, témoigne "Nous sommes une génération d'abandonnés... Nous avons à présent un recul de plus de 40 ans sur ces techniques. L'ouverture de l'assistance médicale à la procréation implique au préalable le devoir impérieux de prendre en compte notre expérience". Il se sent "motivé par une sensation d'injustice... J'ai aussi eu l'impression que l'on m'avait fait signer un contrat sans que je le sache". Certes, il s'agit d'un malaise relatif à l'anonymat du donneur de sperme, mais un autre, qui s'appelle Tobby, habitant Los Angelès, explique : "J’ai été élevé par une lesbienne avec l’aide de son amante et alors, je me suis déclaré bisexuel à l’âge de 19 ans, alors, j’ai passé 41 ans dans un milieu homosexuel,... Je peux dire que ce n’est pas facile de manquer d’un père. ...Je cherchais un père ; je cherchais pas un sexe, mais les deux étaient confus pour moi, alors, à cause de cela je n’étais pas heureux dans ce milieu et ma vie a changé quand j’ai connu ma femme.... Pourquoi ai-je été vierge jusqu’à l’âge de 28 ans ? C’est parce que je n’avais pas assez de confiance pour suivre une femme, parce que je n’avais pas de père, je n’avais pas d’exemple masculin chez moi pour m’enseigner à suivre une femme, pour inviter une femme à un rendez-vous, comment on séduit une femme".
Et rien ne dit que les témoignages ne vont pas se multiplier. 
D'ailleurs, Jean-Louis Thiériot, avocat et historien, conseiller départemental de Seine et Marne, cite [2] « un article fort bien documenté du Monde du 25 septembre 2012, Enfants d'homos: des études scientifiques positives mais aux multiples biais. La journaliste Gaelle Dupont pointe les biais idéologiques - pour ou contre - et surtout cognitifs - non prise en compte des origines sociales - qui entachent la validité des études bruyamment brandies par l'un ou l'autre camp. L'honnêteté impose de constater qu'on ne sait pas et la sagesse de suspendre son jugement jusqu'à ce que les premiers enfants adoptés sous l'empire de la Loi Taubira aient atteint leur âge d'homme. Ce recul est indispensable à l'acquisition d'un jugement éclairé et dépassionné. D'ici là le bon sens commande de s'abstenir. Ce n'est pas autre chose que l'application mesurée du "principe de précaution"».

Il y a des traumatismes de la filiation qui deviendront de véritables blessures transgénérationnelles ! Or tout est réuni dans la "PMA sans père" pour interpeller le futur adolescent sur ses origines. La décision de sa mère de "fabriquer" un orphelin de père, la sélection pratiquée sur l'ovocyte fécondé pour rendre l'enfant conforme aux désirs de sa mère. Il prendra vite conscience qu'il est différent de ces rêves.  Enfin la "réduction embryonnaire" classiquement pratiquée après l'implantation in utero créera le classique "syndrome du survivant" consistant à ce demander pourquoi, dans cette fratrie potentielle, l'un a été privilégié et non l'autre. 


[1] XXXVIe Journées annuelles de Thérapie psychomotrice à Tours du 24 au 26 janvier 2008 Centre Vinci

[2] Dans le Figaro.fr du 19.9.2017