La revue "Australian-Zoologist" a publié[1] en 2017 un document universitaire de Charles Krebs[2] expliquant "les 10 limites possibles de la théorie écologique actuelle". L’auteur met en garde sur le fait que la plupart des théories écologiques sont mal formulées et mal testées. Il faut être très méfiant vis-à-vis de toute phrase qui commence par « la théorie écologique prédit que ...».
En effet, explique-t-il, « la plupart des modèles écologiques sont esthétiques, irréalistes et impossibles à tester. C’est relativement inoffensif tant que vous ne croyez pas dans leurs conclusions ».
Il ne faut pas « rêver d’un retour au paradis perdu », disait Jean-Paul II. Charles Crebs, dit, à sa manière qu’en sciences, « l'écologie des systèmes vierges est presque complètement hors de propos pour résoudre les problèmes environnementaux d'aujourd'hui ».
L’auteur est zoologiste et se fonde surtout sur son expérience en pensant aux études sur la diversité biologique et leurs écosystèmes. Il parle malgré tout de l’écologie en général et ses réflexions mériteraient d’être étendues à tous ces scientifiques qui se fondent sur des méta modèles pour généraliser des conclusions globales.
L’auteur conclut qu’une bonne expérience vaut 10 méta-analyses. « La sagesse ne ressort pas de 100 études à court terme mal conçues ... Les méta-analyses mélangent les pommes et les oranges sans le savoir, et la sagesse écologique est plus susceptible d'être utile au niveau local plutôt qu'un pot-pourri de niveaux globaux ». Il reprend ainsi l’idée que une pollution globale n’est pas le résultat de l’addition de multiples pollutions locales ! Charles Krebs insiste en disant que « la généralisation est le but de toutes les sciences. En écologie, nous pourrions atteindre la généralité au niveau local ».
Traduction "les2ailes.com"
Nous reprenons ici l’intégralité de ce document[3]
1- Résumé
Je fais dix observations sur les limites de la science écologique telle que je l'ai pratiquée depuis 56 ans. L'accent est mis sur la maturité scientifique de nos approches, et sur les contraintes qui découlent de la prétention que nous avons d’être des physiciens, de penser que le progrès viendra de modèles plus mathématiques, et que la généralité découlera d'études à court terme. Toutes mes observations peuvent être incorrectes, mais elles pourraient générer une discussion utile sur les idées dangereuses vers lesquelles l'écologie se dirige
2- Introduction et discussion
Après 56 ans d'observation, de lecture et d'écriture sur l'écologie, je liste ici quelques-unes des préoccupations que j'ai à propos de l'état actuel de l'écologie en 2013. Je ne prétends pas que ces observations sont correctes ou profondes, mais il me semble qu’il vaut la peine d’y penser et de les discuter. Comme pour toutes les observations, elles sont remplis de mots équivoques, puisque le mot «tout» est correct alors que dire «la plupart» ou même «certains» pourrait être plus précis. Et, comme toujours, rappelez-vous que l'âge et le savoir ne sont que faiblement corrélés.
Pourquoi devrions-nous nous inquiéter des idées dangereuses? Je pense que les sujets scientifiques pourraient être classés comme des idées dangereuses, même s’ils sont partiellement corrects car ils peuvent inciter à des erreurs qui entravent les progrès dans la compréhension écologique. Dans une science complexe comme l'écologie, il n'y a jamais de chemin clair vers la compréhension et une discussion continue des modes actuelles en écologie est importante en tant que discussion des idées potentiellement dangereuses. L'histoire de la science est parsemée d'idées dangereuses qui se sont ensuite révélées être comme la quintessence de la vérité.
Je voudrais préciser ce dont je parle ici:
2.1- L’écologie - Distribution et abondance des organismes
Tout d'abord, je considère l'écologie comme étant la compréhension de la distribution et de l'abondance des organismes, et donc les raisons pour lesquelles la distribution et l'abondance pourraient changer. Je ne parle pas d'écologie comportementale, d'écologie physiologique, d'écologie évolutive ou d'écologie descriptive, sauf dans la mesure où ces disciplines tentent de développer des explications sur les changements dans la distribution et l'abondance. Chacune de ces disciplines a ses propres problèmes qui ne sont pas couverts ici.
Deuxièmement, l'écologie au sens large peut être subdivisée en écologie politique et en écologie scientifique.
2.2- L’écologie Politique
L'écologie politique a deux objectifs.
- Premièrement, c'est une forme de plaidoyer pour une bonne gestion de la conservation, des réglementations appropriées pour la gestion de la protection des exploitations et de l'environnement au sens large.
- Une deuxième forme d'écologie politique est la tentative de convaincre les autorités de fournir un financement adéquat pour l'écologie scientifique. L'écologie politique est la plus difficile car trop de gens vont voir l'environnement comme une poubelle et la valeur de la biodiversité seulement en dollars. En écologie politique, comme en médecine moderne, on atteint l'objectif en obtenant plus de financement par des promesses qui vont arriver l'année suivante ou en faisant appel à une catastrophe imminente. L'écologie politique est une activité très importante, mais je ne m’occupe ici que d'écologie scientifique.
2.3- L’écologie scientifique
L'écologie scientifique n'a pas un seul objectif parce que les écologistes ne sont pas sûrs du modèle de science à suivre.
- Le modèle dominant suivi dans de nombreuses sciences est celui de la physique, des modèles mathématiques forts, de tests impitoyables d'hypothèses, d’explications universelles produisant des lois de la nature.
- Un autre modèle adopté est celui des sciences sociales - avec des conclusions faibles, des modèles probabilistes, un faible pouvoir prédictif, souvent associé à l'idée que tout écosystème peut fonctionner selon des règles différentes (sujettes bien sûr aux lois de la physique).
- Un troisième modèle d'écologie peut être appelé le «modèle de révision» et fonctionne avec la maxime «rester à son bureau et rassembler des documents pour une étude d’ensemble». Ceci est un modèle important pour l'écologie, mais ne peut pas être sur-utilisé s’il n’est pas confronté à l'acquisition de données.
- L'évolution a produit encore un quatrième modèle que certains écologistes favorisent - des explications a posteriori, de nombreuses exceptions qui peuvent être ignorées en toute sécurité, aucun pouvoir prédictif, et des descriptions sans fin avec l'espoir que la sagesse émergera des séquences de gènes.
- Enfin, il existe un modèle d'histoire naturelle de l'écologie qui ignore toute théorie et prétend que nous n’avons pas assez de données descriptives pour dire quelque chose sur les écosystèmes terrestres.
Il existe de nombreux modèles sub-spécifiques de ces cinq modèles très simplifiés de la science écologique, mais les différences entre ces cinq paradigmes sont suffisamment grands pour qu’ils ils ne communiquent pas très bien, avec ce que je considère comme un gâchis qui en résulte pour notre science à l'heure actuelle. Je tente de résumer les principales raisons de notre chaos actuel en écologie dans les dix limites suivantes à notre science actuelle. Ces dix limites peuvent être considérées comme des idées dangereuses si elles projettent le progrès écologique dans des impasses.
3- Les dix risques d’impasses de la science écologique
3. 1. La plupart des théories écologiques sont mal formulées et mal testées. Méfiance vis-à-vis de toute phrase qui commence par «La théorie écologique prédit que ...»
Il y a un problème d'accord sur ce que l'on entend par «théorie écologique». Je l'utilise ici pour définir le modèle physique de l'écologie. Il y a une discussion sur la définition des «principes» de l'écologie (Berryman 2003, Braysher et al., 2013, Scheiner et Willig 2008, 2011). Les théories pourraient plus justement être appelées «hypothèses» en écologie.
- S'il y a au moins une hypothèse alternative, l'hypothèse à l'étude est généralement une arnaque.
- Si une hypothèse peut être résolue avec un «oui» ou un «non», elle est généralement triviale.
- Si c'est une hypothèse nulle, nous pouvons être sûrs qu’elle est fausse.
- Si une hypothèse ne fait que des prédictions générales, elle peut être utile et serait plus utile si elle était quantifiée avec précision.
Dans cet avertissement, il y a de larges généralisations écologiques qui méritent d'être discutées et approfondies. On ne sait pas quoi faire face à des affirmations du genre «la diversité mène à la stabilité» dans les écosystèmes. Si c'est une théorie qui convient à la majorité de nos communautés et de nos écosystèmes, qu’allons nous faire d'une étude qui ne soutient pas cette théorie ? Il est probablement préférable de la considérer comme une hypothèse ou un modèle verbal plutôt que de l'appeler une théorie. Il sera difficile de l’utiliser comme base suffisamment sérieuse pour une gestion de la conservation, même si elle est souvent utilisé de cette manière. Je pense que c'est une idée intéressante, mais pas aussi rigoureuse qu’on pourrait le souhaiter. Souvent, l'utilité de telles idées est qu'elles favorisent la discussion. Mais si nous utilisons ces idées pour porter des jugements dans la gestion, nous devrions faire attention à ce qu'elles sont. Le meilleur conseil pour les écologistes en herbe est "cherchez la généralité mais méfiez-vous en".
3. 2. Les populations peuvent généralement être définies et étudiées, les communautés ne peuvent pas l'être et les écosystèmes sont impossibles à définir ou à limiter. Le résultat, après coup, est une description sans fin.
Toute la science part de l'hypothèse que des unités quelconques peuvent être définies, mais en écologie, en particulier aux niveaux supérieurs, le monde est un continuum. En général, la biologie n'a aucun problème à définir les individus comme des unités. Les populations sont quelque peu vagues, mais les écologistes de la population le reconnaissent en incluant l'immigration et l'émigration dans leurs études. Les communautés d'un autre côté sont plus difficiles à délimiter. Nous pouvons utiliser des types de végétation comme unité d'étude, mais ils peuvent ne pas être pertinents pour de nombreux types de végétation. Une approche de la chaîne alimentaire tente de définir de manière opérationnelle une communauté d'espèces en interaction, mais beaucoup d'espèces dans la chaîne alimentaire n'interagissent pas, donc typiquement nous utilisons un réseau alimentaire partiel qui inclut seulement les espèces d'intérêt, typiquement les plus grands vertébrés. ou des espèces charismatiques comme les papillons, ou les espèces précieuses telles que les poissons marins récoltés. L'un des agendas les plus significatifs de l'écologie moderne est de montrer que les espèces ont des connexions indirectes qui affectent les nombres ou la répartition géographique à travers des mécanismes tels que la compétition apparente et les chaînes alimentaires. L'écologie des communautés échoue généralement parce qu'elle n'a pas d'arithmétique quantitative. Les absurdes diagrammes statistiques multidimensionnels auxquels nous sommes continuellement exposés sont un signe typique de désespoir et de refuge dans la confusion comme explication. La reconnaissance des modèles est un point de départ utile pour l’étude des communautés, mais ce sont des processus cruciaux pour la compréhension . La reconnaissance des modèles est un point de départ utile pour les études communautaires.
Les écosystèmes sont encore une étape supplémentaire dans la discussion à partir d’unités vagues, car on peut parler de l'écosystème d'un parc urbain, du parc national du Serengeti, d'une île comme l'Irlande, ou de toute l'Australie. Les écosystèmes sont donc des unités commodes, mais dont la réplication est tout à fait impossible parce que, pour les grands écosystèmes, leur histoire évolutive diffère. La conséquence est que l'écologie des écosystèmes s'effondre dans l'histoire naturelle descriptive ou l'écologie politique à propos des «services éco-systémiques». Ces rôles ne sont pas sans importance mais indiquent que l'écologie des écosystèmes n'a pas encore mûri en tant que domaine scientifique robuste. À l'exception du cycle des éléments nutritifs et des lois de la physique, il n'y a pas d'arithmétique des écosystèmes pour guider nos études dans ces systèmes complexes.
3.3. La plupart des modèles écologiques sont esthétiques, irréalistes et impossibles à tester. C’est relativement inoffensif tant que vous ne croyez pas leurs conclusions.
La modélisation mathématique est l' « épitomé » de l'écologie théorique et peut être à la fois un sauveur ou une malédiction pour le développement de la science de l'écologie. Il est basé sur l'envie physique, et sur le postulat qu'en simplifiant un système, on peut en déterminer le cœur structurel. Au mieux, il atteint une partie de cet objectif dans l'écologie des populations, en grande partie parce qu'il y a une arithmétique de la population qui est bien développée. Mais une fois qu'il se déplace pour modéliser la chaîne alimentaire, il devient plus un obstacle qu'une aide. La beauté de la physique a toujours été d'alterner entre modèles et mesures, mais la plupart des modèles écologiques ont des variables empiriquement impossibles à mesurer, de sorte qu'ils sont légitimement ignorés par les écologistes qui s'intéressent au fonctionnement du monde réel.
L'écologie a évolué au cours des 60 dernières années vers des modèles de plus en plus complexes et de plus en plus inutiles. La difficulté a été qu'un modèle complexe peut être calibré sur un laps de temps de quelques jours à quelques semaines alors que les études de terrain pertinentes pour tester ce modèle ne peuvent être effectuées que dans un laps de temps de plusieurs années. Les hypothèses de tout modèle particulier et de ses prédictions sont souvent mal articulées.
Néanmoins, peut-être à cause du mythe des mathématiques, ou de la physique, les écologistes ont élevé les modélisateurs à être les grands prêtres de notre science. Être intelligent en mathématiques est une compétence admirable, mais ses bénéfices pour la progression de notre compréhension écologique peuvent certainement être remis en question.
3.4. Les généralisations écologiques passées deviennent peu fiables en raison des changements humains dans la biosphère. L'écologie d’une terre dominée par l'homme devient méconnaissable pour les écologistes plus âgés.
Il y a une énorme différence dans les conférences écologiques tenues en Europe, en Nouvelle-Zélande et en Australie et en Amérique du Nord. La main du genre humain n'a pas les faveurs des écologistes, et notre travail dans de nombreux pays est d'essayer de régler les problèmes environnementaux laissés par la foresterie, l'agriculture industrielle, l'exploitation minière et l'intensification urbaine. Certains écologistes étudient des systèmes relativement vierges, l'écologie des systèmes vierges est presque complètement hors de propos pour résoudre les problèmes environnementaux d'aujourd'hui. La perte des cascades de chaîne alimentaire, en raison de l'extermination des grands prédateurs, en est un exemple clair (Estes et al, 2011). Le problème incroyablement inextricable de la mauvaise gestion des terres est peut-être le problème environnemental le plus sérieux de notre temps. Notre réponse aux espèces envahissantes est trop souvent "Poison est la réponse, maintenant quelle est la question?". Les poisons peuvent être utiles dans la gestion, mais ils sont mieux une solution à court terme.
Les ajouts et les disparitions dans la chaine alimentaire ont révélé une cascade de problèmes que nous ne pouvons anticiper parce que nous avons une mauvaise compréhension de la plupart des réseaux trophiques. En libérant un éventail d'herbivores et d'omnivores des prédateurs supérieurs, ou en ajoutant un prédateur supérieur dans un réseau trophique, nous avons rendu non pertinente la compréhension normale «vierge» des interactions entre espèces. Nous avons donc des problèmes avec les cerfs surabondants dans l'est de l'Amérique du Nord et avec les extinctions d'espèces en Australie. Ce sont des problèmes que les écologistes sont censés résoudre sans rétablir l'ancienne structure trophique. Le retour d’une vie sauvage ne fonctionnera pas tant que les gens ne tolèreront pas les loups à New York.
Notre situation à cet égard est semblable à celle de la profession médicale qui s'occupe maintenant de l'obésité, du tabagisme, de l'usage de drogues, de nouveaux agents pathogènes et des poisons chimiques de la pollution de l'air et de l'agriculture industrielle. La différence dans le monde développé est que l'argent coule en grande quantité vers la science médicale mais beaucoup moins à la science écologique pris dans les mêmes dilemmes.
3.5. L'écologie de conservation est d'une grande importance pratique, mais c’est une science sans hypothèse avec de nombreuses descriptions a posteriori, avec peu de données concrètes, beaucoup de spéculations et d'objectifs irréalistes.
La lecture de la littérature traitant de la conservation est un exercice qui rend dépressif : 2 réussites suivies de 14 catastrophes. La science de la conservation est appliquée avec de nombreuses contraintes qui empêchent une étude scientifique appropriée. On n’a pas le temps de tester des hypothèses ou des subtilités d’une inférence scientifique. Le problème est de savoir comment gérer les espèces rares et en déclin. La réponse est de réserver des réserves naturelles de grande taille, reliées si possible et de mettre les gros animaux dans les zoos. Donc, pour l'essentiel, l'écologie environnementale est une écologie politique et repose sur un vœu pieux.
Le problème écologique est que la plupart des espèces sont rares, et autant que nous puissions le dire, cela a toujours été le cas dans les espèces fossiles. Et les espèces rares sont presque impossibles à étudier pour la simple raison qu'elles ne peuvent pas être comptées facilement. Elles figurent sur la Liste rouge de l'UICN ou sont classées espèces en péril dans certains pays. La catégorie des espèces qui étaient autrefois communes et sont maintenant en déclin est différente si l'on connaît les raisons de leur déclin. Dans de nombreux cas, il s'agit d'une surexploitation de sous-produits ou de viande, ou d’une perte d’habitat due à l'expansion humaine. Dans ces cas, certains contrôles peuvent être appliqués, mais la pauvreté, et la nécessité d'une expansion agricole pour nourrir la population humaine croissante, affaiblissent souvent toute action dans les pays en développement. Les objectifs de la conservation se déplacent continuellement. Dans certains cas, ils évoluent dans le sens du succès, dans d'autres cas non. Mais le pronostic à long terme est sombre, et l'écologie de la conservation ressemble trop à la salle d'urgence d'un hôpital dans une grande ville. Ce n'est pas une raison pour ne pas travailler pour l'observation de ce que nous reconnaissons tous comme très important, mais une approche scientifique générale des problèmes de conservation ne peut être espérée. Le diable reste dans les détails.
3.6. La génétique de la conservation et la génétique écologique fournissent une biogéographie utile mais peu de renseignements sur les besoins de conservation futurs ou les tendances évolutives.
Compte tenu de la frustration de l'écologie de la conservation et du succès de la génétique moderne, de nombreux biologistes de la conservation se sont tournés vers la conservation de la génétique comme moyen d'éviter la crise. Étant donné que nous pouvons exécuter des séquences en quelques heures et générer de nombreux octets de données, nous devons répondre à certaines questions qui aideront la biologie de la conservation. Les résultats peuvent être générateur de contradictions. Pour la biogéographie, nous pouvons obtenir des inférences plus intéressantes et plus précises des origines de faunes. Pour les enquêtes sur les structures de population et leur micro-évolution, nous obtenons beaucoup plus de précision. Mais le passé n'est pas un bon guide pour l'avenir. Pour la conservation, le seul élément positif est la capacité d'élever chaque sous-espèce au niveau de l'espèce, tout en augmentant la biodiversité sans rien changer dans le monde réel.
Admettons que la génétique moderne puisse cartographier les tendances évolutives. Le problème est que les tendances évolutives que nous pouvons cartographier peuvent être temporaires ou stochastiques et ne permettent probablement pas de prévoir les tendances à long terme. D'autres avancées génétiques telles que le codage à barres pour la reconnaissance des espèces peuvent être utiles si des méthodes onéreuses permettent de collecter des données sur la biodiversité sans hypothéquer. Une liste d'hypothèses génétiques de conservation scientifiquement vérifiables serait très courte, et nous persistons dans de larges généralisations sur la variabilité génétique qui sont rarement utiles aux gestionnaires de la conservation.
3.7. La plupart des études écologiques portent sur des durées trop courtes pour fournir un aperçu des tendances et ne fournissent pas le contexte des changements attendus. L'étude de doctorat de trois ans ne devrait pas être la norme ultime pour l'analyse écologique.
La question clé que beaucoup d'écologistes se posent maintenant est l'unité d'étude temporelle. Pour les articles les plus publiés, le délai est de 2-3 ans. Ceci est dicté par les programmes de doctorat des universités et le financement gouvernemental à court terme et à courte vue. Nous pouvons dire que nous n'avons pas le choix dans ce domaine, mais nous le faisons. Nous pouvons soutenir des études à long terme comme un test critique de l'hypothèse commune d'un monde statique, ou si vous préférez, de l'hypothèse que le changement climatique n'affecte pas le système étudié.
Les études à long terme ne sont qu'une partie d'une solution à cette déficience, car sans de bons tests d'hypothèse, les études à long terme sont compromises. Il y a une discussion considérable sur la façon de les conduire (Nichols et Williams 2006, Lindenmayer et Likens 2009). Il est clair que l'arrangement optimal est que les monitorings soient conçus comme un test d'hypothèse, mais que le monitoring, dans un monde sans hypothèse, puisse être utile à l'avenir pour des choses que nous ne pouvons pas anticiper. Le problème est toujours le financement. Les gouvernements en général ne se sont pas montrés favorables aux monitorings à moins de pouvoir en tirer une utilité pratique (serait-il utile de réduire les attaques d'ours contre les gens ? Cela guiderait-il les tanks pétroliers traversant la glace arctique?).
La question inverse de savoir sur quelles durée les études à long terme devraient porter avant d'être terminées n'a pas encore été mise en évidence. En écologie, la plupart des études à long terme se terminent par le retrait de l’avocat de l'écologie, mais ce n'est clairement pas une solution optimale. La question clé est toujours la plus simple : cette étude fournit-elle des idées clés à mesure que de nouveaux problèmes surgissent et de nouvelles techniques peuvent être utilisées? Ou est-ce simplement en répétant le même message de données? Bien sûr, la société a décidé que certains programmes de surveillance tels que la météo et le marché boursier devaient continuer indéfiniment, quelle que soit l'utilité des données. Je doute que le suivi écologique fasse l'objet d'une telle évaluation.
3.8. Le changement climatique peut tout expliquer si vous êtes intéressé par les corrélations et les spéculations après coup. La plupart des systèmes écologiques ont si peu de données de base que les tendances ne peuvent être séparées des fluctuations normales.
Nous sommes en pleine discussion sur les changements climatiques et comme les écologistes veulent être pertinents, ils tendent maintenant à orienter leurs recherches vers les conséquences du changement climatique pour la population X ou la communauté Y. Le changement climatique doit être un mot clé dans toutes les demandes de subventions ou de propositions d'études supérieures. Le paradigme est donc simple: mesurer quelque chose d'écologique qui change (ou obtenir des données anciennes), faire une analyse statistique sophistiquée avec toutes les variables météo sur lesquelles vous pouvez obtenir des données, calculer les valeurs corrigées du critère d’information d’Akaike (AICc), publier rapidement et ne plus jamais donner de nouvelles données pour tester le modèle résultant. Je soupçonne que presque toutes les analyses qui en résultent sont basées sur de fausses corrélations pour les raisons que les statisticiens signalent depuis au moins 60 ans. Il faut donc répéter indéfiniment le mantra selon lequel «les corrélations ne sont pas des causes». La tentation de le faire est écrasante parce que, en général, il est impossible de manipuler le climat pour tester une hypothèse de manière acceptable, et la seule solution est d'attendre et de voir (pas une bonne carrière pour les jeunes scientifiques) ou de prétendre que les statistiques fournies sont vraies.
Ces types d'analyses de données climatiques soulèvent également le dilemme du verre à moitié plein qui est illustré dans presque tous les articles empiriques de nos revues. Supposons que vous testiez un mécanisme et que vous produisiez un graphique qui présente une corrélation entre certaines variables météorologiques et votre mesure écologique de dire r = 0,7 ou R2 = 0,49. Le statisticien vous dit que c'est très important sur le plan statistique. La question est alors: devriez-vous être en extase de parvenir à expliquer statistiquement 49% de la variation, ou devriez-vous être totalement déprimé d’avoir 51% de la variation inexpliquée? Si vous êtes jeune, vous acceptez l'option 1; Si vous êtes vieux et blasé, vous regardez plus favorablement à l'option 2. Et dans les deux cas, vous dites que plus d'études sont nécessaires, ce qui est certainement correct.
3.9. Une bonne expérience vaut 10 méta-analyses. La sagesse ne ressort pas de 100 études à court terme mal conçues.
En écologie, nous sommes à l'ère des méta-analyses, et le conseil général que l'on peut donner aux jeunes écologistes est d'avoir une équipe qui génère des méta-analyses si vous souhaitez obtenir un emploi. La question clé est de savoir si la science avance avec des méta-analyses. J'en doute, je suis sûr que je représente une minorité sur cette question. Pratiquement chaque méta-analyse que j'ai examinée dans les revues Science ou Nature me semble tirer des conclusions connues il y a 50 ans ou conceptuellement triviales. Mon opinion, très subjective, est qu’une bonne expérience fait beaucoup plus avancer un sujet que les méta-analyses.
Une partie de mon inquiétude est que les méta-analyses mélangent les pommes et les oranges sans le savoir, et que la sagesse écologique est plus susceptible d'être utile au niveau local plutôt qu'un pot-pourri de niveaux globaux. Le problème fondamental est que nous ne connaissons pas l'échelle de généralité de nos résultats.
Je n'ai jamais vu de document pertinent sur "la vérité cachée des méta-analyses". Qui pourrait être le dénonciateur?
3.10. La généralité est le but de toutes les sciences. En écologie, nous pourrions atteindre la généralité au niveau local, peut-être seulement au niveau de la population, et seulement lorsque le nombre d'écologistes dans le monde dépassera le nombre d'avocats et que le budget de la recherche écologique dépassera celui de l'armée.
L'écologie a progressé à travers l'ère de la généralisation globale des années 1950, 1960 et peut-être 1970, quand les modèles étaient clairs, les données étaient rares et les champions écologiques régnaient ("il n'est pas habituel de remettre en question les déclarations du professeur ...") . L'ère de la généralisation locale n'a aucun problème à définir les individus comme des unités a peut-être occupé une partie des années 1970, des années 1980 et une partie des années 1990 quand la généralisation était considérée comme plus locale au sens géographique. ("Cette hypothèse ne s'applique que dans les zones de couverture de neige en hiver") ou au sens taxonomique ("Cette hypothèse de défense des plantes ne s'applique qu'aux plantes ligneuses à vie longue"). En 2000, nous étions bien dans l'ère du chaos écologique, où l'examen détaillé des chaines alimentaires partielles semblait invalider toute généralisation ou «loi» écologique, de sorte que la généralisation semblait s’éloigner sans cesse. Ce qui se passera ensuite n'est jamais clair, mais je pense que nous sommes dans une sorte de cycle à long terme qui veut se remettre du chaos.
Je soupçonne que de nombreux conflits écologiques ont surgi à cause de l'échec de l'application de la méthode expérimentale et que les écoles concurrentes s'entendent sur ce qu'est une expérience déterminante et comment elle devrait être menée. Des problèmes de ce genre ne sont pas résolus par des méta-analyses, mais ils pourraient être aidés par des discussions sérieuses sur ce que démontrent des expériences particulières et sur les hypothèses qui définissent les sous-disciplines de l'écologie. Je pense que nous continuons, faisons de notre mieux et réalisons que personne ne connaît la vérité et que des idées dangereuses sont souhaitables. C'est l'essence du progrès scientifique.
[1] Ce document, publié dans le volume 38 (3) de 2017 de la revue Australian-Zoologist, fait partie d’une édition consacrée à la thématique des « idées dangereuses en zoologie »
[2] Charles Krebs appartient à l’« Institute for Applied Ecology » de l’Université de Canberra, en Australie
[3] References
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