Le 26 octobre 2014 les manifestations contre le barrage de Sivens ont conduit à la mort d’un manifestant. Les écologistes s'opposaient à la construction d'une retenue d'eau sur le cours du Tescou, un affluent du Tarn. En amont de Paris, un projet de construction d'une dizaine de "cassiers réservoirs" a fait l'objet d'une enquête publique. Aussitôt, les objections n'ont pas manqué et le projet est ramené à un seul "casier pilote"!
La crue du début juin 2016 sonne un autre type d'alerte. Les objectifs de gestion des lacs, au lieu de privilégier la gestion des crues, la plus dangereuse, ajoutent celle du soutien d'étiage, mais également les fantasmes habituels pour "anticiper les changements climatiques et protéger l'environnement"!
La lecture du communiqué de l'Établissement Public Territorial de Bassin "EPTB- Seine Grands Lacs" évoque également, pour le lac-réservoir Seine du Der, l'existence de "gros travaux entrepris depuis 5 ans pour réhabiliter progressivement le canal de prise d’eau en Seine... " qui "avaient nécessité une vidange progressive du canal afin de permettre au chantier de se dérouler pendant la période estivale". Tout cela a-t-il été géré au plus juste ? On finit par douter de tout ! On ne peut pas parler de transparence de la part du politique. Une seule réponse: la pluie a bon dos dans cette affaire.
Une chose est sûre: l'EPTB- "Seine Grands Lacs" est administré par 24 élus, parmi lesquels on trouve 8 élus soit avec étiquette écologiste, soit avec leur soutien, ou élus comme adjoints municipaux en charge des questions environnementales, ou même cumulant la fonction d'élu et de rapporteur au Ministère de l'écologie !
Bien sur, les élus verts assureront qu'ils ont le souci de protéger Paris des crues. Mais a force de surfer sur des priorités contradictoires, entre l'homme et la biodiversité, ils finissent par entraîner toutes les opinions publiques sur des chemins de crête ingérables. Quand le principe de précaution s'appliquera t il a l'homme? Faudra-t-il attendre des morts à Paris et des dizaines de milliards de dégats?
Il est temps de pousser un coup de gueule et de dire "ça suffit"!
Qu'en est-il exactement?
Commentaire "les2ailes.com"
Les aménagements hydrauliques en amont de Paris
Depuis la crue de 1910, on a développé des constructions dans le bassin versant de la seine, pour retenir, en cas de crue près d'un milliard de m3, mais ne contrôlent que les apports de 17% du bassin versant de la Seine à Paris.
Il existe un Établissement Public Territorial de Bassin "EPTB- Seine Grands Lacs" qui gère de grands réservoirs :
* Le plus gros est le lac du Der-Chantecoq sur la Marne. Il est près de St-Dizier et a une capacité de 350 millions de m3. Il a été construit entre 1960 et 1970
* Une série de trois lacs situés entre l’Aube et la Seine :
- les deux lacs d’Amance et du Temple, reliés par un canal, près de Bar sur Aube, retiennent 150 millions de m3. Ils ont été construits entre 1983 et 1990
- et le lac d’Orient sur la Seine, près de Troyes avec une capacité de 205 millions de m³, construit entre 1959 et 1966.
* le plus ancien est le lac de Pannecière sur l’Yonne, près de Château-Chinon avec une capacité de 82,5 millions de m3, construit en de 1937 à 1939.
Qui administre l'Établissement Public Territorial de Bassin "EPTB- Seine Grands Lacs"?
L'EPTB est un établissement public administratif, regroupant les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
Cette structure est administrée par un conseil de vingt-quatre membres, issus des conseils généraux à raison de douze administrateurs pour Paris et quatre administrateurs pour les autres départements [1]. Cette répartition s'effectue au prorata des contributions respectives au budget de l'Institution. Frédéric MOLOSSI, conseiller général socialiste, en est le président. Élu municipal de Montreuil depuis 1989, il était Vice-président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, en charge des politiques de l’enfance et de la famille. Il affiche une opinion écologique: "Si je suis certain de nos capacités à gérer nos missions historiques, de prévenir les inondations et soutenir les débits des fleuves qui irriguent le bassin versant, je suis convaincu qu’il nous faut anticiper les impacts du changement climatique".
Il est bien obligé de faire acte d'allégeance à son conseil dans lequel on trouve, sur 24 administrateurs, 8 élus soit avec étiquette écologiste, soit avec leur soutien, ou élus comme adjoints municipaux en charge des questions environnementales, ou même cumulant la fonction d'élu et de rapporteur au Ministère de l'écologie! En tout état de cause la majorité des administrateurs appartiennent à l'alliance PS-PC-EELV et sont bien obligés de se soumettre aux courants écologistes.
Cette gouvernance à tendance écologiste est-elle si neutre dans la gestion de l'EPTB dans la mesure où ce sont eux qui recrutent Régis THEPOT, leur directeur général [2]?
Quel rôle joue l'administration dans cette affaire? En réalité, la gestion est soumise au "règlement d'eau" [3], arrêté par le Préfet. Entre les acteurs, la confusion règne: "l'information relative à l'eau est très parcellisée. L'annonce des crues et la gestion des stations relèvent de la responsabilité de la DIREN Ile-de-France", dit Jean-Louis Rizzoli, ingénieur en chef au sein de l'Institution interdépartementale des barrages réservoirs de la Seine.
D'ailleurs, dans la loi et dans ses missions, l’EPTB a pour rôle de faciliter à l’échelle d’un bassin ou d’un sous-bassin hydrographique la gestion des inondations et la gestion équilibrée de la ressource en eau. L’EPTB est à la croisée d’une approche descendante et d’une approche remontante : au service de l’Etat, au service de l’Agence de l’eau, au service de la mise en œuvre des politiques européennes, et, au service d’acteurs locaux.
Des objectifs contradictoires !
Pascal Popelin, l'ancien président de l'EPTB reconnaissait devant le Sénat le 18 juillet 2001 que "les objectifs de soutien des étiages et d'écrêtement des crues sont rapidement apparus comme potentiellement contradictoires".
Pour gérer des crues dans Paris, il faut à la fois jouer sur l'amont avec les grands lacs, mais, il faut aussi que la Seine puisse s'écouler sans être obstruée, soit par un déficit de dragage, soit par un excès d'eau arrivant des affluents en aval, en particulier de l'Oise à Conflans Ste-Honorine. Or, l'impact de la gestion des lacs en amont devient quasi nul en aval: "Au-delà de Conflans-Sainte-Honorine, leur impact est considéré comme quasiment nul", disait Pascal Popelin.
Contradictions entre l'amont et l'aval, entre la gestion des crues l'hiver et celle du soutien régulier de l'étiage l'été. Mais surtout contradiction avec la gestion de la biodiversité. Le site de l'EPTB consacre une page [4] à une de ses missions: "Protéger et restaurer l'environnement". Il y est expliqué que l'EPTB "se doit naturellement d'être exemplaire en matière environnementale"!
On attendrait surtout une exemplarité en matière de gouvernance et de gestion des risques pour l'homme.
Quels sont les risques et les probabilités de crues ou de sécheresses?
- En cas de crue, le risque se chiffre en dizaine de milliards de dégâts pour une ville comme Paris, pour les effets directs (Métros, remises en état des biens publics et privés) et indirects (effets sur l’économie paralysée). Il faut ajouter les risques humains: morts par accidents, évacuations d’immeubles, et rupture d’alimentation de services vitaux (électricité, chauffage, )
- En cas de sécheresse, le risque n’est pas tant celui de l’alimentation humaine et domestique. Le bassin de Seine alimente 12 millions d'habitants à raison de 5 m3 par semestre et par habitant. Le volume net nécessaire est de 60 millions de m3, alors que les bassins ont une capacité de près d’un milliard de m3. Certes, il s’agit d’un volume net et la quantité à mettre à disposition doit être supérieure étant donnée le mauvais « rendement » de cette consommation. Il faut veiller également à la qualité des eaux stockées, assurer la fourniture à l’irrigation agricole, l’écoulement des rejets, et la navigation fluviale.
Reste à évaluer les probabilités respectives de ces deux risques. On utilise à cette fin un indice SPI (Standardized Precipitation Index 12 mois). On parle de sécheresse lorsque cet indice passe en dessous de -2. Depuis 1873, ces situations se sont présentées une quinzaine de fois, certaines se répétant sur des périodes très courtes comme celles de 1920, 1921, 1922, avec un pic en janvier 1922. C'étaient de loin les plus sévères des 150 dernières années. Elles ont été suivies, en matière de sévérité, par deux sécheresses successives à la fin des années 1940 (octobre 1945 à mai 1946 et février 1949 à avril 1950). La sécheresse forte la plus récente a eu lieu en 1996. Pour parler de crue, on ne peut se contenter d'observer les indices de crue au pont de l'Alma puisqu'il s'agit d'événements corrigés par la gestion humaine. Il faut revenir à l'indice SPI. Lors de la fameuse crue de 1910, l'indice SPI était de l'ordre de 1. Or, sur la même période de 1873 à aujourd'hui, ce seuil a été dépassé plus d'une soixantaine de fois. On peut donc dire que la probabilité et les risques consécutifs d'inondations sont beaucoup plus importants que deux des sécheresses.
Des objectifs définis sous la pression écologiste?
Malheureusement la gestion de deux risques contradictoires est biaisée par deux autres objectifs que se sont fixés les autorités de gestion:
- Anticiper le réchauffement climatique
- Protéger l'environnement.
Ce sont deux objectifs complémentaires qui apparaissent en page d'accueil de l'EPTB.
a) Anticiper le réchauffement climatique?
On sait qu'il s'agit d'un fantasme dans la mesure où depuis 2000, on est en plein "hiatus", c'est à dire que les hausses de températures plafonnent. Même Mme Valérie Masson-Delmotte, co-présidente mondiale du groupe 1 du GIEC, l'a reconnu dans une vidéo publiée par "LeMonde" le 8 octobre 2015, en disant que, depuis le dernier rapport du GIEC, « 30 articles scientifiques... continuent à essayer de comprendre » ce hiatus. Y parviennent-ils ? Elle reconnaît qu’« on a eu un léger ralentissement de l'activité du soleil » pendant cette période !
Il faut imaginer l'impact qu'a l'obsession du changement climatique sur les gestionnaires de l'EPTB et on voit se multiplier des rapports faussement alarmistes:
- "Projet GICC ("Gestion et Impacts du Changement Climatique") - Influence du changement climatique sur le fonctionnement hydrologique et biogéochimique du bassin de la Seine- Rapport Final" publié en Novembre 2004 par le projet DRIAS (Donner accès aux scénarios climatiques Régionalisés français pour l’Impact et l’Adaptation de nos Sociétés et environnement)
- "Impacts du changement climatique sur les phénomènes hydro-météorologiques" publié par Météo-France
- Projet CLIMSEC, "Impact du changement climatique en France sur la sécheresse et l’eau du sol", publié par le Centre National de Recherches Météorologiques
Il ne faut pas imaginer qu'une majorité d'experts puissent détenir la vérité. Quand on demande au Giec quelle est la modalité de calcul qui les amène à conclure que la probabilité est de 95% que le réchauffement ait une origine humaine, leur réponse est la suivante: « la probabilité n'est pas issue d'un calcul statistique. Elle exprime ce qu’on entend par "très probablement". La probabilité donnée indique que les auteurs estiment que, sur 100 affirmations de ce type, plus de 95% sont vraies. C'est une évaluation subjective basée sur un faisceau d'indices » (Mail du GIEC - 13 déc. 2014)!
Tout les rapports qui se succèdent sont ceux d'administrations ou de groupes de travail qui s'auto-intoxiquent sur le cataclysme que représenterait une sécheresse.
b) Protéger l'environnement
La préservation des "zones humides" est devenue, avec le temps, un mythe comparable à celui des vaches sacrées en Inde.
- Le site gouvernemental "eaufrance" consacre des pages entières aux "zones humides"
- Une convention internationale sur les zones humides a été signée à Ramsar, en Iran, en 1971, ayant pour but de préserver les zones humides, notamment leurs caractéristiques écologiques. Il existe des sites classés RAMSAR ! Il n'est pas anodin de voir qu'un des quatre bassins de Seine, celui du lac d'Orient, est classé RAMSAR !
Le plan de gestion de l'eau du bassin de Seine en finit par intégrer, comme objectif prioritaire, le niveau nécessaire pour faire vivre les zones humides le long des rives fluviales et préserver leur biodiversité. On pourrait citer les zones des "Basses Godernes", au confluent de la Seine et du Loing, celles de "St-Sauveur-Ecole" et de "la Prairie Malecot", près de Saint-Fargeau, celle du "Carreau-Franc" à Marolles sur Seine, et tant d'autres. Toutes ont, bien sûr, un intérêt évident. Mais faut-il prendre le risque d'une crue dramatique pour éviter une légère dégradation temporaire d'un milieu humide qui, en tout état de cause, possède une puissance intrinsèque d'auto-reconstitution une fois une période de sécheresse terminée.
Que s'est-il passé en juin 2016?
A l'évidence, tous ces objectifs contradictoires, dont certains relèvent du fantasme écologiste, sont gérés dans le cadre d'abaques servant de guide et de référence aux décisions. La pluviométrie qui est une fatalité: ce sont les décisions humaines qui expliquent ce qui s'est passé.
Les courbes ci-jointes le montrent (source: cumul des quatre courbes officielles publiées par l'ETPB).
L'objectif retenu est d'atteindre un pic de remplissage le 1er juillet, de relâcher régulièrement jusqu'au 1er novembre, puis de recharger jusqu'au 1er juillet suivant.
Que s'est-il passé en 2015-2016?
La période estivale n'a pas nécessité de gros soutien d'étiage et le pic minimal n'a été atteint que le 1er décembre avec un retard d'un mois. La faible pluviométrie qui a suivi de décembre à mars a ralenti le plan de re-stockage. C'est ce qui a expliqué le cri d'alarme lancé le 7 janvier (source: Europe1.fr) par Jérôme Bréière, en charge de la gestion hydraulique du lac: il a décrit "un paysage un petit peu lunaire". "Il [le lac] devrait être à un tiers de sa capacité normale", s’inquiète-t-il. "Il est quasiment à la moitié du tiers donc c’est très, très faible". Il travaille dans l’exploitation du réservoir depuis dix ans et c’est la première année où il constate autant de retard. Les lacs - et notamment les quatre lacs en Bourgogne et en Champagne-Ardennes qui servent de réservoir à la Seine - étaient secs. Le 7 janvier, il manquait 50% de stock d'eau alors que ces quatre lacs auraient dû se remplir peu à peu depuis le mois de novembre et le retard était énorme. Dans le lac du Der Chantecoq, à côté de Troyes, il manquait environ un mètre et demi d'eau. Certains îlots d'herbe étaient encore totalement découverts. Pascal Durpras, directeur adjoint de l'établissement public qui gère les lacs réservoirs, résumait la situation : "pendant la période d’été, lorsque vous vous placez au niveau de la Seine à Paris, 80% de l’eau qui transite provient des lacs-réservoirs. Du coup, des restrictions pourraient avoir lieu dans l’arrosage, dans les jardins, dans le nettoyage des voitures". Il y avait dans ce propos, à la fois la description d'une réalité, mais également l'entretien d'un état d'esprit alarmiste contribuant à faire croire que le principal risque est celui de la sécheresse. Il était déclaré que, au cours des cinq mois restants pour rattraper le retard, il faudrait qu'il pleuve beaucoup plus qu'une année normale pour reconstituer les stocks.
Dans cet état d'esprit, dès qu'il a commencé à pleuvoir en avril et mai 2016, on s'est empressé de rattraper le "retard" et de stocker au maximum. Au point que les pluies continuant fin mai et début juin, il n'y avait plus aucune réserve pour éviter une crue. S'il avait continué à pleuvoir ne serait-ce qu'une semaine, la cote ne se serait pas arrêtée à 6,50 m au pont de l'Alma, mais bien au dessus.
Qu'aurait-il fallu faire? Il ne suffit pas de dire que les plans de stockage ont fini par être respectés! Peut-être faudrait-il ne pas s'enfermer dans des courbes d'objectifs qui résultent de priorité mal évaluées. La courbe d'hypothèse ci-dessus, montre qu'il serait possible de tout décaler d'un mois: viser un pic le 1er août et une vidange le 1er janvier permettrait de garder de la capacité en cas de crue tardive. On dira qu'une sécheresse précoce en juin ou juillet empêcherait d'atteindre le pic estival. Mais un bassin ne se remplit pas que par la pluie. Les rivières et nappes s'infiltrant dans un lac contribuent à son remplissage. Et si les lacs n'étaient remplis qu'à 90% de leur capacité en août, l'essentiel du soutien d'étiage serait assuré. Réciproquement, cela contribuerait à assurer une réserve en cas de crue tardive. Le propre d'un stockage est de s'assurer des marges de manoeuvre, ce qui n'a pas été le cas.