Internet est mort ! Vive la Blockchain  ! Internet était un système centralisé, basé sur des logiciels conçus par le détenteur des serveurs. La Blockchain  est complètement décentralisée et risque d’échapper à tout contrôle, y compris des états.
Cet article voudrait prendre du recul sur ces nouvelles technologies et réfléchir à ce qu’elles impliquent en matière d’écologie. Deux premiers articles ont été nécessaires à cette fin.
(1/3) Qu’est ce que la Blockchain  ? Quels sont ses avantages, ses risques et ses dérives ?
(2/3) En quoi l’écologie est-elle impliquée ? De nombreuses applications de la Blockchain  ont la prétention d’apporter des solutions à la sauvegarde de la planète. La question se pose concernant la cause humaine des variations climatiques. Elle est considérée comme un acquit de la science. Cet article montre que non ! La Blockchain  peut-elle apporter des solutions en matière de certification du débat scientifique ? Il semble que non : la Blockchain  n’a qu’un but : sécuriser des transactions pour ce qu’elles sont. Elle n’est portée par aucun autre système de valeur : ni la vérité, ni la beauté, ni la bonté, ne sont pas de son ressort. Or, beaucoup de transactions se font au mépris de ces valeurs.
(3/3) Reste à réfléchir dans un troisième article : faut-il se soumettre à cette nouvelle tour de Babel ? Comme aime à le dire Bertrand Vergely, le progrès était sensé éradiquer les méfaits de la fatalité. Le progrès serait-il désormais une fatalité à laquelle on ne peut échapper ? Un peu de recul philosophique sera nécessaire dans ce dernier article, surtout pour qui n’a jamais entendu parler de ce mot barbare : la Blockchain  !

Dossier: "les2ailes.com"

 

Article 3/3

Article1/3
1- Qu’est ce que la Blockchain ?
2- Les avantages et les dérives d’une Blockchain
3- Les secteurs concernés par la Blockchain et ses caractéristiques
   3.1- La Blockchain , la monnaie et les crypto-actifs
   3.2- La Blockchain  veut impacter la vie quotidienne
   3.3- La Blockchain  et les consensus
   3.4- La Blockchain  et les fake news
   3.5- La Blockchain  et la rareté
   3.6- La Blockchain  et l’écologie
      a) L’impact dur les comportements individuels
      b) L’impact sur la responsabilité environnementale des entreprises

Article 2/3
4- Les variations climatiques : porter son regard vers les causes solaires et cosmiques.
   4.1- Les risques sur l’environnement global
      a) Les risques de type accidentels
      b) L’allégation d’un risque doit être fondé sur des études épidémiologiques.
      c) Un cas exemplaire sur la Blockchain: YUKA
4.2- Les risques sur l’environnement planétaire
      a) Réflexions d’ordre méthodologique.
      b) Réflexions méthodologique sur le système climatique planétaire.
      c) Conclusion provisoire
5- La Blockchain  peut-elle contribuer à établir des théories scientifiques fiables et non falsifiables ?
   5.1- Le consensus, en sciences, n’est pas une preuve.
   5.2- La Blockchain  et les procédures de révision scientifique ?

Article 3/3
6- Les déviations intrinsèques à la Blockchain
   6.1- Perspectives
   6.2- Regard philosophique sur la Blockchain
   6.3- Que faire ?
   6.4- Conclusion biblique

6- Les déviations intrinsèques à la Blockchain

6.1- Perspectives

Structurellement, les chambres de commerce n’ont pas tord d’annoncer les perspectives suivantes[1] : 

  • La fin de la vie administrée et le recul de la puissance des institutions, l’État aux premières loges. Si l’offre peut allécher les plus libéraux d’entre nous, c’est surtout le risque de voir déferler une vague de dérégulations sans précédent. Certains observateurs appellent le politique à reprendre la main. Mais face à des problématique mondiale, faut-il envisager la fin des états et l’avènement d’un gouvernement mondial. Comment gérer alors le principe de subsidiarité ? Or les organes de gouvernance mondiale utilise à tort cette expression qui relève d’un principe opposé, celui de l’exacte adéquation. La véritable subsidiarité émane des organes sociaux inférieurs, la fausse est détenu par les organes de gouvernance supérieure et prétend, -au nom de qui- décider d’une exacte adéquation.
  • L’essor de contrats a-légaux, c’est-à-dire ne relevant pas du droit. Si la promesse de la Blockchain est de libérer la capacité à contractualiser à tout va, il faut alors prendre en compte les rapports de force à l’oeuvre dans une société où l’emploi se fait rare. Ainsi, les smart-contracts pourraient permettre de rémunérer un individu à l’heure, voire à la tâche, sans cadre légal protecteur
  • Une dictature de la transparence et un risque pour la vie privée, notamment concernant les transactions financières. Si ces transactions sont publiques, qui peut garantir qu’on ne pourra pas remonter à leur source (un individu, un ménage) et ainsi établir un profilage financier personnalisé permettant toutes sortes d’abus (refus de souscription à une assurance-vie, demande de prêt, etc.) ?
  • La porte ouverte à toutes sortes de déresponsabilisations. Quand on ne sait pas qui administre, qui est responsable devant la loi ?

6.2- Regard philosophique sur la Blockchain

Le blog, Lundimatin[2], propose une réflexion sur une société contrôlée par la stockchain. Ce blog est anonyme, et ses contributeurs sont proches de certains milieux terroristes italiens, des radicaux de gauche ou des communistes. Son analyse peut donc paraître décalée. Il n’est pas inintéressant, à titre de curiosité, de suivre leur regard.
Il est dit, en particulier, dans cet article que le rapport humain programmé, déterminé et homogénéisé, par-delà une dictature de l’opinion, conduit à une dictature souterraine du fonctionnement des algorithmes. Cette dictature ne fonctionne que sur une anticipation du comportement d’autrui.
Il n’y aura pas de bon et de mauvais usage de la Blockchain . Ces deux mondes sont le même monde. Le monde qu’on nous vend est un espace uniformisé de toutes parts où le contrôle se substitue à la confiance, un monde poli, policé, policier, sans polis, où chaque individu est appelé à surveiller les agissements des autres, à répondre aux incitations continuelles de machines.
Ces nouveaux outils n’entendent pas traiter des causes des problèmes politiques et sociaux. Si certaines applications de la Blockchain  peuvent paraître constituer un progrès, c’est d’abord parce que notre monde a été bureaucratisé à outrance, organisé en un vaste réseau de flux, aseptisé pour être d’autant mieux surveillé, designé pour être fonctionnaliste et individualiste. « Le désert croît », disait Nietzsche. 
Derrière la prétention de nous redonner la maîtrise sur nos données et notre argent, de nous libérer de la corruption des institutions et des industries monopolistiques. c’est le rapport contractuel de l’intérêt qui partout s’institue. Rapport humain programmé, déterminé et homogénéisé qui, par-delà une dictature de l’opinion, conduit à une dictature souterraine du fonctionnement des algorithmes, dictature qui fonctionne déjà sur une anticipation du comportement des autres médiatisée par le spectacle des images numérisées.

Dans le Figaro du 24 octobre 2019, Gaspard Koenig explique que "les technologies d’Intelligence artificielle sont capables d’anticiper et d’orienter les comportements individuels grâce à la double puissance de personnalisation et d’optimisation fournie par le traitement des data. En nous procurant un confort toujours plus irrésistible, en nous promettant une information quasi exhaustive, elles nous ôtent la peine de décider par nous-mêmes. Tout cela dessine une nouvelle manière de concevoir l’individu, en l’enfermant peu à peu dans la moyenne statistique de lui-même, tout en le livrant à des systèmes teintés de collectivisme, où le bien-être du groupe prime sur nos désirs explicites..."

6.3- Que faire ?

Critiquer ? N’est-ce pas désormais une simple manière d’alimenter le flux de paroles et d’images et servir le protocole en cours ? Tenter d’analyser, d’opérer sur le flux, de récupérer à notre tour cette évolution ? Mais les analyses qui s’en dégagent manquent souvent de perspective historique, de profondeur et de références. Ces analyses évitent le plus souvent un questionnement politique sur la place et du rôle des États dans l’agencement du monde contemporain, sur l’intérêt d’une démocratie directe s’appuyant sur des logiciels Blockchain, bref sur le sens même de ce qu’est le bien commun. Notre présent se laisse peut-être appréhender complètement uniquement par l’idée qu’il est désormais in-appréhendable, inintelligible du point de vue d’une raison humaine dépassée par son entendement, c’est-à-dire par la capacité de calcul des machines humaines, le détournement immédiat du sens et l’éclatement permanent du fonctionnement du monde. 
Le blog, Lundimatin  ajoute que, si révolution réelle il y a, elle est à l’image des révolutions précédentes, à l’image des révolutions bourgeoises : le résultat d’une transformation des structures techniques et socio-économiques pour qu’advienne un nouveau rapport de domination et d’aliénation, plus subtil encore. Ce n’est plus, par mon statut de naissance au sein du groupe (noblesse), ni non plus par mon travail ou par ce que je réalise (bourgeoisie) que je justifie ma supériorité et mon mérite, mais c’est dorénavant par ma capacité à anticiper, par mon imagination, bref c’est de mon intelligence du flux, de mon attitude, de ma personnalité, de la puissance de mon réseau, que je tire ma prétention à dominer.
Aussi une grande partie de notre génération, du fait notamment de sa place dans l’Histoire et de la honte[3] qu’elle tire de son commerce quotidien avec la perfection des objets fabriqués, entretient-t-elle une perception fondamentalement nihiliste de l’homme et de l’idée de relation. Aussi notre génération reconduit-t-elle à sa manière, avec ses méthodes et ses moyens,  une ineptie vieille comme le monde occidental : la soif d’en finir avec ce que l’homme considère comme ses imperfections. « Le relief du temps, le corps vécu, la vie.
Or l’on sait trop combien cette volonté de se purifier nous arrache de tout ce qui nous lie – et fait le lit de toutes les barbaries ».
Est-il encore temps d’avoir une politique d’éducation et une réflexion publique continue, dans l’esprit philosophique de la bioéthique, pour garantir la conformité des technologies numériques avec les valeurs constitutionnelles au fondement d’une cité démocratique ? Le progrès était sensé éradiquer les méfaits de la fatalité. Le progrès serait-il désormais une fatalité à laquelle on ne peut échapper ?
La Blockchain  enferme chacun dans des transactions toutes identiques et normées entre des « pairs ». Mais la relation de « pair à pair » ne se limite pas à des transactions entre des individus ayant des besoins similaires. Une relation se fonde sur l’amour d’altérités radicales. On risque d’aller vers un fantasme ressemblant au « pire du pire », le pire consistant à évacuer toute spiritualité et transcendance dans les relations humaines ! Comme le dit si bien le philosophe Bernard Stiegler, la technique est un Pharmakon, c’est à dire à la fois un remède et un poison. 

Gaspard Koenig, dans le Figaro du 27 octobre 2019 précise que "il n’est pas question pour moi de condamner ces prodigieuses technologies. Mais il faut trouver le moyen de se les réapproprier en introduisant nos propres paramètres, y compris s’ils conduisent à des résultats sous-optimaux pour nous-mêmes et pour les autres. La clé de cette question, c’est de maîtriser intégralement les données que nous livrons aux systèmes d’IA. À cette fin, il faudrait nous équiper d’une sorte de «portefeuille personnel» de données dont nous contrôlerions les entrées comme les sorties, et qui pourrait être géré par les intermédiaires traditionnels (banques, assurances…). De nombreuses start-up travaillent aujourd’hui sur de tels projets. Mais pour que ce marché puisse véritablement se développer, il est nécessaire d’introduire une innovation juridique sous la forme d’un droit de propriété sur nos données personnelles. Nous pourrions ainsi choisir en amont comment, à quelle fin et dans quelles limites nous confions notre existence aux machines. Ce seraient les plateformes qui viendraient accepter nos conditions d’utilisation personnelles, et non l’inverse".

6.4- Conclusion biblique

1 La terre entière se servait de la même langue et des mêmes mots.
2 Or en se déplaçant vers l'orient, les hommes découvrirent une plaine dans le pays de Shinéar et y habitèrent.
3 Ils se dirent l'un à l'autre : « Allons ! Moulons des briques et cuisons-les au four. » Les briques leur servirent de pierre et le bitume leur servit de mortier.
4 « Allons ! dirent-ils, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel. Faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre. »
[4]


[1] https://www.cci.fr/web/performance-et-innovation/interview/-/asset_publisher/26wQ/content/fiche-pratique-point-sur-blockchain-janv2016

[2] https://lundi.am/bitcoin   lundimatin#138 du 19 mars 2018

 Le comité de rédaction de « Lundimatin » ainsi que certains contributeurs restent anonymes. On compte parmi les signatures de nombreux universitaires et intellectuels européens (Jean-Luc NancyFrédéric LordonGiorgio Agamben) ainsi que des écrivains (Nathalie QuintaneAlain Damasio). 

[3] Dans « la honte prométhéenne », le premier chapitre de l’œuvre citée, G. Anders analyse la façon dont nous cherchons à ressembler aux objets techniques dont l’existence nous semble si parfaite en comparaison de la notre, à travers le phénomène du « make up » notamment : effacer les traces du temps, faire du corps un objet, masquer notre mort à venir pour masquer notre naissance, cette « sale » origine.

[4] Gn 11, 1-4