La revue Sciences express a publié le 15 janvier 2015, une prétendue étude scientifique intitulée : "Planetary Boundaries: Guiding human development on a changing planet". Dix neuf auteurs y analysent une série de neuf critères justifiant, selon eux, des entraves à l’activité humaine sous forme de "limites planétaires".
Johan Rockström,  un des co-auteurs, a longuement présenté les conclusions au « forum économique mondial » de Davos, les 21-24 janvier 2015. Nul doute que les principaux dirigeants de la planète seront convaincus de l’urgence de mesures de décroissance puisque, selon un des auteurs,  "la civilisation a dépassé quatre des neuf soi-disant limites planétaires".
Cette étude vient à l'appui de l'ONU qui doit adopter les "Objectifs du développement durable" pour les années 2015-2030 et qui a associé "limites planétaires" et population. Elle en a fait son Groupe Thématique n°1  intitulé "Macroéconomie, dynamique des populations, et limites planétaires". Cette association est un aveu évident du malthusianisme qui règne au sein des instances internationales sous couvert de développement durable.
Les2ailes.com ont proposé une série d’articles, de (1) à (9), reprenant chacune de ces limites pour montrer leur caractère pseudo-scientifique. Ce dixième article (10) tire une conclusion sur l’absurdité même de ce concept de "limites planétaires". Pourquoi ?

Commentaires "les2ailes.com"

1- Le contenu général de l’étude "Planetary boundaries"

L’étude utilise le concept de "limites planétaires" définies  comme "un espace de fonctionnement sûr pour l'humanité basée sur les processus biophysiques intrinsèques qui régulent la stabilité du système terrestre".
Dans cette étude, les auteurs prétendent « réviser et actualiser le cadre des limites de la planète, avec un accent mis sur les fondements de la science biophysique fondement, basés sur les observations ciblées des communautés de recherche d'experts ainsi que les avancées scientifiques plus générales réalisées au cours des 5 dernières années. Plusieurs des limites ont maintenant une approche à deux niveaux, ce qui reflète l'importance des interactions trans-sectorielles et de l'hétérogénéité des processus au niveau régional que sous-tendent les limites. Deux limites fondamentales - le changement climatique et l’intégrité  de la biosphère -  ont été identifiées, chacun d’eux ayant un potentiel sur la manière de gérer le « Système-Terre » vers un nouvel état à ne pas transgresser substantiellement et continuellement ».

2- Les critères retenus par l’étude "Planetary boundaries"

L’étude retient 9 critères: 

  1. Le Changement climatique, fixant une limite d’émission de CO² dans l’air
  2. L’intégrité de la biosphère, fixant une limite de disparition d’espèces
  3. La réparation du "trou d’ozone" est considéré comme un fait acquit du fait de limites antérieures, le zéro CFC.
  4. L’acidification des océans serait évitée en appliquant la limite de CO2 retenue pour le climat
  5. Les flux de phosphore et d’azote en fixant des limites d’usages d’engrais
  6. Les changements de macro-écosystèmes en limitant les déforestations
  7. Les usages d’eaux douces en limitant les usages aux "exigences de flux écologiques des rivières"
  8. Les nouvelles entités chimiques dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite
  9. Les aérosols et particules fines atmosphériques dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite

Ils sont représentés et mesurés sous forme d’un graphique. Les couleurs sont sensées représentées la gravité des situations par rapport à chacune de ces limites.
Après avoir analysé les neuf critères ci-dessus, que peut-on penser de cette étude "PB"?

3- Que conclut l’étude "Planetary boundaries"

D’une manière globale, les auteurs de l’étude  justifient leur approche en analysant les nombreuses interactions entre les limites : "Cela suggère que deux d’entre elles, le climat et l’intégralité de la biosphère » sont très imbriquées.
Ces observations suggèrent une hiérarchie des "limites planétaires" à deux niveaux, dans lequel le changement climatique et l'intégrité de la biosphère devrait être reconnus comme le cœur des limites planétaires à travers desquelles les autres limites agissent".

Par ailleurs, l’étude "PB" reconnait son implication sociétale : "Cette approche implique qu’un cadre de "limites planétaires" devra être mis en place au fur et à mesure de la réalisation d’objectifs visant à la satisfaction des besoins humains les plus immédiats, tels que la fourniture d'énergie propre, abordable et accessible et un approvisionnement alimentaire suffisant. ...L'approche des "limites planétaires" est intégré dans ce contexte social émergent, mais il ne suggère pas comment opérer ... Le cadre des "limites planétaires" n'a pas pris en compte les questions les plus profondes de l'équité et de la causalité. Les niveaux actuels des processus limites, et les transgressions des limites qui ont déjà eu lieu, sont inégalement causés par différentes sociétés humaines et différents groupes sociaux. ...Le cadre de "limites planétaires" ne peut être utilisé correctement pour faire des choix entre les mesures à prendre sans une dimension plus radicale de gouvernance mondiale" [1] .
Les auteurs ne sont plus là dans le domaine de la science, mais font des recommandations d’ordre politique. D’ailleurs, ils reconnaissent que "le cadre des "imites planétaires" n’est pas conçu pour décliné à des "échelles réduites" ou "désagrégées" à de petits niveaux, tels que des nations ou des communautés locales". Ce n’est certainement pas un hasard. L’étude parle d’ailleurs de « l'application de la "pensée de PB" ». On est bien dans un système de pensée, base de toutes les "ismes" et des idéologies. On devrait presque parler de "limites planétaristes".

L’étude des "limites planétaires" ne cache pas son but : "le maintien du "système terre" à l’état de celui de l’Holocène et l’évaluation du niveau de changement conduit humain qui risquerait de déstabiliser cet état ». Il s’agit de revenir à un stade « préindustriel ».

4- Qui sont les auteurs ? Des héritiers du Club de Rome !

Les dix-neuf auteurs appartiennent à 5 universités suédoises, 2 australiennes, 2 danoises, 1 canadienne, 1 sud-africaine, 2 américaines, 2 hollandaises, 2 allemandes, 1 kenyane, 1 anglaise, 1 indienne.
On y trouve, parmi les auteurs,  Jens Heinke, chercheur au fameux  Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), réputé pour son implication dans les thèses du Giec.
Le Pr. Crutzen, académicien pontifical des sciences, fait partie des références, ainsi que son collègue Schellnhuber qui a été promu membre ordinaire de l’Académie pontificale des sciences le jour de la sortie de l’encyclique "Laudato si", en juin 2015.

Le club de Rome, déjà dans les années 1970, annonçait la famine généralisée pour 2000. Cela s’est avéré faux. Quels sont les principaux tenants et aboutissements de son rapport et qu’en retenir ? Ce "rapport Meadows (1972)", commandé par le Club de Rome,  n’était en fait que celui d’une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il avait pour titre français "Halte à la croissance ?". Qu’avait analysé le "rapport Meadows" ? Il s’était limité à des corrélations entre seulement cinq variables: la population, le PIB/Habitant, la ration alimentaire/personne/an, la pollution, et, enfin, les ressources non renouvelables.  Le rapport avait modélisé les évolutions en appliquant une loi dite "loi des rendements décroissants" énoncée en 1817 et publiée en 1821 par David Ricardo, dans ses "Principes de l'économie politique et de l'impôt". Ce concept des rendements décroissants –qui date, on le voit,  quelque peu- s'accordait bien avec l'idée malthusienne selon laquelle plus la population augmente, plus les ressources disponibles par habitant se réduisent. Nulle part on ne trouvait de prévisions dûment datées.
Toutefois la lecture des courbes[2], montrait que si les tendances s’étaient maintenues, tout devait s’effondrer vers les années 2005. Étant donné ce qu’on a constaté, on ne peut qu’émettre des doutes sur la validité du modèle. Le rapport modélisait l’effondrement de notre civilisation, même avec une régulation parfaite des naissances, stabilisant la population mondiale aux 4 milliards d'habitants de 1975, par une égalité des taux de mortalité et de natalité !
Alors que faire ? Le "rapport Meadows" proposait de combiner des  changements de technologie avec des changements de valeur, afin de réduire les tendances à la croissance à l'intérieur du système.

De très nombreux scientifiques ont contesté les fondements du raisonnement. Ainsi, Samuel Farfari [3] a résumé les critiques qu’il convient de faire au rapport Meadows: "La principale raison pour laquelle ce club …s'est fourvoyé sur cette question comme sur d'autres, c'est parce qu'il pensait à une évolution linéaire de la technologie et estimait que les évolutions de la démographie, de la pollution et des besoins suivaient une tendance exponentielle. Cela ne pouvait que conduire à une interprétation catastrophique du futur. Petite erreur d'hypothèse mais grande divergence quant aux résultat".
Quelles sont, concrètement, les critiques faites au rapport Meadows : "Il lui est d’abord reproché d’avoir fondé son modèle sur  l’agrégation qui a toujours été considérée comme une démarche appauvrissante bien qu’inévitable en macroéconomie et qui, de ce fait ignore largement les problèmes de structure. Il est également reproché d’avoir appliqué un « principe d’accélération », qui veut qu’un output soit proportionnel à son stock en capital. Il est reproché d’avoir (implicitement) supposé que la même proportionnalité prévalait pour la pollution - qui est aussi un output ! La dernière critique faite est de ne pas avoir prix en compte les phénomènes de prix dans la mesure de la rareté des ressource et d’avoir retenu une hypothèse de croissance exponentielle de la technologie"[3].

 

Malgré ces critiques, le rapport Meadows a fait l’objet, en 1992, d’une première mise à jour, intitulée "Beyond the Limits", mais n’a pas pris en compte les critiques dont la première édition avait été l’objet. Enfin, en 2004, paraissait une seconde mise à jour qui, jusqu’ici, n’a pas été traduite en français :" Limits to Growth. The 30-Year Update" [4]. Les auteurs, Donella Meadows, Jorgen Randers et Dennis Meadows,  ont jugé cette mise à jour nécessaire  pour souligner la gravité de la situation actuelle. Les auteurs s’appuient largement sur la notion d’ "empreinte écologique" et sur le travail de Mathis Wackernagel dans la création de cet indicateur. Au cœur de leur mise à jour se trouve le concept d’ "overshoot" [5],  qui signifie que nous serions déjà au-delà des limites de la planète.
Les critiques faites aux chercheurs du "club de Rome" sont toujours applicables à ceux de l’étude "limites planétaires" qui procèdent de la même approche : l’extrapolation à l’infini des tendances observées à un moment. Or ce n’est pas une loi de la nature.
Une troisième mise à jour du rapport du Club de Rome était prévue en 2012. c’est Jorgen Randers [6], ancien DGA du WWF,  qui s’en est chargé dans un ouvrage, "2052 - Une prévision globale pour les 40 prochaines années" [7]

5- Des "limites planétaires" séduisantes, mais contre nature

Toute l’étude « PB » se fixe un but : calculer des "limites".
Et si, en écologie, le concept même de limite était absurde? Dans un cycle, où est le début et la fin ? S’il n’y a pas de fin, où est le concept de limite ? Certes, la planète est limitée dans son espace cosmique,  mais les sous-systèmes planétaires n’ont pas souvent de limites, car ils sont cycliques. 
Le concept de limites planétaires est trop simpliste pour être vraiment scientifique. Il a l’apparence de la logique, mais  c’est une vue de l’esprit... à visée malthusienne.  Dans un cycle, la présence de l’homme déplace certains arcs de cercles, toujours au détriment d’un autre arc de cercle. Le concept de limites consiste bien à dire que cette déviation au profit de l’homme est malsaine.

6- Des "limites planétaires" anthropocentristes

 

L’objet n’est pas ici de faire l’éloge d' "un anthropocentrisme despotique qui se désintéresserait" du reste de la création (Laudato si § 68). Il ne s’agit pas de "mettre la raison technique au-dessus de la réalité" (LS § 115). 
C’est pourquoi, " le moment est venu de prêter de nouveau attention à la réalité avec les limites qu’elle impose" (LS § 116).
S’imposer des limites pourraient être légitime si elles étaient fondées, ce dont on peut douter.

Mais il y a une forme d’anthropocentrisme à imaginer que, seul,  l’homme peut contrôler et manager le "système terre". Ce système de pensée revient à nier que la nature, y compris ses incidences cosmiques, puisse  disposer de systèmes régulateurs, d’effets tampons, de boucles de rétroactions dans les sous-systèmes terrestres.

7- Des "limites planétaires" messianiques

A force d’enfermer l’homme dans des limites, on finit par le culpabiliser pour mieux l’asservir. En effet, la meilleure des techniques pour installer un messianisme, consiste à asservir le "Moi psychique" des individus. C’est cela qui permettra à la peur et au mensonge de jouer leur rôle.
Imposer des "limites planétaires" où que les hommes tournent la tête fait régresser leur "Moi".
Pour comprendre ce mécanisme d’action, rappelons que :
-  le "Moi", concept introduit par Freud, est un organe qui sert de support à la conscience de soi.
-  le "Surmoi" représente les pressions et les demandes sociales à l’intérieur du système psychique, d’où viennent les sentiments de culpabilité.
-  le "Ça" est la source des pulsions instinctives et inconscientes.

Le "Moi" se construit dès la plus petite enfance et permet l’autonomie psychologique vis-à-vis d’autrui et également vis-à-vis de ses propres pulsions. Plus le "Moi" est faible, moins on est capable de lutter contre ses doubles pressions, internes et externes. L’Éducation Nationale ne s’y trompe pas qui assène, tout au long des programmes scolaires dès la petite enfance, un maximum de peurs écologistes.

Un système messianique ne peut se maintenir durablement que si la majorité des personnes est incapable de définir ses propres buts. C’est pourquoi, ils organisent systématiquement la régression psychique des personnes qu’elles asservissent. Lorsque le système s’effondre, bien des personnes, trop infantilisées, ne peuvent plus vivre sans voter pour ceux qui les ont asservis [8].
L’humiliation joue ici un rôle majeur. On commence par de petites limites sans portée, par exemple en vous empoisonnant l’existence avec l’interdiction des brulis au nom des particules fines. Le citoyen se dit inconsciemment : "Si cela leur fait plaisir… ", et un jour on propose la taxe CO² sur les familles nombreuses. Cet exemple n’est pas une plaisanterie. L’idée, on l’a vu, avance imperturbablement !

La soumission est la règle morale conséquente à l’asservissement. Si, dans le cas de l’écologisme, la destruction du Moi est un outil, cela ne passe pas forcément par le modèle ultime d’un homme unique, d’un Messie ou d’un dictateur, car celui-ci posséderait un Moi. Pour conduire les personnes à détruire elles-mêmes leur Moi, il faut leur fournir un modèle ultime dépourvu de Moi, c'est-à-dire une force impersonnelle. Et, en même temps, cette force doit être cosmique et écrasante pour forcer à la soumission en rendant vaine non seulement la révolte, mais même l’idée de révolte [9]. Ainsi le sens de l’histoire, l’ordre cosmique, la science ou le destin relèvent d’une nature des choses qui est censée fournir le modèle unique. Au lieu de maîtriser la terre, il conviendrait de se soumettre à ses impératifs !

8- Des "limites planétaires" infantilisantes

La destruction du "Moi", par noyade dans le collectif, est un moyen employé par toutes les machines politiques de destruction. On remplace le "Moi" par le "Nous" [10].
Les personnes, dont le "Moi" a été ainsi délibérément écrasé, ne sont plus capables d’initiatives nécessaires au changement. Le progrès est alors impossible. Le nucléaire, les OGM, tout sera condamné pour satisfaire aux "limites planétaires". L’idée est de créer des sociétés formées d’ "hommes nouveaux", au "Moi" atrophié, incapables de créer une innovation qui risquerait de faire évoluer la société [11]. Aucune évolution n’est donc possible. La lutte contre le  concept de "croissance" conduira à un appauvrissement inexorable des peuples. Mais est-ce innocent ? Un peuple appauvri n’est-il pas, d’une certaine manière, plus facile à asservir [12]?

Pourtant, des limites sainement enseignées, pourraient participer d’une forme de pédagogie de la loi. La nature à ses lois. Les limites qu’elle nous impose permettent de rebondir et de se projeter dans le futur. Alors que des limites, dont l’esprit est malthusien, ont pour objectif d’infantiliser et de paralyser. Un éducateur sait que s’il laisse un enfant sans limite, il est complice de sa perte, car l’enfant n’est pas fait pour rester "sans contour". A l’inverse, l’enfermer dans une série de corsets injustifiés l’entrave et le prive de toute capacité à observer par lui-même, le décourage d’agir, de faire par lui-même.

Toutes ces limites planétaires deviennent infantilisantes.

9- Des "limites planétaires" dépourvues de toute spiritualité

Enfin, il y a un caractère positif de la limite. Limiter la consommation des produits permet de s’ouvrir à la communion des personnes. Thomas d’Aquin dit que "l’austérité [ou la sobriété], en tant que vertu, n’exclut pas les plaisirs, mais seulement ceux qui sont superflus et désordonnés, et c’est pourquoi elle ouvre à l’affabilité, à l’amitié et à la joie". La surabondance des marchandises n’empêche pas le désespoir. Mais là où une personne fait l’expérience de la communion et de l’appartenance "n’importe quel endroit cesse d’être un enfer et devient le cadre d’une vie digne" (Laudato si § 148) » [13].

On est loin de ce concept avec les "limites planétaires".

10- Des "limites planétaires" relevant du catastrophisme éclairé

Cette expression de catastrophisme éclairé est reprise comme titre d’un ouvrage de Jean-Pierre Dupuy. Il y cite une formule de Roger Guesnerie à propos de la planification qui vise, écrit-il, "à obtenir par la concertation et l'étude une image de l'avenir suffisamment optimiste pour être souhaitable et suffisamment crédible pour déclencher les actions qui engendrent sa propre réalisation". Jean-Pierre Dupuy définit le catastrophisme éclairé en paraphrasant cette formule et en disant qu’il vise à "obtenir une image de l'avenir suffisamment catastrophiste pour être repoussante et suffisamment crédible pour déclencher les actions qui empêcheraient sa réalisation, à un accident près".
Les auteurs de l’étude "limites planétaires", pour être écoutés, manient ce catastrophisme éclairé . Certes, il y a des éléments scientifiques incontestables. Mais, leur approche globale est trop simpliste pour ne pas être animée d’une volonté de faire  juste un petit peu peur, et de mentir juste un petit peu ? Est-ce cela croire que la vérité rend libre ?

11- Les "limites planétaires" : la fausse approche du complot

 

Il est illusoire d’imaginer qu’un complot ait été mis au point. En effet, trop d’intérêts contradictoires tirent un bénéfice de ces "limites planétaires".

- Les organismes de gouvernance globale.
Ils se félicitent de voir traités les problèmes de manière globale, pour justifier une gouvernance mondiale. Ban ki Moon, ne s’y est pas trompé : il  a approuvé le concept de limites planétaires, le 16 Mars 2012, quand il a présenté les principaux points du rapport de son Groupe de haut niveau sur la durabilité mondiale à une séance plénière informelle de l'Assemblée générale de l'ONU [14]. Le Secrétaire général de l’ONU a déclaré: "La vision du Groupe est d'éradiquer la pauvreté et réduire les inégalités, faire de la croissance inclusive et la production et de consommation plus durables, tout en luttant contre le changement climatique et en respectant une gamme d'autres limites planétaires." [15]

- Les ONG
Progressivement, les ONG reconnues prennent un tel poids dans les instances internationales qu’elles deviennent les seules à avoir le droit de "participer" à l’élaboration du programme. On parlera de démocratie "participative". Voilà comment, progressivement, se meurt la démocratie classique "représentative" par laquelle un peuple envoyait au pouvoir ses "représentants" pour défendre les idées.

- Les États
La démagogie électorale est  un outil permanent au service des démocraties contemporaines. Mathieu Laine avait écrit un ouvrage polémique "la grande nurserie : en finir avec l’infantilisation des français". Malheureusement, plus un état est interventionniste, plus il se doit de se construire une image d’ "état providence". L’intérêt des états est alors d’entretenir des peurs et de mener des campagnes électorales avec démagogie. Un discours du type "n’ayez pas peur, je m’occupe de vous" devient, ensuite,  le pivot de tous les programmes politiques.

- Les scientifiques
Sont-ils aussi libres qu’ils le prétendent ? Dès lors qu’ils proposent des sujets de recherche "politiquement corrects", ils se voient octroyer des budgets considérables. Malheureusement, ceux qui, en toute transparence, se lancent dans une recherche qui ne "sert pas la cause", ont peu de chance d’être retenus dans les programmes budgétaires et risquent de n’avoir aucun crédit.
Méditons simplement cette phrase: "la science d'état remplace la religion d'état". L’historienne Hélène Ahrweiler l’attribue à Victor Hugo.

- Les entreprises
Elles sont heureuses de trouver une source de croissance pour atteindre les limites planétaires. L’exemple des CFC est symptomatique. Ce serait une erreur de penser que Dupont de Nemours et Dow Chemical auraient été les grands perdants de l’accord de Montréal. Certes, ils avaient l’oligopole de la production des CFC, mais leurs brevets arrivaient en fin de validité. Ils avaient intérêt à ce que de nouvelles normes soient imposées pour que se développe le marché de produits de substitutions dont ils venaient de déposer des brevets.

- Les malthusiens
L’exemple des "limites planétaires" en matière d’usage d’engrais azotés est symptomatique : Vouloir limiter la fixation d’azote d’origine humaine et industrielle à 62 Tg N y-1revient à fixer une limite aux rendements agricoles des années 1980. Pourquoi ne pas revenir à la population mondiale de cette époque, c’est à dire seulement 5 Md. d’habitants ?

11- Des "limites planétaires" malthusiennes

L'ONU ne s'y est pas trompé. Elle associe "limites planétaires" et population. Elle en a fait son Groupe Thématique n°1  intitulé "Macroéconomie, dynamique des populations, et limites planétaires". Il est présidé par Johan Rockstrom et Jeffrey D. Sachs. Ce dernier est connu pour sa position publique sur l'avortement dans son livre "Common wealth : Economics for a Crowded Planet" de 2008, dans lequel il "a fait un plaidoyer pour légaliser l’avortement comme un coût efficace pour parvenir à éliminer "les enfants non-désirés" quand la contraception a échoué. Il décrit l’avortement comme" une option à faible risque et low-cost  "préférable à de nouvelles vies humaines dans le monde". Il a aussi écrit avec enthousiasme que la "légalisation de l’avortement réduit significativement le taux global de fertilité en moyenne d’au moins un demi enfant ".

L'ONU savait que ce thème serait délicat à introduire.  Dans un premier temps, le concept a été incorporé dans le soi-disant "projet zéro" de l'issue de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable qui s’est tenu à Rio de Janeiro du 20 au 22 Juin 2012. Cependant, l'utilisation du concept a ensuite été retirée du texte de la conférence, "en partie en raison de préoccupations de certains pays les plus pauvres que son adoption pourrait conduire à la mise à l'écart de la réduction de la pauvreté et le développement économique. C’est également, disaient les observateurs, parce que l'idée est tout simplement trop nouvelle pour être officiellement adopté, et avait besoin d'être contestée, confrontée et remâchée pour tester sa robustesse avant d’avoir une chance d'être acceptée au niveau international lors des négociations de l'ONU[16] .

Mais, dans le projet d'ODD (Objectif pour le Développement Durable) qui doit être adopté par l'AG de l'ONU en septembre 2015, le thème de "limites planétaires", a été intégré comme le second des "dix défis prioritaires liés au  développement durable".  La description des contraintes liées à ce défi des limites planétaires n'oublie pas que "dans de nombreux pays pauvres, le déni des droits à la santé sexuelle et procréative des femmes ainsi que l'extrême pauvreté, font que le taux de fécondité reste élevé, avec des graves conséquences pour le développement économique, l'inclusion sociale, la durabilité écologique et la paix dans ces pays... Nous demandons donc aux gouvernements des pays ayant des taux de fécondité élevés de favoriser les droits à la santé sexuelle et procréative et de soutenir les mesures qui accélèrent la transition volontaire vers une réduction de la fécondité.." Le souci des "limites planétaires" est donc, dans l'esprit des auteurs, intimement lié à l'objectif de la "réduction de la fécondité". 
Même Malthus était moins malthusien que l'ONU. Certes, il avait, dans "Essais sur le principe de population", un point de vue péremptoire qui s'est révélé faux: "Je dis que le pouvoir multiplicateur de la population est infiniment plus grand que le pouvoir de la terre de produire la subsistance de l’homme".  Mais il écrivait aussi que "l’histoire enseigne que la population a toujours tendance à augmenter jusqu’aux limites des moyens de subsistance", propos que l'on peut renverser en pensant que puisque la population s'est accrue, c'est que les limites ont été repoussées au fur et à mesure de cette augmentation.

L'ONU traduit sa philosophie malthusienne en incorporant dans son 2nd objectif  une "cible 2c: Réaliser les droits à la santé sexuelle et procréative et promouvoir la réduction rapide de la fécondité au niveau de remplacement ou en dessous par des moyens exclusivement volontaires". Comme toujours, la rédaction est empreinte de bons sentiments. L'objectif affiché est de "promouvoir la croissance économique et le travail décent dans les limites planétaires". Mais c'est bien les limites planétaires qui sont la règle, plus que la croissance économique. Quant à la santé sexuelle et procréative, on sait qu'il s'agit de la sexualité  dite "sure et sans contrainte" et que la santé procréative cache la promotion de l'avortement. Enfin, la prétendue liberté des femmes d'utiliser des "moyens exclusivement volontaires", on sait est un voeu pieux qui cache des pressions de toutes sortes, par exemple de conditionner les vaccinations par l'acceptation par les femmes de contraceptions ou de stérilisations.


[1] N. Castree, W. M. Adams, J. Barry, D. Brockington, B. Büscher, E. Corbera, D. Demeritt, R. Duffy, U. Felt, K. Neves, P. Newell, L. Pellizzoni, K. Rigby, P. Robbins, L. Robin, D. B. Rose, A. Ross, D. Schlosberg, S. Sörlin, P. West, M. Whitehead, B. Wynne, Changing the intellectual climate. Nature Clim. Change 4, 763–768 (2014). doi:10.1038/nclimate2339http://dx.doi.org/10.1038/nclimate2339

[2] "Halte à la croissance ?" (Ecologie - Fayard – 2nd T 1972) - (Figure 31)

[3] Enseigne la géopolitique de l'énergie à l'Université libre de Bruxelles; docteur en Sciences appliquées; fonctionnaire à la Commission UE

[4] http://developpementdurable.revues.org/4422

[5] Le premier chapitre du livre « Limits to Growth. The 30-Year Update » s’ouvre sur cette définition : « to overshoot, cela signifie aller trop loin, aller au-delà des limites, par accident et sans en avoir l’intention » (p. 1). L’overshoot vient toujours de la combinaison de trois facteurs : « (1) un changement rapide, (2) des limites à ce changement, et (3) des erreurs ou des délais dans la perception de ces limites et dans le contrôle de ce changement » (p. 5).

[6] DGA du WWF de 1994 à 1999

[7] 2052: A Global Forecast for the Next Forty Years (Chelsea Green Publications, 2012)
- Logique sous-jacente du pronostic : Les réflexions de Randers sont basées sur deux questions centrales: "Qu'est-ce qui va arriver à la consommation au cours des 40 prochaines années" et «dans quelles conditions - dans lequel l'environnement social et naturel - sera cette consommation future avoir lieu" (P. 78).
Randers utilise des modèles informatiques pour assurer que les effets de rétroaction ne sont pas négligés.
- Population et consommation : La population mondiale va diminuer à partir de 2040 environ. La population active va culminer autour de 2030. La productivité va croître, mais rencontrer des obstacles. Le produit intérieur brut va croître, mais de plus en plus lentement. Les investissements - forcés et volontaires - vont augmenter. Nouveaux coûts seront engagés. Adaptation et de catastrophe coûts vont exploser. L'Etat va participer davantage. Consommation va stagner et baisser dans certains endroits.
- Prévisions sur l’énergie et le CO² : L'efficacité énergétique va continuer à augmenter. Il prévoit que la demande d'énergie à augmenter, mais pas indéfiniment. Les émissions de CO 2 provenant de la consommation d'énergie, atteindront leur maximum en 2030. La température moyenne mondiale augmentera de plus de deux degrés, provoquant de graves problèmes.
- Nutrition et « empreinte écologique » : La course aux ressources naturelles sera difficile, la bio-capacité du monde sera de plus en plus exploitée. Les villes deviendront des sources de matières premières pour les métaux plus importantes que les gisements minéraux dans la nature. Il parle de « mines urbaines » (urban mining). De la même manière que les zoos sont déjà devenus le dernier refuge pour de nombreuses espèces en voie de disparition, les parcs assumeront ce rôle pour la nature en général.
- L’avenir non physique : Randers fait valoir que le produit intérieur brut mondial ne parviendra pas à augmenter comme dans le passé en raison du déclin de la population, du vieillissement général et du déclin de la productivité. Internet donnera accès à une nouvelle compréhension de ce qui est public et privé. La connaissance ne sera pas plus une ressource rare, mais ne conduira pas  à des décisions plus rationnelles dans la plupart des cas parce que la connaissance individuelle ne suffit pas à changer les  comportements lorsque des intérêts puissants sont impliqués. Par conséquent, il est probable qu'une « force greenkeeping" sera mis en place pour faire respecter un comportement positif de l'environnement, semblable aux forces de maintien de la paix (bérets bleus) d'aujourd'hui.

[8] Jean-Jacques Walter « Crépuscule de l’Islam » (éditions de Paris- 2007), p.29

[9] Ibid, p.34

[10] Ibid, p.34

[11] Ibid, p.37

[12] Ibid, p.38

[13] Fabrice Hadjadj dans famille chrétienne 22.6.2015

[14] Running, Steven W. (2012). "A Measurable Planetary Boundary for the Biosphere" doi:10.1126/science.1227620

[15] Secretary-General Highlights Key Points... United Nations News, 16 Mars 2012

[16] Your guide to science and technology at Rio+20 scidev.net, 12 Juin 2012.