Après le colloque sur la "dimension morale du changement climatique", organisé par l'Académie Pontificale des Sciences, le 28 avril 2015,  en présence du Secrétaire Général de l'ONU, Ban Ki Moon, c'est l’Université Pontificale de la Sainte-Croix (Opus Dei) qui a organisé, le 20 mai  une conférence sur la "nouvelle économie du climat".
Le PDG d’Unilever, la présidente de la banque HSBC pour l’Asie-Pacifique, le directeur du cabinet McKinsey, entre autres, y assistaient. Ils ont eu un entretien privé avec le Pape François. Que sait-on de cette conférence ?

Source: Pontificia Università della sante croce

Commentaires: "les2ailes.com"

L'organisation de la conférence
La conférence sur la « Nouvelle économie climatique- Comment la Croissance Économique et la Durabilité peuvent aller de pair » était co-organisée par l’université pontificale de la Sainte-Croix (Opus Dei), par le gouvernement des Pays-Bas et par la "Global Commission on the Economy and Climate", plate-forme qui réunit décideurs politiques et des affaires ainsi que des économistes sur la question du changement climatique.

Les participants
La conférence a été ouverte par H.R.H. Prince Jaime de Bourbon de Parme, ambassadeur des Pays-Bas près le Saint-Siège. Elle a été ouverte et conclue par S.E. le Cardinal Peter Turkson, président du conseil pontifical Justice et Paix. A cette occasion, il aurait fait valoir qu’aux États-Unis le secteur de l’énergie solaire assure plus d’emplois que celui du charbon.
De nombreuses autres personnes sont intervenues: 
- Felipe Calderón, Président de la "Global Commission on Economy and Climate". Il aurait estimé qu’un développement massif des transports publics urbains serait nécessaire pour désengorger les villes des voitures et aider les moins riches, « qui n’ont pas d’automobile ». 
Une table ronde a réuni , autour d'un modérateur, Andrew Steer, President and CEO of World Resources Institute:
- Paul Polman, CEO Unilever, et président du "World Business Council for Sustainable Development", 
- Naina Lal Kidwai,Chairman, India, Director, HSBC Asia Pacific, 
- Jeremy Oppenheim, Director of McKinsey & Co, former Program Director of the New Climate Economy
- Son Excellence Lilianne Ploumen, Minister for Foreign Trade and Development Coordination of the Kingdom of the Netherlands
- Son Eminence le Cardinal Donald Wuerl, Archevêque de Washington.
Felipe Calderón, président du Global Commission on Economy and Climate, était également présent.

Les messages
Les conférenciers se sont appuyés su un récent rapport: "The New Climate Economy Report"
Ce rapport a pour auteur le World Resources Institute (WRI, Institut des ressources mondiales) qui est un think tank américain, fondé en 1982 et spécialisé dans les questions environnementales, il est proche du Parti démocrate. Il a été fondé par l'avocat James Gustave Speth, ancien secrétaire du Conseil de la qualité environnementale du président Carter. En 1990, le Programme des Nations Unies pour le Developpement (PNUD) l'avait chargé d'un rapport qui constituera la source d'inspiration du Global Environment Facility. Il prône l'adoption d'une législation rigoureuse limitant les émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis. Certaines de ses positions sont toutefois controversées car ce think thank s'est montré très favorable concernant la recherche en matière de séquestration du dioxyde de carbone. 
Il émerge de ce rapport la théorie classique selon laquelle "les objectifs d'amélioration des performances économiques et la réduction des risques climatiques sont complémentaires."
Les organisateurs expliquaient  que "la croissance économique ne peut pas être obtenue sans tenir compte du risque climatique qu'elle comporte. En même temps, la réduction des émissions sera très plus difficile sans une économie forte."
Le discours des entreprises n'avait donc rien d'innovant. Ils ont cherché à montrer qu’opposer la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la croissance économique présente un faux dilemme. La lutte contre le changement climatique offrirait au contraire, selon eux, de nouvelles opportunités à l’instar des énergies renouvelables. Ce type d'argument ne répond ni à la question des causes du réchauffement climatique, ni aux priorités sur lesquelles il convient d'investir.

Un message adressé aux participants par le Cardinal Parolin a été lu en début de conférence aux participants [1]. Auront-ils entendu son appel à "davantage approfondir la réflexion sur la signification de l'économie et ses buts" ?

Une entrevue accordée par le Pape François
Certains participants ont pu être reçu en audience. Ainsi, le PDG d’Unilever, Paul Polnan, la présidente de la banque HSBC pour l’Asie-Pacifique, Naina Lal Kidwai et le directeur du cabinet McKinsey, Jeremy Oppenheim, et Felipe Calderon, qui dirige aujourd’hui la Global Commission on the Economy and Climate, entre autres, ont été reçus. Aucun communiqué du Vatican n'a précisé les propos du Pape, même si, comme d'habitude, ce sont les invités qui lui attribuent des mots qui n'engagent qu'eux-mêmes. Felipe Calderon se serait ainsi félicité que le Pape soit « un allié » dans la lutte contre le réchauffement.


[1] traduction du message du Cardinal Parolin

"J'ai l'honneur d'envoyer des salutations chaleureuses à toute les participants à la Conférence d'aujourd'hui sur "la Nouvelle Économie Climatique-  Comment la croissance économique et la durabilité peuvent aller de pair ".
Je voudrais commencer ma brève réflexion en me rappelant le passage suivant de l'Encyclique Caritas in veritate de Pape Benoît XVI : "On doit alors évaluer attentivement les conséquences sur les personnes des tendances actuelles vers une économie du court, voire du très court terme. Cela demande une réflexion nouvelle et approfondie sur le sens de l’économie et de ses fins [84], ainsi qu’une révision profonde et clairvoyante du modèle de développement pour en corriger les dysfonctionnements et les déséquilibres. C’est ce qu’exige, en outre, l’état de santé écologique de la planète et surtout ce qu’appelle la crise culturelle et morale de l’homme, dont les symptômes sont depuis longtemps évidents partout dans le monde"(n. 32). 
Ces mots peuvent être une source significative d'inspiration pour cette Conférence, qui cherche à explorer la compatibilité entre la croissance économique et la durabilité aussi bien que le développement d'une prétendue "occasion gagnant-gagnant" permettant d'atteindre ces deux buts importants au profit des générations présentes et futures.
Beaucoup d'études, comme celle du Nouveau Rapport d'Économie Climatique, montrent des possibilités diverses pour améliorer les complémentarités entre ces deux objectifs.
Cette conférence est opportune étant donnés que deux processus importants des Nations unies sont en cours : le Sommet de L'ONU pour adopter l'ordre du jour de développement de 2015 et la UNFCCC-COP21 à Paris, en décembre suivant, pour adopter un nouvel accord destiné à affronter les effets indésirables du changement climatique. Tous les deux représentent la responsabilité éthique et morale sérieuse que chacun d'entre nous a vis à vis de la famille humaine entière, particulièrement les pauvres et les générations futures.
Dans son Message à la COP20 de Lima, le Pape François a souligné clairement "la gravité de négligence et l'inaction. Le temps pour trouver des solutions globales vient à manquer. Nous pouvons trouver des solutions appropriées seulement si nous agissons ensemble et dans l'accord. Il y a donc un impératif éthique clair, définitif et urgent pour agir. Un combat efficace contre le réchauffement climatique sera possible seulement grâce à une action collective responsable, qui surmonte les intérêts et les comportements particuliers et se développe sans l'entrave de pressions politiques et économiques. Une réponse collective est aussi capable de surmonter la défiance et de favoriser une culture de solidarité, de rencontre et de dialogue; capable de faire preuve de responsabilité pour protéger la planète et la famille humaine."
Quand l'avenir de la planète est en danger, il n'y a aucune frontière politique, barrières ni murs derrière lesquels nous pouvons nous cacher pour nous protéger des effets de la dégradation environnementale et sociale. Il n'y a pas de place pour une mondialisation de l'indifférence, l'économie de l'exclusion ni la culture du déchet si souvent dénoncée par le Pape François (cf. Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, 52, 53, 59).
Bien sûr, le chemin n'est pas facile, puisque cette responsabilité éthique et morale met en question la redéfinition du modèle de développement, et exige un engagement politique et économique majeur. Cependant, comme je l'ai dit au Sommet Climatique de l'ONU le 23 septembre 2014, "les bases technologiques et opérationnelles nécessaires pour faciliter cette responsabilité mutuelle sont déjà disponibles ou à notre portée. Nous avons la capacité pour commencer et renforcer un processus vrai et avantageux qui irriguera, pour ainsi dire, par l'adaptation et la réduction des activités, le champ d'innovation économique et technologique permettant de cultiver deux objectifs connectés : combattre la pauvreté et alléger les effets du changement climatique."
C'est mon espoir sérieux et je suis sûr qu'il est possible, que cette Conférence apporte une contribution forte dans cette direction, prenant en compte que "la dignité de chaque personne humaine et le bien commun sont des questions qui devraient structurer toute la politique économique" (le Pape Francis, l'Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, n. 203).
Avec les sentiments d'estime et le respect, puis-je vous transmettre les meilleurs voeux de sa sainteté le pape François et son espoir que les discussions et les réflexions de cette Conférence puisse contribuer à davantage approfondir la réflexion sur la signification de l'économie et ses buts, aussi bien qu'à la découverte de façons de garantir l'accès à un développement humain vraiment intégral pour tous, particulièrement les pauvres et les générations futures.
Pietro Card. Parolin"