Mardi 27 mai, le Sénat a adopté, par 290 voix pour et 40 contre, la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour préciser la portée du principe de précaution. Les sénateurs ont introduit un amendement visant à encadrer par la loi la mise en œuvre du principe de précaution. "Presque dix ans après la promulgation de ce texte, l'applicabilité directe du principe de précaution reste un problème majeur car il oblige le juge à interpréter la Constitution", expliquent les élus de la Chambre haute, estimant qu'"il revient au législateur de définir les conditions d'application exacte du principe de précaution". Cet amendement doit permettre "d'éviter une interprétation souvent excessive, voire déraisonnable, des dérives, mais aussi des difficultés d'application".
Source: Site Sénat.fr
Commentaire "les2ailes.com"
Une large majorité sénatoriale en faveur du projet de loi
Les élus UMP, à l'exception de François Grosdidier, les socialistes, à l'exception de six sénateurs, la moitié des 32 sénateurs UDI, et les élus du Rassemblement démocratique et social européen, à l'exception de Jean-Pierre Chevènement et Pierre-Yves Collombat, se sont prononcés en faveur de la proposition de loi.
Présenté par le sénateur UMP Jean Bizet (Manche), cette proposition de loi vise à inscrire un principe d'innovation au même niveau que le principe de précaution, pour que ce dernier ne soit plus un frein, mais un levier à l'innovation et au progrès technologique.
Le contenu du projet de loi constitutionnelle
L'article unique de la présente proposition de loi constitutionnelle entend mieux promouvoir l'existence d'un principe d'innovation dans la Charte de l'environnement.
Il modifie ainsi trois articles de la Charte.
- L'article 5, relatif au principe de précaution, est complété par un alinéa précisant que les autorités publiques "veillent également à ce que la mise en œuvre du principe de précaution constitue un encouragement au développement de la connaissance, à la promotion de l'innovation et au progrès technologique".
Ainsi, elles doivent veiller, en plus de la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et de l'adoption de mesures provisoires et proportionnées en application du principe de précaution, à ce que cette mise en œuvre mette sur un même plan application du principe de précaution et promotion de l'innovation. Cet article veut montrer que le principe de précaution, loin de s'opposer au progrès, doit au contraire promouvoir la recherche et l'innovation.
- A l'article 7, relatif au droit à l'information et à la participation à l'élaboration des décisions publiques pouvant avoir un impact sur l'environnement, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés:
« L'information du public et l'élaboration des décisions publiques s'appuient notamment sur la diffusion des résultats de la recherche et le recours à une expertise scientifique pluridisciplinaire ;
« La loi définit les conditions de l'indépendance de l'expertise scientifique et de la publication des résultats ».
- À l'article 8, après les mots : « formation à l'environnement », sont insérés les mots : «, ainsi que la promotion de la culture scientifique ». Cette modification montre que la promotion de la culture scientifique contribue également à l'exercice des droits et devoirs définis par la Charte.
Une intention louable à mettre en pratique
On ne pourra que ce réjouir de ces modifications.
Malgré tout, le projet ne semble pas aller jusqu'au principe prudentiel qui signifie qu'avant l'action une véritable pesée des bénéfices et des risques doit être menée. Le concept de risque semble encore un sujet tabou dans une société où l'état veut couvrir les citoyens de tout risque, le materner au risque de paralyser l'action.
Assumer la vulnérabilité humaine c'est reconnaître qu'un risque ne s'évalue qu'au regard du risque qu'il y a à ne pas le prendre.
Comment résister à une petite leçon d'histoire?
Dans la série télévisée "L'âge des inventions" sur la chaine TV-replay, Jim Al-Khalili, professeur de physique nucléaire et présentateur vedette de la BBC, raconte l'histoire de l'électricité. Il évoque la bataille pour la conquête du marché de l’éclairage de New-York, entre Edison, tenant du courant continu, et Westinghouse, tenant de l’alternatif. Cette bataille s'est déroulée, politiquement et médiatiquement, sur le terrain de la sécurité : “introduire l’électricité dans une maison, c’est y introduire un tueur invisible, et, des deux tueurs, lequel est le moins dangereux , le continu ou bien l’alternatif ? “. Voilà les termes dans lesquels on plaçait le débat.
On peut se demander où nous en serions maintenant si nos arrière-grands-parents s’étaient comme comporté comme les écolos antinucléaires de maintenant et avaient dit que: “par nature, la sécurité de l’électricité ne pourra jamais atteindre un bon niveau". Ils en auraient conclu que cette mutation technologique aurait donc dû être rejetée”. Avec un tel principe de précaution, nous en serions encore maintenant à l’ère de l’éclairage au gaz! Les pays qui n'auraient pas été soumis à une telle vision du principe de précaution auraient continué à se développer, laissant les autres sur le bord de l'histoire technologique!