A la suite de la 50ème Assemblée plénière des évêques de France qui s’est tenue à Lourdes du 4 au mardi 9 novembre 2010, la presse catholique a repris en boucle : « Deux experts de l'écologie alertent les évêques ». Qui sont ces "experts" ? Qu’ont-ils dit ? Qu’en a tiré le président de la Conférence des évêques de France, Mgr. Vingt-Trois ? La conférence des évêques de France se distingue-t-elle du discours du magistère en matière d’écologie ?

Il nous semble qu’une réponse à ces questions pourrait éviter quelques malentendus …

Commentaires de « les2ailes.com »

1- Qui sont les "experts" intervenus à Lourdes ?

Michel Lepetit, est Polytechnicien, conseiller dans la finance, membre du comité exécutif de Dexia puis, directeur du développement des marchés entreprises et institutionnels au sein du groupe Caisses d'Epargne  et enfin directeur des partenariats et des grand comptes chez AXA.

Dominique Bourg, se qualifie de "Philosophe de l'environnement et du Développement durable", directeur du Centre de Recherches et d'Études Interdisciplinaires sur le Développement Durable (CREIDD) à l'Université de Technologie de Troyes (UTT). C'est donc un proche de Mgr Stenger, évêque de Troyes en charge du groupe de travail épiscopal sur l’écologie. Ses domaines de recherche concernent, entre autres, l'éthique du développement durable, le principe de précaution, et la "démocratie participative". Il est l'auteur de « Pour une démocratie écologique».

2- Qu’ont dits ces "experts" ?

Michel Lepetit « a dressé l'état des lieux des ressources énergétiques (pétrole, gaz et charbon) et expliqué qu'elles ne sont pas infinies ». Nous ne sommes donc pas là dans une problèmatique à proprement parler écologique, mais plutôt économique !  « Il a évoqué le fameux CO2, responsable du réchauffement climatique que plus aucun scientifique n'ose contester » [1]. Ce ralliement à un consensus qui n’existe pas, loin s’en faut, est surprenant.
Il est vrai que Michel Lepetit est un apôtre d'une économie « décarbonnée »,  et a été le sponsor de l’adaptation du Bilan Carbone aux collectivités locales en tant que responsable des marchés Entreprises et institutionnels dans le Groupe des Caisses d’Epargne, en partenariat avec WWF France.

Dominique Bourg a souligné, «  comment ces trente dernières années ont servi un modèle de développement qui est en échec. … "Nos conditions de vie vont se pourrir" a-t-il annoncé en concluant par un appel à la responsabilité et à la créativité. Pour lui, c'est une chance, nous devons "réinterroger les fondamentaux de notre civilisation" » [2].
Malheureusement, on connait les positions de Dominique Bourg. Il  a été un des  mentors de Nicolas Hulot qu’il avait rencontré en 1998, si l’on en croit la journaliste Bérengère Bonte dans son livre « Sain Nicolas » : « ‘Nicolas cherchait à s’acoquiner avec un philosophe’, explique lui-même Dominique Bourg, qui a volontiers accepté de devenir son mentor.”  Il a adhéré au Comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot. ‘Ces gens-là ont formé ma sémantique’, reconnaît Nicolas Hulot ».
Vincent Cheney, dans sa revue « La Décroissance » explique le soudain « retournement » de Dominique Bourg, qui « après avoir défendu et vulgarisé pendant plus de vingt ans le concept de développement durable – développé à partir des années 80 par le WWF –, se serait converti à celui, plus radical, de décroissance, « (re)découvrant la sagesse des gourous de l’écologie radicale ». Tout cela a des conséquences en matière de gouvernance : « Les problèmes écologiques globaux requéraient une réduction de la démocratie au profit de structures plus autoritaires, capables d’imposer de nouvelles normes, écologiquement fondées », écrit Dominique Bourg.
L’édifice du philosophe repose sur la primauté de la nature sur l’intelligence humaine et sur la liberté. Dans son livre « Pour une démocratie écologique », Dominique Bourg est très clair à ce sujet : « La liberté, dans son essence même, dresse l’intelligence humaine et le raisonnement moral contre la nature ». Drôle de concept de la liberté !

On peut un peu regretter que Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes et Président de Pax Christi, en charge du choix du groupe de travail épiscopal sur l’écologie, n’ait pas fait appel à une pluralité de points de vue sur ces questions en contre point de ces dits- « experts » qui reflète plus des opinions personnels qu'autre chose. C’est pourtant cette pluralité qu’avait su rassembler, dans sa sagesse, le conseil pontifical « justice et paix », en avril 2007. Nous y reviendrons.

3- Qu’a conclu la Conférence des évêques de ces auditions ?

Le Cardinal Vingt-Trois a conclu dans son discours : « Le travail entrepris sur l'écologie concerne aussi notre avenir, l'avenir de notre monde dans toute son extension. Il est légitime, nécessaire et stimulant de faire apparaître la responsabilité humaine dans les dégradations des grands équilibres naturels. Il est aussi important de ne pas se laisser entraîner dans une lecture des observations recueillies qui ferait de l'homme le principal ennemi de la planète. L'écologie est un engagement important pour que les ressources de la terre soient au service des hommes, non pour que les hommes deviennent les serviteurs d'un naturalisme planétaire » [3].

En évoquant, « la responsabilité humaine dans les dégradations des grands équilibres naturels », il y a risque de confusion. Certains chrétiens comprendront qu'il s'agit de formes de polutions évidentes. D'autres, pensant naturellement au réchauffement climatique, y verront un ralliement de nos évêques à un pseudo consensus scientifique sur ce sujet ?

Heureusement, en matière de "responsabilité humaine", le Cardinal Vingt-Trois met en garde sur les risques de considérer "l’homme comme un ennemi d’un naturalisme planétaire".
On est donc loin de la déclaration de Mgr Stenger qui, à l’ouverture du congrès de Pax Christi, le 17 mars 2007 à l’institut catholique de Paris, avait vu « un enjeu de foi à s’opposer au dérèglement climatique, à l’épuisement des ressources » [4] !

L'évêque de Troyes a, cette fois-ci, été plus mesuré en expliquant à la presse que, "pour l'instant, les évêques sont dans une phase d'information. Nous avons seulement balayé l'ensemble des problèmes, mais pas encore arrêté de position officielle, l'idée étant de formuler dans un proche avenir une parole commune" .

En attendant, qui écouter pour avoir une idée de la doctrine écologique de l'Eglise ?

4- Quid de la compétence des conférences épiscopales ?

4.1. Le devoir des conférences épiscopales de "suivre le magistère"

Le concept de "conférence épiscopale" n’est pas neuf dans l’Eglise : en 1965, le Concile Vatican II a publiéle décret 'Christus Dominus' sur la Charge pastorale des évêques dans l’Eglise. C’est là précisément que le concept a été défini : « Une conférence épiscopale est en quelque sorte une assemblée dans laquelle les prélats d’un pays ou d’un territoire exercent conjointement leur charge pastorale en vue de promouvoir davantage le bien que l’Église offre aux hommes, en particulier par des formes et méthodes d’apostolat convenablement adaptées aux circonstances présentes.» (Christus Dominus, 38.)

Mais, Mgr Vasa, évêque de Baker, Oregon (Etats-Unis) a récemment supposé que Jean-Paul II a pu être inquiet de voir des conférences outrepasser les limites de leur autorité légitime et empiéter sur les frontières de l’autorité légitime des évêques. Ce serait en partie pourquoi il aurait cru utile de préciser les choses: «Puisque la doctrine de la foi est un bien commun de toute l’Église et le lien de sa communion, les évêques, réunis dans la Conférence épiscopale, veillent surtout à suivre le magistère de l’Église universelle et à le faire opportunément connaître au peuple qui leur est confié». (Jean-Paul II : Motu proprio Apostolos Suos du 21 mai 1998 - § 21) [5].

"Suivre le Magistère"? Cela pose la question de la manière dont s’exprime ce magistère en matière de doctrine sociale de l’Eglise, et plus particulièrement d’écologie.
D'un côté, il n’y a pas de doute que l’exercice unifié d’une charge pastorale est à la fois pratique et souhaitable. En cela, cet exercice évite que des « comités épiscopaux » aient une vie propre, apparemment indépendante du corps des évêques. 
Mais, d'un autre côté, il faut discerner les différents degrés à travers lesquels le magistère s’exprime.  

4.2. Qu’est ce qu’une « Vérité du Magistère » ?

Pour comprendre comment s’exprime le magistère, nous nous référons à Mgr J-L Bruguès, (« Précis de théologie morale », Mame, 1995), secrétaire de la congrégation pour l'éducation catholique depuis 2008. L’auteur retient deux types d’interventions :

1- Intervention du « magistère extraordinaire »
Elle s’exerce « ex cathedra » par le Pape ou lors d’un concile œcuménique. Il propose alors un enseignement « infaillible », par exemple lors du concile Vatican 1 (avec la Constitution « Pastor aeternus » codicille 4), ou du concile Vatican 2 (Lumen Gentium, 25).
Ce type de « vérité » requiert de la part des fidèles un « assentiment absolu » de la foi théologale.

2- Intervention du « magistère ordinaire »
Il en existe quatre degrés :

  • La proposition d’une « Doctrine de foi ».
    Elle a un caractère universel et est de l’ordre d’une vérité divinement révélée.
    Ce type de déclaration  requiert, de la part des fidèles, la même adhésion que celle  qui est due au Magistère extraordinaire infaillible, une « adhésion de la foi théologale ». Les refuser peut équivaloir à  une forme d’auto exclusion de l’église.
  • La proposition d’une « Vérité définitive ».
    Elle a un caractère irréformable concernant la foi ou les mœurs qui, même si elle n’est pas « divinement révélée », se trouve cependant dans un rapport d’étroite connexion avec la révélation.
    Une telle déclaration  requiert de la part des fidèles une « adhésion fermement acceptée et tenue ». Par exemple, le Concile qualifie l’avortement de « crime abominable », et « Humanae Vitae » le place sous le coup de l’interdiction divine, refuser cette proposition équivaudrait à une rupture morale avec l’Eglise.
  • La proposition d’une « vérité non-définitive ».
    Elle est destinée à faciliter la compréhension des vérités de foi et leur connexion avec les mœurs.
    L’adhésion passe par un « assentiment religieux de l’intelligence et de la volonté ». Par exemple: l’Eglise ne considère pas comme vérité définitive que l’embryon soit une personne. Elle se contente donc d’affirmer qu’il doit être considéré « comme une personne ».
  • L’appel à la « prudence ».
    Il est destiné à nourrir la réflexion des croyants. Cet enseignement n’est pas définitif et peut être révisé.
    Un chrétien lui doit un « acquiescement loyal et respectueux, même s’il peut être critique ».  Par « loyal », on entendra une critique à la condition que l’enseignement ait été préalablement travaillé, étudié et entendu.
    On est dans ce cas quand il s’agit de doctrine sociale de l’Eglise et d’écologie.

De cette tyologie des Vérités d'eglise, on retient que le "magistère", en matière de Doctrine Sociale, et donc d'Ecologie, ne prétend donc pas exprimer des vérités définitives: il lance des appels à la prudence. Si donc nous nous permettons d’être « critique » vis-à-vis de certains commentaires concernant les évêques de France à Lourdes, en matière d’écologie, ce n'est que dans un esprit filial et loyal, c'est à dire après avoir étudié la doctrine du magistère sur ces questions.

Car, comme on va le voir, le magistère s'exprime davantage à travers des propos individuels d'évêques plutôt que de déclaration de conférences épiscopales. Et, en tout état de cause, des documents tels que le "Compendium de la Doctrine Sociale de l'Eglise" restent la référence à analyser.

4.3. Une déclaration épiscopale vaut-elle une déclaration du magistère ?

Pour que les déclarations doctrinales des Conférences puissent avoir le caractère d’un magistère épiscopal authentique, elles doivent être approuvées à l’unanimité ou, approuvées par au moins les deux tiers de leurs membres, recevoir une « recognitio » (reconnaissance) de Rome. De telles conditions expliquent leur rareté. Ce n’était pas le cas à l'issue de la conférence des évêques de Lourdes.

« La nature même de la fonction doctrinale des évêques suppose que, s’ils l’exercent conjointement en Conférence épiscopale, cela ait lieu dans le cadre de l’Assemblée plénière. Des organismes plus restreints — le conseil permanent, une commission ou d’autres services — n’ont pas l’autorité nécessaire pour poser des actes de magistère authentique ni en leur nom propre ni au nom de la Conférence, même pas par délégation de cette dernière.» (Jean-Paul II, Motu proprio Apostolos Suos (21 mai 1998) § 23).

L’historien et philosophe Denis Sureau concluait, en 2007 : « Les prêtres et fidèles doivent avoir ces données à l’esprit pour traiter les déclarations parfois étranges non seulement de la Conférence mais surtout de ses organes. Ceux-ci ne représentent qu’eux-mêmes. Rien ne sert de se scandaliser face à de tels propos. La difficulté vient lorsque les médias présentent la position de Mgr Untel, président de la Commission Théodule, comme «la» position de «l’épiscopat» voire, plus grave encore, la position de l’Église. Il importe donc, à temps et à contretemps, de mettre chacun face à ses responsabilités » [6].

4.4. Le rôle prééminent d'un évêque parlant personnellement

Mgr Robert Vasa, évêque de Baker, Oregon (Etats-Unis) a récemment souligné ce point très paradoxal [7].

Il a rappellé le droit, mais aussi le devoir de chaque évêque, d'enseigner ceux dont il a la charge. Mgr Vasa montre la grande tentation de se réfugier derrière des comités, des commissions ou une conférence : « Il y a matière à inquiétude en ce qui concerne la tendance de la conférence à s’approprier une vie autonome et à commencer à remplacer ou à déplacer ce qui revient en propre aux évêques individuels, jusque dans leurs propres diocèses. Il peut bien y avoir aussi une tendance malheureuse de la part des évêques à se dessaisir, au profit de la conférence, d’une partie de leur rôle et de leur devoir épiscopal » [8].

En réalité, le texte Christus Dominus, montre que Vatican II était assez révolutionnaire dans sa forte insistance sur l’étendue de l’autorité de l’évêque diocésain. Le cardinal Ratzinger (futur Benoît XVI), dans Le Rapport Ratzinger sur l’état de l’Eglise, parlant de ce texte de Vatican II se montra un peu plus direct : « Cette nouvelle insistance décisive sur le rôle des évêques est en réalité restreinte, voire risque d’être asphyxiée par l’insertion des évêques au sein de conférences épiscopales toujours plus organisées, la plupart du temps avec de pesantes structures bureaucratiques. Nous ne devons pas oublier que les conférences épiscopales n’ont aucun fondement théologique, ils n’appartiennent pas à la structure de l’Eglise comme l’a voulue le Christ, qui ne peut être éliminée ; elles ont seulement une fonction pratique, concrète » (Le Rapport Ratzinger, 59-61).

Dans son interview, le cardinal Ratzinger confirmait : « Aucune conférence épiscopale, en tant que telle, n’a une mission d’enseignement ; ses documents n’ont pas de poids propre si ce n’est celui qui leur est donné par le consentement qui leur est accordé par les évêques individuels ».

La reconnaissance du rôle prééminent des évêques individuels n’est pas une création du Concile Vatican II. Dans sa seconde Epître à Timothée, saint Paul écrit : « Je t'adjure devant Dieu et le Christ Jésus, qui doit juger les vivants et les morts, et par son apparition et par son règne: prêche la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, censure, exhorte, avec une entière patience et (souci d') instruction. » (2 Tim 4 :1-2)

Cette admonition s’adresse aux évêques en tant que personnes et, comme le cardinal Ratzinger le souligne, elle ne s’étend pas aux conférences épiscopales. Le cardinal Ratzinger insiste sur le caractère crucial de la netteté avec laquelle il faut définir le rôle particulier de l’évêque : « Car il s’agit de sauvegarder la nature même de l’Eglise catholique, qui est fondée sur une structure épiscopale et non pas sur une espèce de fédération d’Eglises nationales. Le niveau national n’est pas une dimension ecclésiale. Il doit redevenir très clair que dans chaque diocèse, il y a un seul pasteur et maître de la foi en communion avec les autres pasteurs et maîtres et avec le Vicaire du Christ. » (Le Rapport Ratzinger).

A propos de ces déclarations des conférences, le cardinal Ratzinger avançait quelque chose d’assez prophétique : « Il arrive que tel ou tel évêque fasse montre d’un certain manque de responsabilité individuelle, et que la délégation de ses pouvoirs inaliénables en tant que pasteur et maître entre les mains des structures de la conférence locale aboutisse à laisser tomber dans l’anonymat ce qui devrait rester très personnel. Le groupe des évêques unis au sein des conférences dépend pour ses décisions d’autres groupes, de commissions établies pour faire des projets de propositions. Il arrive alors souvent que la recherche d’un accord entre les différentes tendances et les efforts de médiation aboutissent à des documents au rabais dans lesquelles des prises de position décisives (là où elles pourraient être indispensables) sont affaiblies. » (Le Rapport Ratzinger, 59-61)

4.5. Les risques d’arriver à un « plus petit commun dénominateur »

Le risque existe, dans le discours écologique de la conférence des évêques, par souci pastoral, de ne pas vouloir contredire de nombreux chrétiens  actifs dans des mouvements écologistes et de faire appel à des « experts » ce qui poussent la pousse à  "édulcorer" le message du magistère.

Dans « Le Rapport Ratzinger », le futur pape pointait le danger réel de la recherche du consensus qui  peut aboutir à un document aplani. Mgr Vasa craint  « des documents qui ont trouvé leur plus petit commun dénominateur … et un régime continu de documents plus aplanis que tout texte publié par un évêque individuel ».

On ne peut s’empêcher de comparer le discours de clôture de Mgr Vingt-Trois, obligé à une vague synthèse, avec les propos magnifiques -et plus personnels- de Mgr d’Ornellas en juin 2010 à Ste-Clotilde [9]. Le propos était de haute volée et poussait à la méditation.

Mgr Vasa voit le risque  « que les fidèles, et peut-être aussi [les] gouvernements, perçoivent la conférence comme une sorte de magistère intermédiaire auquel chaque évêque doit obéissance et respect, et qui a toujours le pouvoir de s’exprimer au nom des évêques. Ce n’est pas du tout le cas ».
Tout en reconnaissant le but légitime des conférences épiscopales, le pape Jean-Paul II écrivait : « Ce but à poursuivre demande, en tout cas, d'éviter la bureaucratisation des services et des commissions qui travaillent entre les réunions plénières. On doit tenir compte du fait essentiel que les Conférences épiscopales, avec leurs commissions et leurs services, existent pour aider les Évêques et non pour se substituer à eux. » (Apostolos Suos, 18.)

4.6. De la tentation de se laisser gagner par l’esprit du monde

Saint Paul avait donné conseil à Timothée à propos des manières possibles de s’occuper de l’erreur, en soulignant qu’il est nécessaire de « reprendre, censurer, exhorter, avec une entière patience et (souci d')instruction ». La tonalité nécessaire des documents pastoraux tend davantage à l’invitation qu’à la réprobation ou la correction. L’instruction de Paul à Timothée est certainement pertinente: « Car un temps viendra où (les hommes) ne supporteront pas la saine doctrine, mais au gré de leurs désirs se donneront une foule de maîtres, l'oreille leur démangeant, et ils détourneront l'oreille de la vérité pour se tourner vers les fables. Pour toi, sois sobre en toutes choses, endure la souffrance, fais œuvre de prédicateur de l'Evangile, remplis pleinement ton ministère. » (2 Timothée 4 :3-5.) [10]

Malheureusement, les enseignements du Maistère sont rarement populaires et peu analysés dans l’ensemble. C’est le cas du contenu écologique du « Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise ».

5- La doctrine sociale de l’Eglise, et « l’écologie »

Pourquoi nous en tenir au « Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise » (CDSE) et aux travaux du « Conseil Pontifical Justice et Paix »? Parce que ces documents ont, le plus souvent mis plusieurs années à être élaborés, sous le regard du Saint-Père
Nous pensons utile de commenter ce document en contre point de ce qui a pu être dit à Lourdes. Voyons en quelques points très concrets.
Le « Compendium de la doctrine Sociale de l’Eglise » parle peu d’écologie de la nature, mais plutôt de :

  • L’écologie humaine: « La première structure fondamentale pour une “écologie humaine” est la famille,… en  protégeant le bien primordial de la vie » (CDSE – § 212)
  • L’écologie sociale « du travail [pour] contribuer au bien commun » (CDSE – § 340)
  • La civilisation de l’amour : « Seule une humanité dans  laquelle règne la “civilisation de l'amour” pourra  jouir d'une paix authentique et durable » (CDSE – § 582)

5.1. La doctrine sociale de l’Eglise, et « le développement durable  »

« Le développement économique peut être durable s'il se réalise au sein d'un cadre clair et défini de normes et d'un vaste projet de croissance morale, civile et culturelle de l'ensemble de la famille humaine ». (CDSE – § 372)
Il n’y a donc pas de place pour un concept de « développement durable » s’il n’est pas clairement défini.

Un autre concept a sa préférence, celui de « développement intégral et solidaire » pour l’humanité : « Une des tâches fondamentales des acteurs de l'économie internationale est d'atteindre un développement intégral et solidaire pour l'humanité, c'est-à-dire de « promouvoir tout homme et tout l'homme ». (CDSE – § 372)

5.2. La doctrine sociale de l’Eglise, et le « changement climatique»

A l’issue du séminaire sur le changement climatique (conseil Pontifical Justice et Paix - avril 2007),  Mgr  Crepaldi déclara : « Pour les uns, où se trouve la fine fleur du monde scientifique,  dont les positions aujourd'hui sont  indubitablement dominantes, la cause des changements climatiques est attribuée aux activités humaines, surtout industrielles ; L'autre école — qui a moins de visibilité et qui est moins aguerrie — soutient que l'homme pèse marginalement  sur les changements climatiques et que la cause est imputable aux  cycles naturels du réchauffement et du refroidissement de l'atmosphère ».

Tout cela parait quelque peu éloigné des certitudes de nos soi-disant "experts" de Lourdes qui évoquent « le fameux CO2, responsable du réchauffement climatique que plus aucun scientifique n'ose contester ».

5.3. La doctrine sociale de l’Eglise et les « OGM»

Il "n’existe pas d’indications spécifiques du Magistère de l’Eglise sur les biotechnologies…C’est pour cette raison que j’ai freiné tous ceux qui exigeaient une condamnation de ces produits. C'est ce que disait Mgr Grecia, rédacteur du très officiel "lexique des questions éthiques".
Et, à l’issue du Séminaire du Conseil pontifical Justice et Paix des 10 et 11/11/2003, le cardinal Renato-Raffaele Martino  avait déclaré: « Ce séminaire nous a fait comprendre que le domaine des OGM ne doit pas être abandonné ».

5.4. La doctrine sociale de l’Eglise et la « solidarité avec les générations futures »

« La solidarité entre les générations exige que, dans la planification globale, on agisse selon le principe de la destination universelle des biens, qui rend moralement illicite et économiquement contre-productif  de décharger les coûts actuels sur les générations  futures: moralement illicite signifie ne pas assumer les responsabilités nécessaires, et économiquement  contreproductif parce que la réparation des dommages  coûte davantage que la prévention ». (CDSE §367)

Autrement dit, la problématique est économique et non pas une simple question de conserver des stocks de pétrole pour les générations futures ! Devrions-nous remercier nos grands-pères de nous avoir gardés des stocks de tourbe ? Question absurde ! Michel Lepetit, en dressant à Lourdes un « état des lieux des ressources énergétiques (pétrole, gaz et charbon) et expliqué qu'elles ne sont pas infinies » tient-il un discours écologique ou économique? A-t-il réellement le souci de toutes les générations, les actuelles et les futures ?

5.5. La doctrine sociale de l’Eglise et la « croissance »

Le « Compendium » parle de « croissance », en termes de « croissance de la personne humaine », d’ « authentique croissance de l’homme », de la « croissance de son être en tant que personne », de « croissance appropriée », de « croissance sociale effective». (CDSE § 12, 66, 135, 182, 185, 227, 231, 326, 394, 554 et 581).
Il parle également de « droit au développement [qui] se fonde sur les principes suivants: unité d'origine et communauté de destin de la famille humaine; égalité entre toutes les personnes et entre toutes les communautés basée sur la dignité humaine; destination universelle des biens de la terre; intégralité de la notion de développement, caractère central de la personne humaine; et solidarité ». Ibid, § 446 et « il faut trouver des voies pour ne pas compromettre le droit fondamental des peuples à leur subsistance et à leur progrès ». (CDSE § 450)

Dominique Bourg a-t-il donc eu raison de souligner à Lourdes « comment ces trente dernières années ont servi un modèle de développement qui est en échec » ? On sait trop que cet « expert » a, en fait,  « après avoir défendu et vulgarisé pendant plus de vingt ans le concept de développement durable, se serait converti à celui, plus radical, de décroissance, « (re)découvrant la sagesse des gourous de l’écologie radicale » [11].

6- Conclusion

Il se peut bien que le fait pour des prélats de se reposer sur des documents épiscopaux ait pour origine une double peur : celle d’adresser des reproches à l’écologiquement correct et celle d’être soi-même l’objet de reproches de ne pas avoir été écologiquement correct.

Or, en matière d’écologie, le "Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise" est, par bien des aspects  à l’opposé de la culture ambiante et se refuse à une complicité ou une compromission avec le mal qui est le fait de sémantiques holistiques, dites « fourre-tout » où tout le monde semble se retrouver.


[1] Site de la conférence des évêques de France

[2] Site de la conférence des évêques de France

[3] Site de la conférence des évêques de France

[4] http://paxchristi.cef.fr/docs/CongresBartet07.pdf

[5] http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/motu_proprio/documents/hf_jp-ii_motu-proprio_22071998_apostolos-suos_fr.html

[6] L'Homme Nouveau (n°1409 daté du samedi 24 novembre 2007, pp.1 et 2),

[7] Le 16 septembre 2010 lors du dîner annuel de l'InsideCatholic Partnership Award à Washington (D.C.), C'est à Jeanne Smith que l'on doit la traduction des propos de Mgr Vasa. Le texte de cette intervention a inspire beaucoup inspiré les présentes réflexions.

[8]  http://leblogdejeannesmits.blogspot.com/2010/10/la-conference-de-mgr-vasa-sur-les.html

[9] Mgr d'Ornellas faisait allusion à une citation de St-Augustin : "Donc, pour exprimer de mon mieux en peu de mots la notion de la loi éternelle gravée en nous, je dirai : c'est la loi en vertu de laquelle il est juste que toutes choses soient bien ordonnées" (traité du libre arbitre I,6) "lex aeterna est qua justum est ut omnia sint ordinatissima".

Mgr d’Ornellas en tirait ce très beau commentaire : « Ordinatissima: ce superlatif indique qu'il y a quelque chose, disons en termes actuels un "écosystème" qui nous dépasse.... Cet écosystème a un double aspect.

  • l'un est externe: l'environnement, la création, la nature, tout ce qui touche à l'écologie, ...
  • l'autre est interne: c'est nous mêmes, dans notre croissance et notre manière d'être...

Comment faire pour aller d'un écosystème à un autre écosystème?
Pouvons-nous comprendre qu'il existe un "écosystème", c'est à dire un "ordre plus que parfait" dans le monde extérieur, si nous ne comprenons pas que nous sommes nous-mêmes un "écosystème ? »...
« Le jeu de miroir... entre nos deux "écosystèmes" nous permet de comprendre qu'il n'y a pas d'écologie sans bioéthique et qu'il n'y a pas de bioéthique sans écologie. ...
Ces deux écosystèmes se parlent l'un l'autre, parce qu'ils relèvent de la même mesure, "ordinatissima": nous ne sommes pas moins ordonnés que la création, elle n'est pas moins ordonnée que nous... La même mesure habite nos deux "écosystèmes": c'est une mesure de sagesse... Cette mesure nous effraie peut-être, car elle inclut la vulnérabilité... »

[10] http://www.chretiente.info/201010060000/la-conference-de-mgr-vasa-sur-les-conferences-episcopales-leur-role-et-leurs-limites-iii/

[11] Vincent Cheney, dans sa revue, « La Décroissance »