Une affaire de viol en Allemagne, après celle du Brésil en 2009, a de nouveau enflammé les médias contre la doctrine de l’Eglise en matière de défense de la vie. Il faut souligner le caractère douloureux de ces situations et la compassion indispensable que l’Eglise doit à toutes les personnes blessées dans le plus profond de leurs personnes. Mais ce n’est pas une raison pour instrumentaliser ces situations et en profiter pour diffuser des contrevérités. Le journal la Croix a-t-il eu raison de titrer, le 21 février 2013 : « Les évêques allemands autorisent la pilule du lendemain en cas de viol » ? Quels sont les faits exacts ?

Source : La Croix.fr du 21.2.2013
Agence Aciprensa du 20.2.2013
Communiqué de la Conférence des évêques allemands (DBK) du 21.2.2013

Commentaire "ordinatissima.com"

Les faits
Une jeune femme de 25 ans qui pensait avoir été violée pendant une soirée où elle avait pu abuser d'alcool ou de drogues, se présente successivement dans deux cliniques catholiques de Cologne le 15 décembre 2012 pour réclamer une pilule du lendemain pour éviter de tomber enceinte à la suite du viol.
Dans les deux cas, les gynécologues qui avaient reçu la jeune femme l’avaient renvoyée de peur de perdre leur emploi, étant donné qu’elles sont, par contrat, tenues de respecter les principes de l’Eglise catholique. Une urgentiste de Cologne révèle les faits fin janvier 2013, déclenchant, plus d'un mois après les faits, une polémique haineuse amplifiée par les élus Verts et répercutée au parlement régional de Rhénanie-du-Nord-Westpahlie dans ce Land où la moitié des établissements de santé sont gérés par des organismes affiliés par l’Eglise catholique.

La réaction de Joachim Meisner, Cardinal de Cologne
Le cardinal Joachim Meisner a exprimé des regrets. Lesquels ?
Il faut être précis :
- D’abord,  « regret d’avoir donné l’impression au public que les victimes de viol ne peuvent être soignées dans des hôpitaux catholiques. Cela n’est pas exact ». Le cardinal n’a pas précisé de quels soins il s’agit.
- Ensuite, regrets de ne pas avoir accueilli la jeune femme : « Elle cherchait de l’aide dans une grande détresse et n’a pas trouvé accueil. Ce procédé nous fait profondément honte, car il va à rebours de notre mission et de notre conception chrétienne ».
- Pour terminer, le cardinal Joachim Meisner a rappelé l’opposition de l’Eglise à la contraception d’urgence, qui peut avoir pour action « l’homicide d’un enfant potentiellement conçu ».

L’appel à experts
Le 29 janvier 2013, le « porte voix » du Cardinal, Christoph Heckeley, a déclaré que la « pilule du lendemain » peut légitimement être utilisée par les femmes victimes d’abus. Il y a mis une condition : « Si, à la suite d’un viol, on administre un médicament dont l’effet est d’éviter une fécondation, alors, de mon point de vue, cela est justifiable ». Toute la question est de savoir de quel soin on parle. Une pilule qui « évite une fécondation », n’a rien à voir avec une pilule du lendemain qui « empêche l’ovulation ET la nidification ».
Après consultation d'experts, Joachim Meisner a différencié deux types d'action de la pilule du lendemain. « Si après un viol, une préparation dont le principe actif est d'empêcher une conception est employée dans l'intention d'empêcher la fécondation, alors elle est à mon avis justifiable », déclarait-il dans son communiqué. Le cardinal dénonçait en revanche l'utilisation du médicament« dans l'intention d'empêcher la nidation d'un ovule déjà fécondé ». Pour le septuagénaire, cette action constitue un avortement.
Nous sommes donc au cœur d’un débat d’expert.
La doctrine du cardinal est donc bien que si la pilule du lendemain est abortive, le jugement ne soit pas le même que si elle n’est que contraceptive.
Les femmes victimes de viol peuvent recevoir la pilule du lendemain dans les hôpitaux catholiques allemands, à condition qu'elles n'aient pas encore ovulé.

 

La réaction de la Conférence des évêques d’Allemagne
C’est dans ce contexte que Robert Zollitsch, président de la conférence épiscopale allemande, a déclaré dans un communiqué du 21 février 2013 (§8) : « L’assemblée plénière s’est saisie de l’affaire de la distribution de la dénommée « pilule d’après » [pilule du lendemain] aux femmes victimes de viol, sous l’aspect de la théologie morale. Le cardinal Karl Lehmann (Mayence), président de la Commission Foi de la conférence des évêques d’Allemagne, a présenté, sur la base des connaissances scientifiques sur la disponibilité de nouvelles préparations ayant un mode d’action modifié, l’évaluation morale-théologique de l’utilisation de la dénommée « pilule d’après ». Le cardinal Joachim Meisner (Cologne) a expliqué le contexte de l’affaire du renvoi d’une victime de viol par deux établissements de santé de Cologne avec sa déclaration du 31 janvier 2013, faite en accord avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et avec l’Académie pontificale pour la vie. 
L’assemblée plénière a confirmé que les femmes victimes de viol reçoivent évidemment dans les hôpitaux catholiques une aide humaine, médicale, psychologique et spirituelle. La fourniture d’une « pilule du lendemain » peut en faire partie, dans la mesure où elle à une action contraceptive et non abortive. Les méthodes médicales et pharmaceutiques qui provoquent la mort d’un embryon, devront continuer de ne pas être utilisées. Les évêques d’Allemagne font confiance aux établissements sous la responsabilité de l’Eglise pour qu'ils se conforment à ce principe de la théologie morale pour toute décision pratique de traitement. Dans tous les cas il faut respecter la décision de la femme.L’assemblée plénière reconnaît la nécessité, à côté de ces premières prises de position sur la « pilule d’après », d’approfondir les autres aspects de la question – en rapport, notamment, avec les personnes compétentes à Rome – et de préciser les modifications nécessaires. Les évêques conduiront avec les responsables des hôpitaux catholiques, les gynécologues catholiques, ainsi qu’avec des conseillères et des conseillers, les discussions correspondantes ».
La conférence épiscopale laisse donc aux médecins catholiques la tâche d'évaluer la moralité du recours à la contraception d'urgence. Si le médicament est administré avant l'ovulation, il bloque l'expulsion de l'ovule. Cette intervention peut être tolérée pour prémunir les victimes de viol d'une fécondation criminelle. Mais si le même médicament est pris après le début de l'ovulation, il évite la nidation, c'est-à-dire qu'il tente d'empêcher l'utérus d'accueillir un éventuel ovule fécondé. Il doit alors être refusé même en cas de viol.
Il n’y a donc rien de vraiment nouveau !
« Dans tous les cas, la décision de la femme concernée doit être respectée », a cependant concédé le cardinal Zollitsch. Il admet par-là, à la suite du cardinal Meisner, qu'au sein des institutions catholiques, les femmes peuvent être informées sur les possibilités offertes ailleurs.
Là encore, il n’y aurait donc rien de vraiment nouveau : l’Eglise a toujours considéré que seule la conscience doit guider les personnes dans leur choix. Ce que demande l’Eglise, c’est que les médecins catholiques ne participent pas, dans ce cas, à un acte abortif.

La confirmation de l’Académie Pontificale pour la vie
L'Académie pontificale pour la vie, en la personne du Dr Gaetano Torlone, membre sortant, a adressé un courriel à ACI-Prensa le 19 février 2013 sous la responsabilité du président, Mgr Ignacio Carrasco de Paula, où il qualifie de « fausse et trompeuse » l'information qui a circulé pendant les jours précédents sur la supposée approbation par ce dicastère ou par le Cardinal Meisner de la pilule du lendemain en cas de viol.
Ce courriel précise que le « cardinal parle de médicament, de n'importe quel médicament qui empêche la conception, non de la pilule du lendemain ». Le Dr Torlone avait précisé qu'en cas de viol, « il est licite d'utiliser des médicaments anticonceptionnels, mais il n'est jamais licite d'utiliser des médicaments abortifs parce qu'il n'est jamais licite d'assassiner un être humain ». Et de rappeler que la vie humaine commence à la « conception », c'est-à-dire à la « fécondation ». Il précise : « Empêcher volontairement la nidation de l'embyron est une action abortive, un péché extrêmement grave ».
Dans le même temps, le Dr Torlone précise : « Nous ne connaissons pas les déclarations du cardinal Meisner aux médias locaux et en tous les cas elles n'ont pas un intérêt particulier » pour l'APV, « nous connaissons sa foi, sa fidélité à l'Eglise, son abnégation ».

Pourquoi l’Eglise refuse-t-elle le recours à l’avortement ?
S’il ne se passe pas d’année sans que l’Eglise et les papes évoquent la question de l’avortement, c’est qu’il est considéré comme un « des crimes qu'aucune loi humaine ne peut prétendre légitime ». L’Eglise sait pourtant que « le choix de l’avortement revêt pour la mère un caractère dramatique et douloureux ». Mais elle rappelle pourquoi l’avortement créé plus de désordre qu’il n’apporte de solutions. Malgré tout, l’Eglise est pleine de sollicitude vis-à-vis des femmes qui portent cette blessure dans leur âme et les appelle « à ne pas se laisser aller au découragement et à ne pas renoncer à l'espérance ».

L’Eglise a conscience des détresses dans laquelle la société peut placer certaines femmes
L’Eglise n’ignore pas la situation des femmes. Une étude[1] a permis de recueillir les sentiments de détresses déclarées par des femmes ayant demandé l’avortement. Les réponses ont été, par ordre décroissant :
-  manque ressenti de ressources financières, chômage, études non terminées,…
-  relation précaire avec le père de l’enfant,… 
-  volonté de retravailler ou de ne plus rester mère au foyer,…
-  nombre d’enfants perçu comme trop élevé,…
-  travail précaire,…
-  relation trop récente avec le père,…
-  souci éducatif ou difficultés de santé avec un enfant,…
-  santé ou psychisme fragile de la mère,…

Le cas du viol
Viennent s’ajouter à cette liste les situations plus rares de risque de handicap, ou plus exceptionnelles encore comme le viol. D’autres raisons sont plus rarement évoquées: violences conjugales, père inconnu, pression des parents ou du conjoint.
Est-ce une raison pour justifier un mal par un autre mal ?
Amélie Desrumeaux, chanteuse, apporte une réponse qui mérite d’être méditée. Elle n’a pas hésité à témoigner du viol dont elle a été victime : « une femme qui a été violée ne peut reporter ce crime sur l’enfant. C’est dur de vivre deux viols successifs, celui du viol proprement dit et celui de l’avortement. Cela fait deux blessures à porter. Pour une femme c’est beaucoup. L’avortement est un viol. On fait rentrer dans son corps la mort. Comment une femme peut-elle se redresser après cela» ? On peut comprendre que la femme après avoir accouché ne puisse pas élever cet enfant qui lui rappelle son traumatisme. Cependant de nombreuses associations proposent de trouver des familles d’accueil pour l’accompagner pendant sa grossesse et qui sont prêtes à garder l’enfant si, une fois le premier choc terrible subi, elle se sent toujours incapable de le garder.

Conclusion
Les affaires de viol sont montées en épingle par des medias qui s’appuient sur des cas dramatiques et dont il ne faut pas minimiser le caractère douloureux. Au lieu d’instrumentaliser ces affaires, chacun doit se demander ce qu’il ferait concrètement pour aider quelqu’un dans son entourage propre qui vivrait de telles situations, et comment il lui porterait secours..
Quant au message doctrinal qui a été communiqué à cette occasion, on réalise, à la lecture des faits, qu’il n’y a rien de nouveau, en dehors de cet appel complémentaire à la compassion. On ne comprend donc pas bien comment le journal la Croix a pu titrer, le 21 février 2013 : « Les évêques allemands autorisent la pilule du lendemain en cas de viol » ?


[1] Etude menée en 1998 menée en France par Monsieur Jacques SALVAT, Madame Chantal d’ARMANCOURT et Madame Solange VANDAME, pour répondre au rapport NISAND de février 1999 demandé par Martine Aubry et Bernard Kouchner. L’étude analyse 191 demandes d’avortement