"La nature et l’esprit... nous donnent bien assez d’abondance pour tendre au but pour lequel nous avons été créés". C’est ce qu’écrit le Père Schall en réponse à tous les prophètes de malheur qui annoncent que les habitants de la planète seraient trop nombreux, que les espèces d’oiseaux disparaîtraient à jamais et que notre « Terre-Mère » serait bien cruelle ! Bref, « Le mal à présent ne se défini[rai]t pas par nos péchés, mais par notre usage abusif de ressources rares » !

En réalité, le Père Schall nous invite à « contempler l’extraordinaire abondance du monde ? Comment se fait-il que nous ayons pu disposer de tant de biens pendant si longtemps ? ». Il nous rappelle que le terme « abondance » signifie excédent, profusion.

« La terre est le domaine de l’homme où il doit réaliser un objectif qui n’est pas seulement de préserver l’écologie de la planète. La protection de la terre passe en second après la sauvegarde de l’âme de chacun et de celle d’autrui ». C’est pourquoi, conclut le Père Schall, «  notre fin terrestre arrivera quand Dieu le décidera... et pas quand les abondantes ressources s’épuiseront ». 

Source : France Catholique du 13 juin 2017

Transcription: "les2ailes.com" 

Nous reprenons ici l’intégralité de l’article du père jésuite James V. Schall[1] traduit par Antonia (France Catholique)

Le « ressenti » prédominant à l’heure actuelle est que nous vivons dans un monde appauvri. Le pétrole va bientôt manquer, les ressources naturelles sont scandaleusement surexploitées et ne pourront être reconstituées. En outre, les habitants de la planète sont beaucoup trop nombreux et consomment sans modération aucune. Des espèces d’oiseaux et d’insectes disparaissent à jamais. Le « consumérisme » ne connaît pas de limites. Le grand ennemi de l’humanité est l’homme lui-même. Il ne se contrôle plus. Les perspectives de survie ne serait-ce que d’un petit nombre d’êtres humains mal nourris sont très minces. Nous devons agir maintenant, de manière décisive, avant qu’il ne soit trop tard.

Tel est le scénario apocalyptique qui s’impose dans les écoles, les médias, les gouvernements, les églises et les entreprises. Dans l’esprit de ses adeptes ce credo est plus fort que n’importe quelle foi. Remettre en question ses principes tient du blasphème. Notre Terre mère est finalement présentée comme une déesse cruelle. Pour beaucoup cette panique collective suscitée par le déclin présumé des ressources donne un sens à leur vie, car cela leur confère une mission urgente. Nous pouvons désormais embrasser une cause grandiose qui est de sauver le monde de lui-même. Le mal à présent ne se définit pas par nos péchés, mais par notre usage abusif de ressources rares. Les gouvernements sont chargés de la noble tâche de contrôler l’homme en limitant sévèrement les biens nécessaires à sa survie à long terme au fil des âges planétaires.

Existe-t-il une vision alternative ? Pourquoi la réalité ne nous incite-t-elle pas à contempler l’extraordinaire abondance du monde ? Comment se fait-il que nous ayons pu disposer de tant de biens pendant si longtemps ? Le terme « abondance » signifie excédent, profusion. Il provient du mot latin unda (vague). Quand la crête d’une vague se brise, la mer est haute, grosse de lames déferlantes. La propriété la plus étonnante du monde n’est pas qu’il contient trop peu de ressources pour ses propres fins, mais qu’il en contient beaucoup trop, comme s’il poursuivait une autre destinée.

La première question à poser n’est donc pas : « De combien de ressources disposons-nous ? », mais « Disposons-nous de ressources suffisantes et plus que suffisantes pour la finalité de notre existence sur cette terre ? » Les calculs touchant les besoins éventuels et les éléments donnés ne présentent qu’un rapport lointain avec la raison de l’existence de l’homme sur notre planète. Nous n’avons aucun motif de penser que, quand l’homme aura terminé son séjour sur cette planète, les ressources nécessaires à sa survie se seront épuisées du même coup.

La panique provoquée par l’insuffisance des ressources provient de l’hypothèse selon laquelle les membres de la race humaine sont destinés à rester sur cette planète aussi longtemps qu’elle existera. Les projections concernant la rareté des ressources sont basées sur ces prémisses discutables. La destinée et la finalité de la race humaine sur cette planète ne se réduisent pas à garder en vie quelques-uns de ses milliards de représentants aussi longtemps que faire se peut. Presque toutes les théories environnementales sur les ressources et l’homme sont fondées sur l’hypothèse contestable que l’homme n’a pour finalité de son existence que sa vie sur cette terre. Conserver quelques membres de cette race en vie le plus longtemps possible devient donc l’unique fin intelligible de l’homme.
Le deuxième présupposé de ce syndrome de la rareté est que les êtres humains n’ont pas de cerveau ou, tout au moins, de cerveau capable de traiter leurs problèmes à mesure qu’ils se présentent. Quand j’utilise le terme « abondance » pour décrire les ressources à notre disposition, j’y inclus la capacité de l’esprit humain d’apprendre ce qui existe vraiment dans la réalité et l’usage qu’on peut en faire. Nous ignorons quels genres de technologie seront disponibles dans un siècle ou deux. Si nous avions établi des prévisions concernant le XXe siècle sur la base de nos connaissances en 1900, celles-ci n’auraient compris ni l’ordinateur, ni l’exploration de l’espace ni les recherches sur les plantes. Ce n’est pas un hasard si les relations sont hostiles entre la théorie des limites de la croissance et la science et la technologie.

Si nous examinons notre sort sur cette terre du point de vue de l’abondance, nous constaterons que la disponibilité des ressources dépend de l’étendue de notre savoir ainsi que des énormes richesses déjà découvertes sur notre planète. La nature et l’esprit ne sont pas simplement le résultat d’un accident. Ces deux éléments nous donnent bien assez d’abondance matérielle pour tendre au but pour lequel nous avons été créés. Cette finalité n’est pas que quelques membres de la race humaine soient encore en vie quand la terre se désintégrera finalement ni qu’ils puissent émigrer dans une autre planète et persévérer dans l’être ad infinitum.

La destinée de la race humaine (qui fait aussi partie de la nature) est que chacun de ses membres créés par Dieu est libre d’atteindre ou de rejeter sa fin transcendantale. La terre est le domaine de l’homme où il doit réaliser un objectif qui n’est pas seulement de préserver l’écologie de la planète. La protection de la terre passe en second après la sauvegarde de l’âme de chacun et de celle d’autrui. Dans la révélation il est clair que notre fin terrestre arrivera quand Dieu le décidera, au moment où nous nous y attendrons le moins, et pas quand nos abondantes ressources s’épuiseront.

 

[1] James V. Schall S. J. qui a été professeur à Georgetown University pendant trente-cinq ans est l’un des écrivains catholiques les plus prolifiques d’Amérique. Parmi ses derniers ouvrages on peut citer : The Mind that is Catholic, The Modern Age, Political Philosophy and Revelation : a Catholic Reading, Reasonable Pleasures, et dernièrement : Docilitas : on Teaching and Being Taught.