« La chine est le pays qui met le mieux en œuvre la doctrine sociale de l'Église » ! C’est ce qu’a déclaré Mgr Sorondo, chancelier de l’Académie Pontificale des Sciences, après sa visite en Chine. Les propos sont rapportés par l’édition espagnole du site Vatican Insider du 2 février 2018. Les propos sont étonnants : « C’est un pays où le « bien commun » est la valeur première ; Tout est secondaire par rapport au bien commun ! ».
J’ai trouvé là-bas une « chine extraordinaire » !
Mgr Sorondo s’appuie publiquement sur une litanie de contrevérités surprenantes. Lesquelles ?

 Commentaire: "les2ailes.com"

1- Les arguments de Mgr Sorondo

a) « Il n’y a aucun bidonville ». Les guides officiels chinois n’ont pas dû emmener Mgr Sorondo dans la Chine profonde !

b) « L’environnement est respecté ». La capitale mondiale des poussières fines devait bénéficier de conditions météorologiques tout à fait exceptionnel quand Mgr Sorondo était à Pékin !

c) « C’est un pays où le « bien commun » est la valeur première ». Mgr Sorondo ne confond-il pas deux concepts qui n’ont rien à voir : l’« Intérêt général », l’ « utilité publique » et le « Bien commun ».
L’utilité publique et l'intérêt général ont une dimension utilitariste qui se retrouvent dans une somme d’intérêts particuliers.  Ils évoluent en fonction des besoins sociaux à satisfaire et des enjeux d’une situation ou d’un pays. Il y a dans ces concepts, une forme de  bien du prince, dans le sens où il est de sa responsabilité, et vise les biens publics et les règles générales de la cité.
Le bien commun, lui, implique plus que le respect de la loi, comme exprimant l’intérêt général. Il nécessite un engagement de chacun comme condition de fonctionnement de la règle. Le bien commun n’est pas une norme ; il n’est pas défini par convention. C’est la « dimension sociale du bien moral » (Compendium de la DES). Le « bien commun » ne se consomme pas. Il ne se négocie pas.
L' "intérêt général" n'est que la somme de diverses mesures destinées à satisfaire le maximum d'inclinations individualistes. S'il en manque une, il faut l'ajouter. Le "bien commun" ne relève pas de l'addition mais de la multiplication de plusieurs facteurs. Si l'un est nul parce que ignoré, c'est l'ensemble qui devient nul: le bien commun est alors un tout qu'il faut restaurer. Peut-on réellement dire que les princes qui gouvernent la Chine ont le souci du « bien commun » au sens où l’entend l'Église ?

d) La Chine  « défend la dignité de l’homme» ! Contrairement à bien d’autres chefs d’états en visite officielle, Mgr Sorondo n’a pas dû évoquer le problème des prisonniers politiques !  La Chine est le premier pays au monde en nombre d'exécutions de condamnés à mort. La Chine est pourtant une des plaques tournantes des trafics d’organe. Mgr Sorondo devait en être conscient puisqu’il était accompagné du médecin américain Frank Delmónico, un des membres de l’Académie, considéré comme une éminence dans le domaine de la transplantation et un des plus éminents militants dans la la lutte contre le trafic d’organes.

e) « Les jeunes ne consomment pas la drogue» ! C’est oublier que, en raison de leur situation géographique particulière et de leur statut de port franc, Hong Kong et Macao sont depuis longtemps des points de concentration de la drogue en provenance du Triangle d’or, qui est ensuite acheminée vers les marchés internationaux. Le développement économique aidant, ces villes sont aussi devenues consommatrices. Depuis les années quatre-vingt-dix, la province du Fujian et surtout celle du Guangdong sont devenues la cible des producteurs et des trafiquants de drogue.
« Le rôle de la Chine est celui d’être un facilitateur des activités du crime organisé entre le Mexique et l’Amérique latine », explique Robert J. Bunker, professeur adjoint de recherche à l’école militaire de l’armée américaine (U.S. Army War College). C’est une situation, ajoute Bunker, où le régime chinois « via son nombre considérable de fonctionnaires corrompus – dont beaucoup sont en lien avec le crime organisé – va vendre n’importe quoi, ou fournir tout type de service pour en tirer profit : les armes, les précurseurs de drogues, les contrefaçons, les jeux et le blanchiment d’argent. »

f) « L’économie ne domine pas la politique, comme il arrive aux États-Unis, quelque chose des Américains eux-mêmes dirais». Sans prendre la défense d’un président Trump qui n’est pas le modèle à suivre, peut-on le haïr au point de devenir aveugle ? On est en pleine dialectique binaire séparant le monde entre les gentils chinois et les méchants pétroliers américains qui « manipuleraient » le président Trump !

g) « La chine met en œuvre l’encyclique Laudato si et applique l’accord de la COP21… La Chine assume un leadership moral que d’autres ont abandonné» ! La capacité à réduire le CO2 est-elle  le critère n°1 de la doctrine sociale de l'Église. Où sont les autres grands principes de subsidiarité, de la famille, de la dignité de l’homme ?

h) Mgr Sorondo peut-il donc dire que « les chinois travaillent pour le bien de la planète» !

2- Le contexte diplomatique

Certes, le Vatican est à la recherche d’un rétablissement de relations diplomatiques bilatérales avec la Chine. Le Vatican s’est, de tout temps, impliqué dans les jeux diplomatiques mondiaux. Déjà du temps de l’URSS, le Cardinal Casaroli, sous Jean XXIII et Paul VI avait été l’architecte d’une ostpolitik des « petits pas ». Qu’en penser ?  L’histoire jugera. Disons simplement que Benoît XVI pense que cette politique « a échoué », dit-il : « la nouvelle ligne de Jean-Paul II s'inspirait de sa propre expérience vivante, de son contact personnel avec ces puissances et ces forces. Évidemment personne ne pouvait alors espérer que le régime allait bientôt s'effondrer. Mais il est clair qu'au lieu de chercher à l'amadouer par des compromis, il fallait lui tenir tête. C'était le point de vue de Jean-Paul II et je l'approuvais".[1]
En ce qui concerne la Chine,  le Cardinal Joseph Zen ze-Kiun s’oppose avec vigueur à un accord en ce qui concerne la nomination des évêques qui serait un « gaspillage de l'Église ».

Certes Mgr Sorondo est un proche du Pape François, et a peut-être été envoyé en mission. L’objet n’est pas, ici de critiquer, l’action du Pape François. Mais la diplomatie est une chose, avec ses règles de discrétion. L’agitation médiatique de Mgr Sorondo en est une autre. Dire de pareilles contrevérités est même probablement contre-productif.

Tout ses propos, sans nuance, jettent un discrédit sur toute l’Académie Pontificale des Sciences. Il est vrai que Mgr Sorondo utilise cette institution comme une tribune pour son usage personnel en refusant de lui faire remplir sa mission principale scientifique, celle d’organiser un débat contradictoire sur le climat pour orienter le magistère sur ce signe des temps contemporains. Ce débat n’a jamais eu lieu car Mgr Sorondo le refuse. Il va  jusqu’à inverser radicalement l’objet de l’Académie en tenant ce propos : « Comme vous le comprendrez, l’APS suit (sic) le Magistère du Pape François sur le changement climatique tel qu’exprimé dans l’encyclique Laudato si (§ 23). Dès lors, je ne suis pas intéressé par quelques théories que ce soit déniant le changement climatique » ! ( mail du 11 sept 2017). Nous n’irons pas jusqu’à suivre ceux qui voient dans Mgr Sorondo un manipulateur qui instrumentalise le débat scientifique en participant à la rédaction d’une encyclique dans un sens, et , ensuite, s’y réfère pour la « suivre » (sic) !

[1] Benoit XVI dans son dernier ouvrage de 2016