Le terme d'Anthropocène a été popularisé en 2000 par le météorologue et chimiste de l'atmosphère Paul Josef Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995.
L’idée voudrait que, comme pendant les ères précédentes, la strate géologique correspondant à notre époque en gardera des traces visibles, ou pour le moins identifiables, par les géologues.
Mais ce qui est très étrange, c’est qu’un groupe de scientifiques, non-géologues pour la plupart, semble vouloir forcer la main pour faire intégrer cette subdivision dans l’échelle géologique.
Or l’humanité serait comme une nouvelle force géologique qui transformerait la planète de façon spectaculaire, principalement par la combustion de quantités prodigieuses de charbon, de gaz naturel et de pétrole. Ce concept est fondé sur une lecture faussée du réchauffement climatique.
Pourquoi donc, en recevant Nicolas Hulot le 21.11.2013,  Mgr Sorondo, chancelier de l’Académie pontificale des sciences, s’est-il à ce point approprié ce concept en disant : « Au sein de l'Académie qui rassemble des experts mondiaux, dont plusieurs prix Nobel, la cause anthropique de ce dérèglement a été validée par tous. Nous avons même contribué à l'émergence du concept d'ère “anthropocène”», avait-il expliqué avec énergie.
Dominique Bourg, souvent invité par les colloques écologiques catholiques, lui aussi affirme : « Nous entrons dans l’anthropocène, cette ère géologique caractérisée par un impact massif et destructeur des activités humaines sur le système Terre ». Il a d’ailleurs participé à une publication de Sciences Po intitulée « Penser l’Anthropocène » !
Qu’en pensent les géologues ?

Commentaire: "Les2ailes.com"

Certains géologues s’insurgent contre ce concept parce que amender l’échelle des temps géologiques n’est pas une petite affaire. Pour  que l’anthropocène soit officiellement reconnu, il faudrait lui trouver une réalité géologique, déterminer la signature permettant de l’identifier dans les strates géologiques qui se forment aujourd’hui sur la base de leur contenu en fossiles, et généralement séparés par une grande crise du monde vivant.  Par exemple, dans les strates géologiques, le passage de la fin de l’ère secondaire au tertiaire est marqué par une mince couche d’iridium provenant de la désintégration de la météorite qui a frappé la Terre il y a 65 millions d’années, contribuant ainsi à la disparition des dinosaures. ». Or ni l’origine anthropique des variations climatiques n’est prouvé, pas plus que les indicateurs dont nous disposons ne justifient de parler d’une « sixième extinction des espèces.

D’autres géologues s’interrogent : à partir de quand une telle « signature » apparaîtrait-elle dans la stratigraphie, signalant l’action de l’homme à grande échelle ? Certains chercheurs proposent des dates très reculées.
- L’apparition de l’agriculture, par exemple, il y a quelque 9 000 ans. Les débuts du défrichage à grande échelle auraient, selon certains chercheurs, entraîné de légères variations de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2) ou en ­méthane (CH4), que l’on distinguerait dans les carottes de glaces. Mais la réalité de ces fluctuations, trop faibles pour être univoques, est sujette à caution.
- Pour croître, la forêt a pompé de grandes quantités de carbone dans l’atmosphère : les carottes de glaces prélevées au Groenland montrent bel et bien qu’autour de 1610 la concentration ­atmosphérique de CO2 baisse assez brusquement de 7 à 10 parties par million (ppm)
- Faudrait-il remonter aux  essais nucléaires atmosphériques qui ont dispersé des éléments radioactifs tout autour du globe et que l’on retrouve dans les sédiments ?
Ces critères sont fondamentaux car ils doivent être à la fois « globaux et synchrones. Le synchronisme est capital car le repère sert, d’abord, à dater »[1]

La communauté des géologues n’est donc pas prête à se faire imposer des appellations dans l‘échelle des temps géologiques par des climatologues en mal de discours anxiogènes. D’ailleurs, même le cas de l’appellation « ère quaternaire », proposée en 1829 par Jules Desnoyers, n’a été fixée qu’en 2009 après des décennies de discussion pour savoir si la limite inférieure du quaternaire devait être fixée, soit à 2,588 millions d’années, soit à 1,806 millions d’années, décidant finalement que l’étage Gélasien n’en faisait pas partie[2].

Lors du Congrès géologique international qui s’est tenu à Cape Town, du 28 août au 2 septembre 2016, seuls deux orateurs ont évoqué ces aspects stratigraphiques. La séance n’était pas ouverte, en début d’après-midi, que déjà les journaux quotidiens prétendaient en donner le bilan comme s’il s’agissait d’un élément important. Le premier orateur, Waters, défendait l’idée de l’introduction de cette période (mais contrairement à ce que l’on a pu entendre, jamais il n’a proposé une « ère », seulement une « série »). Le deuxième orateur, Stan Finney, co-signataire de cet article, rappelait simplement quels étaient les critères requis pour introduire une subdivision de l’échelle des temps géologiques et constatait que l’Anthropocène ne les possédait pas, ce qu’a reconnu Waters.

Personne ne conteste l’influence que l’Homme exerce sur la planète, mais faire une nouvelle ère, ou même seulement une nouvelle période, ou époque ou même étage, semble inapproprié, le pas de temps n’est absolument pas comparable. Adopter un changement d’ère parce qu’un événement est planétaire et durable est-il une raison suffisante ? Si tel est le cas, alors il faudrait changer d’ère après certains gros tremblements de Terre puisqu’ils modifient la répartition des masses et donc l’axe de la figure de la Terre. Par exemple, le 11 mars 2011 un séisme d’intensité 9 s’est produit sur les côtes japonaises, suivi peu de temps après par un puissant tsunami. Ce séisme a aussi modifié la vitesse de rotation de notre planète sur son axe.

La période Anthropocène est définie comme due à l’homme (mais pas à tous les hommes sur Terre), elle s’inscrit dans l’histoire de l’humanité, elle a sa place dans le calendrier de l’histoire humaine. Pourquoi vouloir en faire une ère géologique ? Ce serait à la fois inutile et inapproprié car elle n’en possède pas les caractères[3].

Conclusion

On est un peu surpris que ce concept ait été lancé par Paul Krutzen, alors que c'est lui qui avait participé à une conférence du Giec à Lima en 2011 sur la géo-ingénierie suggérant d'injecter artificiellement des particules de sulfate dans la haute atmosphère - la stratosphère !

On sent poindre beaucoup d’idéologie dans ce concept au point que certains préfèrent, au terme « Anthropocène » qu'ils estiment trop général, d'autres appellations plus ciblées telles que « Occidentalocène », « Capitalocène », « Industrialocène » ou encore « Mégalocène » .

 

[1] Source : http://www.sorbonne-universites.fr/publics/presse/nos-experts-dans-les-medias/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques.html

[2] Source : http://www.sorbonne-universites.fr/publics/presse/nos-experts-dans-les-medias/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques.html

et  https://journals.openedition.org/quaternaire/5289

[3] Source : http://www.sorbonne-universites.fr/publics/presse/nos-experts-dans-les-medias/pourquoi-vouloir-imposer-lanthropocene.html