En juillet 1675, Madame de Sévigné est à Paris et assiste à la procession de la châsse de Sainte-Geneviève:  « J’ai été… voir passer la procession de Sainte-Geneviève… Vous allez me demander pourquoi on l’a descendue : c’était pour faire cesser la pluie, et venir le chaud » (lettre du 19 juillet 1675). Eh oui ! La population subit, même l’été,  les rigueurs de la période qualifiée de  « petit âge glaciaire », entre le début du XIV° et la fin du XIX°, connue pour correspondre à un cycle glaciaire bien répertorié.
Elle constate huit jours après que le chaleur est enfin arrivée par la force d’un simple aléa climatique, puisque, dans le même temps, sa fille se plaint du froid qui persiste en Provence:  « il fait bien chaud à Paris… vous avez donc toujours votre bise …» (lettre du 24 juillet 1675)
La prière du peuple parisien aurait-elle donc été exaucée ? « Je suis persuadée que notre châsse a  fait ce changement ».  Mme de Sévigné, sous influence de son temps, attribue cet aléa météorologique à la vertu de la prière publique. Mais au fond, elle a tout compris, puisqu’elle ajoute : « le procédé du soleil et des saisons est tout changé, et je crois que j’eusse trouvé, comme vous, que c’était la vraie raison » (lettre du 24 juillet 1675).
Faut-il pour autant railler la prière populaire ? La crédulité a changé de camp. Le rationalisme postmoderne infantilise les opinions publiques dans une crédulité quasi religieuse. En effet, les instances internationales du Giec  se refusent à faire des calculs sur les observations antérieures  à 150 ans. La prière populaire avait le mérite de maintenir le lien entre Dieu, l’humanité et la création. Une vraie leçon d’écologie intégrale !
Retour sur la dévotion parisienne à sainte Geneviève et sur les processions de la châsse des reliques de la Sainte !

Source : Liturgia

Commentaire: "les2ailes.com"

La tradition des processions de la châsse de Sainte-Geneviève

La procession des reliques de sainte Geneviève marque le souvenir de la préservation miraculeuse de Paris obtenue par sainte Geneviève lors de l’invasion des Huns.  Morte en 512 à l’âge de 90 ans, sainte Geneviève fut ensevelie dans la crypte de la basilique dédiée aux saints Apôtres Pierre & Paul, par la volonté de la reine des Francs sainte Clotilde. La construction de cette basilique sur une montagne de Lutèce (le Mont Lucotitius) par le roi Clovis avait répondu à une demande de Geneviève. C’est dans cette même basilique qu’avait déjà été enterré Clovis, mort en 511, et il est probable qu’on déposa le corps de la sainte à côté de celui de son roi.
La grande dévotion & le grand amour des Parisiens envers leur sainte patronne fit que la basilique changea rapidement de nom et devint la basilique Sainte-Geneviève, sur la montagne qui prit elle aussi ce même nom. Un chapitre de chanoine y fut établi, avec à leur tête un abbé, la basilique Sainte-Geneviève devint l’abbatiale de ce monastère. L’église de Saint-Etienne-du-Mont fut construite accolée à l’Abbatiale, afin de servir de paroisse aux habitants du quartier qui se développa sur la Montagne Sainte-Geneviève.

La première procession connue eut lieu en 886, lors du 6ème siège de Paris que les Normands avaient démarrés le 25 novembre 885. Les chanoines de Sainte-Geneviève portèrent la châsse là où le combat était le plus difficile. Cette action revigora le courage des défenseurs, Paris ne fut pas prise et fut par la suite définitivement délivrée de la fureur des Normands.
La seconde procession connue fut aussi la plus fameuse : elle eut lieu le 26 novembre 1130, alors que le Mal des Ardents – épidémie due à l’ingestion d’ergot de seigle – décimait Paris, ayant déjà fait plus de 14 000 morts. L’évêque de Paris ordonne des jeûnes & des prières publiques, puis conduit la procession avec la châsse de sainte Geneviève, depuis sa basilique jusqu’à Notre-Dame. 100 malades sur 103, après avoir effleuré la châsse lors de son passage, furent miraculeusement guéris (les trois sceptiques moururent) : c’est le fameux Miracle des Ardents.

La châsse était originairement portée par les Génovéfains, les chanoines réguliers de l’Abbaye de Sainte-Geneviève. En 1412, à la demande des habitants de Paris, une confrérie de sainte Geneviève fut érigée en vertu d’un bref du Pape et de lettres patentes de Charles VI. La Compagnie des porteurs de la châsse fut limitée à 16 membres. Ceux-ci étaient choisis au sein des six corporations marchandes de la ville de Paris : drapiers, épiciers, merciers, pelletiers, bonnetiers, orfèvres, puis quelques temps après, libraires-imprimeurs et marchands de vin. La châsse devait être portée tête nue, pieds nus et sans barbe, en habit de pénitent public (une aube de toile blanche), avec un chapelet à la ceinture. Les membres de la Compagnie, cooptés, étant nommés à vie, on institua rapidement à 14 puis 24 « attendants » afin de subvenir aux difficultés physiques des plus âgés. 

L’archevêque de Paris et l’abbé de Sainte-Geneviève ne pouvaient organiser de procession qu’à la suite d’un arrêt du Parlement les y autorisant expressément. Souvent, c’était du reste le Parlement de Paris lui-même qui décidait de la date retenue pour faire la procession.

Le cérémonial de la procession

Il suivait un ordre protocolaire somme toute classique en liturgie. Il a peu changé pendant tout l’ancien régime :

  • en tête du cortège, les ordres religieux,
  • puis le clergé de certaines paroisses parisiennes – en particulier des deux filles de Sainte-Geneviève : Saint-Médard et Saint-Etienne-du-Mont, avec leurs croix, bannières et reliquaires,
  • portée par les orfèvres, la châsse de saint Marcel,
  • en fin de procession, la châsse de sainte Geneviève, portée par ses confrères pieds nus,
  • suivie des chanoines de Sainte-Geneviève, pieds nus, et de ceux de Notre-Dame de Paris,
  • auxquels succèdent l’abbé de Sainte-Geneviève, pieds nus, & Monseigneur l’archevêque de Paris,
  • enfin les membres des trois cours souveraines (Parlement, Chambre des Comptes, Cour des Aides), le Gouverneur de Paris, les officiers de la Ville (Prévôt des Marchands (l’équivalent du Maire) et les échevins de Paris (l’équivalents des conseillers municipaux), suivis toujours d’un grand concours de peuple.

Après la messe, une procession similaire ramenait la châsse de sainte Geneviève en son Abbaye.
Parmi les processions d’Ancien Régime, évoquons celle du 22 juin 1567, ordonnée pour une grande sécheresse : la pluie se mit à tomber avec une telle abondance que la procession eut peine à avancer, celle du 27 mai 1694, ordonnée en raison d’une terrible sécheresse tandis que la guerre faisait rage : avant la fin de la procession, les nuages s’amoncelèrent et la pluie tomba.
Une dernière procession fut organisée le 16 décembre 1765, avant la révolution.

La révolution

Le 14 août 1792, les révolutionnaires n’osant encore détruire la châsse de sainte Geneviève, la firent transporter à l’église Saint-Etienne-du-Mont malgré les protestations de Louis XVI, rapportées dans son procès. Après la mort du roi, la châsse de saint Geneviève fut enlevée et déposée à la Monnaie où l’on pilla toutes les pierres précieuses qui y étaient ensachées (beaucoup d’entre elles étaient des cadeaux de reines de France). Le 6 novembre 1793, les membres de la commune de Paris, escortés de volontaires, entrèrent à l’ancienne Abbaye de Sainte-Geneviève à 10 heures du matin pour procéder à l’enlèvement de tous objets de culte. N’y trouvant plus rien, ils y détruisirent les vitraux, les boiseries et les statues.
Après la révolution, on réunit des reliques de sainte Geneviève qui avaient été données à différents sanctuaires au cours des âges. 

Les processions aux XIX° et XX°

Il fallut attendre le XXème siècle pour voir de nouveau des processions extraordinaires parcourir les rues de Paris, en dehors des translations des reliques.
Le 8 septembre 1914, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie, alors que rien ne semblait pouvoir arrêter l’armée allemande qui s’approchait dangereusement de Paris, une procession solennelle précédée de trois jours de prières est conduite sur ordre de S.E. le cardinal Amette, archevêque de Paris. Quatre jours après, le 12 septembre (fête du Saint Nom de Marie), la victoire de la Marne permettait d’écarter définitivement le danger de la chute de la capitale.
Une autre procession pour la préservation de Paris fut menée le 19 mai 1940 par S.E. le cardinal Suhard, archevêque de Paris, en présence des membres du gouvernement de M. Paul Reynaud, alors que les Panzerdivisions allemandes déferlaient sur la France par suite de la percée de Sedan du 15 mai.
Une troisième procession eut lieu en janvier 1947 sous la conduite du nonce apostolique Monseigneur Roncalli (futur saint Jean XXIII, qui devait en 1962 placer la Gendarmerie française sous le patronage de sainte Geneviève), assisté de Monseigneur Evrard, ancien évêque de Meaux.
Depuis 2007, de nouvelles processions sont organisées qui ont lieu autour de la fête de sainte Geneviève le 3 janvier, de façon régulière (et non plus extraordinaire), par dévotion et sans référence à une calamité publique précise.