"Une science climatique mal orientée s’est métastasée en une pseudoscience journalistique massive" 
(John Clauser, prix Nobel de physique 2022)


Plus de 100 ans de combat pour la liberté de la presse ! Et voilà que le 14 septembre dernier, la journaliste Anne-Sophie Novel a publié le fruit d’une charte qu’elle a coordonnée « Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique »[1].

L’urgence climatique, justifie-t-elle un tel à peu-près médiatique en s’interdisant toute forme de débat, de questionnement scientifique ? Anne-Sophie Novel est connue pour la chasse qu’elle mène aux dites fake-news.

Derrière elle, la charte est signée par plus de 1.500 journalistes pour qui toute forme de dissidence est une fake news. On trouve plus de 180 journalistes se qualifiant d’indépendants, mais surtout, plus de 140 signataires de l’audiovisuel d’état[2] (France TV, Radio France et France-Medias-Monde), 30 signataires dans Le Monde et sa filiale LaVie, 21 signataires à Libération, 12 signataires à BFM, 11 signataires à TF1 et sa filiale LFI, 12 signataires à BFM. On en trouve moins de 16 à CNews, Le Figaro, Monte-Carlo, Europe 1, ou HuffPost. Mais une dizaine dans la presse économique[3]. Dans la presse écrite régionale, tous les actionnaires de Sud-Ouest ont signé, mais également une dizaine dans d’autres journaux[4].
La presse catholique n’est pas épargnée avec en particulier 25 signataires dans le Groupe Bayard[5], une 15aine dans le réseau de radio chrétiennes francophones RCF, et même 2 signataires dans « Famille et éducation », le magazine de l’APEL.
Dans "Media participation", on trouve 3 signataires dans Rustica et Revue21, même s’il n’y en a pas dans Famille chrétienne, ni Pilote, ni Spirou.
Personne n’a signé à KTO ni à Radio-Notre-Dame.
Cette contagion n’est pas prête de s’arrêter puisque 7 écoles de journalisme[6] ont signé, mais également 13 syndicats et associations de journalistes[7] et une centaine de rédactions de plus ou moins grande audience et en particulier celles ciblant des jeunes publics[8].

Quand la rhétorique de l’état d’urgence va-t-elle inquiéter les juristes ? Aujourd’hui, la charte n’est pas contraignante. Elle ne relève pour l’instant que d’une auto-censure. Mais demain ? Elle pourrait être invoquée par la justice pour justifier le bon droit d’un licenciement de journaliste, ou une discrimination à l'embauche.[9]. Et demain, l'adhésion des directions de rédaction pourrait devenir un critère d'attribution des subventions d'état à la presse.
À quand l’interdiction du questionnement, le contrôle de l’information, la censure de l’humour ? L’encadrement médiatique des consciences est en marche. Pratiquement aucun journaliste ne s’élève pour dénoncer cet « état d’urgence climatique » qui remet en cause la liberté de penser, la liberté de débattre.
Aucune élite non plus. Il n’est qu’à lire le philosophe écologiste Dominique Bourg « aucune liberté n’est absolue ». Il suffit également d’entendre Jancovici reprocher aux journalistes d’inviter des climatosceptiques: « à partir du moment où vous ne les invitez pas, ils n’existent pas ces gens-là ! »[10], dit-il !
On soulignera le mérite de Louis Daufresne, dans une tribune de LSDJ, qui s’interroge : « un tel niveau d’engagement peut-il être indolore ?... Et quid du droit de débattre contradictoirement si le consensus est médiatiquement acté ? ». Pour illustrer son questionnement, il commente la disputatio organisée par l’Institut Éthique et Politique le 18 octobre entre Stanislas de Larminat et Olivier Rey.

Transcription "Les2ailes.com"

 « QUAND LES MEDIA S'ENGAGENT POUR L'URGENCE CLIMATIQUE »

Par Louis Daufresne - Publié le 21 octobre 2022

Il n’y a pas que l’air qui se réchauffe, les media montent également en température et surtout en pression : après les chaleurs records de cet été, la mobilisation des grandes rédactions s’intensifie depuis la rentrée. Fin août, France Télévisions et Radio France faisaient leur « tournant environnemental », matérialisé par un plan de formation visant tous les salariés. TF1 dévoilait aussi sa « feuille de route climat » avec des reportages futuristes imaginant la France en 2030, un comité d’experts aux petits soins des journalistes du groupe. « Il ne s'agit pas d'être dans le militantisme mais dans la pédagogie », soulignait le directeur de l’information Thierry Thuillier. Grâce à un partenariat avec RTE, France Télévisions et TF1 relaient désormais les alertes Ecowatt, afin d'éviter les coupures cet hiver. Pour la COP 27 à Charm el-Cheikh en Égypte (6-18 novembre), la première chaîne prévoit une « opération spéciale » d'extinction des lumières (monuments historiques, institutions, etc.).
Ces choix éditoriaux coïncident avec la Charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique signée mi-septembre par une cinquantaine de rédactions. Le texte dit que « le consensus scientifique est clair [et que] la crise climatique et le déclin rapide de la biodiversité sont en cours, et [que] les activités humaines en sont à l’origine ». Le premier point veut « traiter le climat, le vivant et la justice sociale de manière transversale ». Le dernier engage à « participer à un écosystème médiatique solidaire ». Le quatrième point indique que « l’essentiel des bouleversements est produit à un niveau systémique et appelle des réponses politiques ».
Systémique ? C’est l’effet recherché par l’industrie de l’information. TF1 revendique 500 sujets par an liés à la transition écologique. Regroupés sous la marque « Notre planète », ils seront quantifiés grâce à un baromètre dédié. D’un point de vue déontologique, un tel niveau d’engagement peut-il être indolore ? Raisonner par quota va-t-il de soi ? Et quid du droit de débattre contradictoirement si le consensus est médiatiquement acté ?

Mardi soir avait lieu une table ronde intitulée « peut-on douter du réchauffement climatique ? » Poser la question, ce n'était pas donner la réponse. Il s’agissait de s’interroger sur la cause humaine du phénomène. Organisé par l’Institut Éthique et Politique, l’événement s’inspirait de la méthode intellectuelle de la disputatio. Olivier Rey, philosophe et mathématicien, avait accepté de débattre avec Stanislas de Larminat, ingénieur agronome et bioéthicien.
Si les deux hommes s’accordent sur la complexité de la question climatique, Olivier Rey note que depuis le début de l’ère industrielle, l’homme se demande si son activité ne réchauffe pas la planète, quand Stanislas de Larminat pointe l’influence magnétique du Soleil et les incohérences des modèles du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Olivier Rey n’étant pas climatologue, le débat se déplace sur un autre terrain : pourquoi autant d’États s’accorderaient-ils sur l’urgence climatique si rien ne la justifiait ? Le mot de complotisme est lâché mais l’échange ne dérape pas. Stanislas de Larminat lui préfère un autre concept, l’effet d’aubaine.
Selon lui, l’urgence climatique permet à une foule d’acteurs d’accroître leur part de marché politique et leur capital symbolique :
- aubaine pour tous les Attali qui disent « à problème global, gouvernance mondiale » ;
- aubaine pour les ONG qui, sans suffrages populaires, gagnent en influence et en injonctions ;
- aubaine pour les financiers, qui, faute de pouvoir relancer la croissance à partir d'une consommation choisie par le citoyen, lui imposent des normes, comme l'envisage la « croissance verte » ;
- aubaine pour les malthusiens, persuadés que la réduction de la population réduira les émissions de CO2 ;
- aubaine pour les pays du Nord qui recommandent aux pays du Sud de ne pas suivre leurs modèles de développement, comme pour mieux les étouffer ;
- aubaine pour les pays émergents qui plaident pour limiter les émissions de CO2 par habitant (et non par pays), avec l'espoir que les pays riches délocalisent vers eux les industries fortement polluantes ;
- aubaine pour les USA qui exportent leurs écologistes pour mieux paralyser les économies européennes (un peu comme François Mitterrand reprochait à l'URSS d'exporter ses pacifistes) ;
- aubaine pour les matérialistes désireux de substituer au culte du Créateur celui de la créature (Gaïa).
Bref, la litanie est longue. Elle nous dit qu'à rebours des opinions publiques, prêtes à agir de manière responsable et désintéressée pour le climat, il n'en serait pas de même chez ceux qui parlent en leur nom.
Qu'il y ait un effet d'aubaine ou pas, cela ne change rien au fond de la question. Si le climat se réchauffe, et si cela s'aggrave au point de rendre la Terre invivable, le temps du débat devra céder le pas à celui de l'action, idée qu'Olivier Rey promeut avec sagesse.


[1] Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique

Le consensus scientifique est clair : la crise climatique et le déclin rapide de la biodiversité sont en cours, et les activités humaines en sont à l’origine. Les impacts sur les écosystèmes et les sociétés humaines sont généralisés et, pour certains, irréversibles. Les limites planétaires sont dépassées l’une après l’autre, et près de la moitié de l’humanité vit déjà en situation de forte vulnérabilité.
Dans son sixième rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) insiste sur le rôle crucial des médias pour « cadrer et transmettre les informations sur le changement climatique ». Il appartient à l’ensemble des journalistes d’être à la hauteur du défi que représente l’emballement du climat pour les générations actuelles et à venir. Face à l’urgence absolue de la situation, nous, journalistes, devons modifier notre façon de travailler pour intégrer pleinement cet enjeu dans le traitement de l’information.
Tel est l’objet de la présente charte. Nous invitons donc la profession à :

  • Traiter le climat, le vivant et la justice sociale de manière transversale. Ces sujets sont indissociables. L’écologie ne doit plus être cantonnée à une simple rubrique ; elle doit devenir un prisme au travers duquel considérer l’ensemble des sujets.
  • Faire œuvre de pédagogie. Les données scientifiques relatives aux questions écologiques sont souvent complexes. Il est nécessaire d’expliquer les ordres de grandeur et les échelles de temps, d’identifier les liens de cause à effet, et de donner des éléments de comparaison. 
  • S’interroger sur le lexique et les images utilisées. Il est crucial de bien choisir les mots afin de décrire les faits avec précision et rendre compte de l’urgence. Éviter les images éculées et les expressions faciles qui déforment et minimisent la gravité de la situation
  • Élargir le traitement des enjeux. Ne pas renvoyer uniquement les personnes à leur responsabilité individuelle, car l’essentiel des bouleversements est produit à un niveau systémique et appelle des réponses politiques
  • Enquêter sur les origines des bouleversements en cours. Questionner le modèle de croissance et ses acteurs économiques, financiers et politiques, et leur rôle décisif dans la crise écologique. Rappeler que les considérations de court terme peuvent être contraires aux intérêts de l’humanité et de la nature.
  • Assurer la transparence. La défiance à l’égard des médias et la propagation de fausses informations qui relativisent les faits, nous obligent à identifier avec précaution les informations et les experts cités, à faire apparaître clairement les sources et à révéler les potentiels conflits d’intérêts.
  • Révéler les stratégies produites pour semer le doute dans l’esprit du public. Certains intérêts économiques et politiques œuvrent activement à la construction de propos qui trompent la compréhension des sujets et retardent l’action nécessaire pour affronter les bouleversements en cours.
  • Informer sur les réponses à la crise. Enquêter avec rigueur sur les manières d’agir face aux enjeux du climat et du vivant, quelle que soit leur échelle d’application. Questionner les solutions qui nous sont présentées.
  • Se former en continu. Pour avoir une vision globale des bouleversements en cours et de ce qu’ils impliquent pour nos sociétés, les journalistes doivent pouvoir se former tout au long de leur carrière. Ce droit est essentiel pour la qualité du traitement de l’information : chacun•e peut exiger de son employeur d’être formé•e aux enjeux écologiques.
  • S’opposer aux financements issus des activités les plus polluantes. Afin d’assurer la cohérence du traitement éditorial des enjeux du climat et du vivant, les journalistes ont le droit d’exprimer sans crainte leur désaccord vis-à-vis des financements, publicités et partenariats média liés à des activités qu’ils jugent nocives.
  • Consolider l’indépendance des rédactions. Pour garantir une information libre de toute pression, il est important d’assurer leur autonomie éditoriale par rapport aux propriétaires de leur média.
  • Pratiquer un journalisme bas carbone. Agir pour réduire l’empreinte écologique des activités journalistiques, en utilisant notamment des outils moins polluants, sans pour autant se couper du nécessaire travail de terrain. Inciter les rédactions à favoriser le recours aux journalistes locaux. 
  • Cultiver la coopération. Participer à un écosystème médiatique solidaire et défendre ensemble une pratique journalistique soucieuse de préserver de bonnes conditions de vie sur Terre.

[2] France Télévision (France2, France 3, France-Info, ..) ;  Radio France (France culture, France Inter, France bleu, RTS …) : et le groupe national France-Medias-Monde  (France 24, RFI, Info-Migrants, …)

[3] 2 signataires  à « les echos », 1 à « Capital », 2 à « L’Express », 3 à «LePoint », 2 à « Usine Nouvelle »

[4] Presse écrite régionale : 3  à Ouest-France, 3 centre ouest, 1 Est-Eclair, 13 dans le groupe « Nouvelle République »,

[5] Groupe Bayard :  plus de 25 signataires à LaCroix et Le pèlerin (dont Dominique Lang), Okapi, Youpi, Popi, …

[6] 7 Écoles de journalisme (Conférence des écoles de journalisme,  École Publique de Journalisme de Tours, Institut de Journalisme de Bordeaux-Aquitaine, Université de Bordeaux-Montaigne, École supérieure de journalisme de Lille, Université de Lille,  Centre universitaire d’enseignement du journalisme de l’Université de Strasbourg,… )

[7] 13 syndicats et associations de journalistes (Syndicat National des journalistes (SNJ), CFDT- journaliste, collectif Extra-Muros, Association des Journalistes-écrivains pour la Nature et l’Écologie (JNE), SNJ-CGT, Association des journalistes de l’environnement (AJE), Association des journalistes de l’information société (AJIS), Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI), Collectif de journalisme de solutions-Antidotes, Collectif of Freelance Journalists (WR), Fake/off, Collectif Sources, Journalisme et citoyenneté (J&C), Press-Club de France,

[8] Une centaine de rédactions de plus ou moins grande audience, dont, entre autres,  Reporterre,  RFI, France 24, Mediapart, Novethic, Radio-Nova, Alternatives, Rue89 Bordeaux et Lyon, Notre Temps, Youpi, 20 minutes, Science&Vie Junior, Phosphore, Curiaunotes des sciences, …

[9] Si elle était annexée au règlement intérieur d’un organe de presse, elle pourrait devenir opposable à tous les journalistes. Son non-respect pourrait générer des sanctions, ou à tout le moins un droit à la discrimination lors de l’embauche d’un journaliste.

[10] Interviewe sur france5 (minute 1’38) le 30/08/2022, émission « C à vous » ; https://www.youtube.com/watch?v=3UAOmMgl17s