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"Catéchisme de la Communauté de l'Emmanuel"

Mgr de Moulins-Beaufort a annoncé, à l’Assemblée générale des évêques à Lourdes du printemps 2022, que le Conseil Famille et Société était chargé de la rédaction d’un texte de proclamation de foi en Dieu créateur et sauveur et d’un texte d’engagements fermes. Au cours d’une retraite itinérante autour de la France,  la marche à pied permettait de méditer sur ce que pourrait être le contenu d’une telle proclamation. Le texte qui suit n’a aucune prétention. Ce n’est qu’une suggestion dont pourrait s’inspirer le dit "Conseil Famille et Société" des évêques de France s’il jugeait utile de s’ouvrir à la réflexion d’un pèlerin soucieux de pastorale de Laudato si :

Réflexion : Les2ailes.com

  • Proclamation de foi en Dieu créateur et sauveur

Nous proclamons notre foi en Dieu tout puissant, créateur du ciel et de la terre.

Il tient sa toute puissance créatrice de sa nature même trinitaire dans laquelle le Père et le Fils résident l’un en l’autre dans un Esprit d’amour infini. La fécondité de cet amour est créatrice d’une créature appelée à chanter la Gloire de Dieu. Dieu appelle l’homme à être co-créateur. Il l’a créé « libre et maître de lui » [1], en particulier pour parfaire son identité de créature à l’image de Dieu, « jusqu’à être proclamé Dieu, c’est-à-dire divinisé, et [élevé…] du paradis au ciel »[2].
Dieu, par son fils, se fait plus qu’image de l’homme jusqu’à prendre la condition de sa créature pour l’appeler à librement exalter la bonté du Père : « Dieu se fait homme pour que l’homme devienne dieu », dit St-Irénée.
Nous croyons que notre monde naturel n’est qu’un « univers visible », qu’il a été soumis à « la servitude de la corruption » (CEC § 1046) et « est tombé, sous l’esclavage du péché. Mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré pour qu’il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son accomplissement » (Gaudium et spes § 2.2).

Nous témoignons que :

  • Dans la création, « Tout est donné » : La vie est donnée à chacun, mon prochain m'est confié, la création est un don. Ces dons nous obligent: notre vocation est don : « Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme, qui doit en faire usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté » (LS 115)
  • Dans la création, « Tout est lié » : « L’existence humaine repose sur trois relations fondamentales intimement liées : la relation avec Dieu, avec le prochain, et avec la terre » (LS § 66).
  • Dans la création, « Tout est fragile » : Pourtant, avec le psaume 118, nous chantons « La terre tient bon». Toutefois, suite au péché, « le regard de l’être humain [est] limité, obscur et fragile » (LS 239), et nous empêche de contempler la structure trinitaire de la création.
  • Dans la création, « Tout est trinitaire » :L’encyclique nous appelle à « essayer de lire la réalité avec une clé trinitaire » (LS § 239). « Cela nous invite non seulement à admirer les connexions multiples qui existent entre les créatures, mais encore à découvrir une clé de notre propre épanouissement. En effet, plus la personne humaine grandit, plus elle mûrit et plus elle se sanctifie à mesure qu’elle entre en relation, quand elle sort d’elle-même pour vivre en communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures. Elle assume ainsi dans sa propre existence ce dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé en elle depuis sa création. (LS § 240).

Lors de la première, création, « la terre était vide » et « Dieu dit "que la lumière soit", et la lumière fut ». Le jour de Pâques, « le tombeau était vide », et comme dit le cantique, « la lumière a jailli du tombeau ». Pâques est le premier jour de cette seconde création. « Jésus ressuscité a enfoncé la porte vers une vie nouvelle » [3], et nous projette dans un avenir radicalement nouveau ! Nous sommes appelés à une terre nouvelle et à la résurrection.
En définitive, nous croyons que  toute « la création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l’unification avec le Créateur lui-même » (LS  236).

  • Engagements fermes pour une écologie intégrale

Nous appelons tout homme de bonne volonté à s’engager pour une écologie intégrale dans laquelle toutes les relations entre Dieu et sa création sont constitutives de chacune de nos identités. Nous avons professé notre foi en un Dieu créateur et le Christ sauveur qui nous dit :"N'ayez pas peur! …Soyez dans la joie" (Jn 6, 20 - Mat 5, 12), "dans la joie …que donne l'abondance de toutes choses" (Deut 28, 47)..

N’ayons pas peur, mais nous entendons :

  • ceux qui s’inquiètent à propos du climat et en particulier le rapport du Giec déclarant qu’il serait trop tard pour atteindre l’objectif fixé à Paris lors de la COP 21 de limiter le réchauffement à 1,5° par rapport au début de l’ère industrielle, même si d’autres analyses évoquent la possibilité de mécanismes complexes d’origine naturelle y compris solaire et/ou cosmique ;
  • ceux qui ressentent une dégradation mesurable de la biodiversité dans nos environnements proches, même si d’autres doutent des indicateurs de mesure utilisés au plan planétaire.

Pourtant, des divergences d’analyse, même si certaines ont moins de visibilité médiatique que d’autres, nous renvoient à Laudato si. L’encyclique rappelle qu’« il est difficile de parvenir à un consensus… [et que] l'Église n’a pas la prétention de juger des questions scientifiques » (Ls 188).  
Malgré tout, il appartient à l'Église  de « scruter les signes des temps » (Gs 4.1). L’inquiétude écologique est un de ces signes que l'Église peut interpréter, à la lumière de l’évangile, pour répondre d’une manière adaptée aux questions contemporaines sur le sens de la vie. Toutefois, comme le dit le concile, « les laïcs ne doivent pas attendre de leurs pasteurs qu’ils aient une compétence telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission ». En revanche, les pasteurs sont dans leur mission en facilitant l’émergence, dans l'Église, d’un « débat honnête et transparent » (LS 188), sur ces questions prudentielles.
Les inquiétudes de nos contemporains nous appellent, en tout état de cause, à l’urgence d’une conversion. « Tout est lié », nous rappelle Laudato si ! Il ne s’agit pas de "relations accidentelles", comme pourraient l’être  des relations de cause à effet, mais des "relations essentielles" et vitales en ce que nous sommes liés à notre créateur et à autrui.  Cette conversion est celle du cœur.
Nous, pasteurs et laïcs engagés dans la pastorale, nous engageons personnellement et appelons chacun :

  • À se convertir dans un changement drastique de nos modes de consommation.
    Le gaspillage, et certaines formes de surconsommation, sont en effet constitutifs d’une véritable culture de mort au sens où ils nous font oublier que nous sommes mortels, où ils nous conduisent à privilégier l’avoir sur l’être. Ces comportements nous font également oublier les plus pauvres qui manquent souvent de l’essentiel.
    « La spiritualité chrétienne … encourage un style de vie prophétique et contemplatif, capable d’aider à apprécier profondément les choses sans être obsédé par la consommation. ... L’accumulation constante de possibilités de consommer distrait le cœur et empêche d’évaluer chaque chose et chaque moment. ... » (LS 222).  La véritable sobriété n’est pas le fruit d’une émotion de ressources qui seraient limitées, mais, si elle « est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice » (LS § 223).
  • À se convertir dans nos modes de production.
    Nos sociétés ayant comme ultime souci de produire là où les coûts sont les plus faibles cachent en fait une forme d’exploitation des populations aux revenus les plus faibles. Nos pays les plus compétitifs oublient qu’il y a des formes de concurrence internationale qui rendent les pauvres encore plus pauvres jusqu’à ne plus avoir de ressort pour produire par eux-mêmes.
  • À s’engager dans le partage,
    non pas vécu comme une forme plus ou moins malthusienne de redistribution, mais comme une nécessité absolue pour entendre la clameur des pauvres et la parole de Dieu. La capacité de partager … « signifie apprendre à donner, et non simplement à renoncer. C’est une manière d’aimer, de passer progressivement de ce que je veux à ce dont le monde de Dieu a besoin. C’est la libération de la peur, de l’avidité, de la dépendance» (LS § 9).
  • À accompagner les plus jeunes dans cette école de modération, mais aussi,
    • dans une véritable éducation, à côté de la pensée discursive, à la pensée symbolique. C’est à ce prix qu’ils auront l’intelligence émotionnelle pour entendre la clameur des créatures non humaines, chacune selon sa « valeur propre» (LS § 208).
    • dans une éducation à l’émerveillement : c’est la base de la louange et de la contemplation. « Cette contemplation de la création nous permet de découvrir à travers chaque chose un enseignement que Dieu veut nous transmettre» (Ls § 85)
    • dans une conscience de leur corps et que chacun « possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté » (Ls § 155). 
  • À réfléchir à titre personnel
    à la manière de finaliser le travail humain à la charité, ... [de lui] conférer une spiritualité animatrice et rédemptrice. Comme nous le dit Laudato si, avec l’écologie intégrale, « nous ne parlons pas seulement du travail manuel ou du travail de la terre, mais de toute activité qui implique quelque transformation de ce qui existe, depuis l’élaboration d’une étude sociale jusqu’au projet de développement technologique » (LS § 125). Telle est notre vocation de co-créateur à laquelle Dieu nous appelle.

Tous ces efforts de conversion « selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père, un Royaume éternel et universel  » (Gaudium et spes, § 39-2 et 3).

Stanislas de LARMINAT – 2022


[1] Ysabel de Andia, Homo Vivens. Incorruptibilité et divinisation de l’homme selon Irénée de Lyon, op. cit., p. 100.

[2] Ysabel de Andia, Homo Vivens. op. cit., p. 94.

[3] Benoit XVI, Homélie de Pâques 2012