Le rapport de l’UNICEF du 6 octobre 2023 parle de 43,1 millions d’ « Enfants déplacés par les changements climatiques ». Certes, des phénomènes météorologiques extrêmes, mais aussi des tremblements de terre, volcans ou tsunamis, et même des guerres, sont à l’origine de déplacements considérables de populations. Mais les émissions de CO2 sont-elles responsables de ces millions de victimes ?   

Analyse: les2ailes.com

Au plan scientifique, l’UNICEF commence par une réserve : le « lien entre les changements climatiques et les déplacements est complexe… Il est impossible d’imputer la survenue d’un événement isolé aux changements climatiques ». Qu’importe : le rapport parle d’ « un large consensus selon lequel les variations induites par les activités humaines ont une incidence sur ...les phénomènes météorologiques extrêmes ».  Y a-t-il consensus ? Le Giec émettait en 2013 les mêmes doutes sur cette corrélation : « il y a une faible confiance concernant le signe de la tendance … des inondations à l’échelle mondiale » (AR5 WG1 2.6.2.2). Mais le Giec se contredisait en 2021, en affirmant que « chaque fois que le réchauffement climatique s'accentue, les changements dans les extrêmes continuent de s'amplifier », en citant sécheresses et inondations (AR6, B.2.2). Décidément, concernant cette corrélation, on joue de l’art de dire une chose et son contraire ! Mettre, dans la même banque de donnée, des inondations liées aux moussons, d’autres à des typhons ou à El Nino, n’a aucun sens. Aucune référence ne donne les calculs de probabilité car le Giec ne « distingue pas les probabilités objectives et subjectives » (AR5 GT2, § 2.6.2), basées sur « des faisceaux d’indices » !  

Quant aux projections, les seules inondations fluviales « pourraient entraîner le déplacement de près de 96 millions d’enfants au cours des 30 prochaines années ». L’UNICEF se fonde sur un « Observatoire des déplacements internes (IDMC) » qui, pour ses projections, n’est pas un observatoire mais un institut usant de « modèles de risque » qui sont courants (modèles de Cox, Kaplan-Meier, Fine-Gray). Ces modèles avaient conduit l’Imperial College à prévoir 510.000 morts du Covid en Angleterre. Ces modèles surestiment les allégations en présupposant que les risques sont proportionnels et indépendants d’ « évènements concurrents » qui pourraient survenir et que les hypothèses retenues sont indépendantes du temps.

Dans le cas présent, comment ces modèles intègrent-ils des évènements comme l’urbanisation croissante des populations, le développement d’outils anticipant les évènements météorologiques pour en limiter les effets, ou les niveaux de développement économique des pays pauvres pour leur donner les moyens de s’adapter à des situations extrêmes ? Ils ne se focalisent que sur la corrélation avec les modèles climatiques, alors que l’IDMC, dans son rapport "Global Estimates » de 2014, parlait de "risques naturels liés au hasard » !

L’UNICEF exacerbe les émotions : Son rapport met en exergue des photos d’enfants, exhibe leurs noms: Abdul Zaim Khalid (Soudan), Juana Jennifer Tzoy (Guatemala), Khadijo Mohamed (Somalie), etc… Le but est d’exacerber des émotions pour encourager les esprits à lutter contre le réchauffement climatique sans se remettre en cause sur l’éradication de la pauvreté. Ajoutons à cela une caution morale concomitante : L’exhortation apostolique Laudate Deum, sortie deux jours avant le rapport de l’UNICEF, cite les mêmes phénomènes pour expliquer un nombre grandissant de personnes laissées « à la dérive » (§ 10).

Cette tendance n’est pourtant pas une fatalité. Pour enrayer ces déplacements, il serait préférable de de lutter contre la pauvreté.

Que font les élites pour expliquer que le développement d’échanges commerciaux sans frais de douane, met en concurrence les pays entre eux ? Cette situation enrichit les pays développés et émergents et appauvrit encore les plus pauvres.

Que font les élites pour confirmer ou infirmer, par de vrais débats contradictoires et publics, la primauté de l’activité humaine ? John Clauser, prix Nobel de physique 2022, a lui-même déclaré que "le narratif commun climatique constitue une dangereuse corruption de la science … La science climatique s’est métastasée en une pseudoscience journalistique massive".

L'enjeu, dans cette affaire, n'est pas l'égo de tel ou tel scientifique qui voudrait avoir raison. C’est une question de justice climatique. Encore faut-il s’interroger : de quelle injustice parle-t-on ? Toute surestimation démesurée de la cause humaine du réchauffement impose aux pays pauvres  une décarbonation qui les rend encore plus pauvres.

Les pays du Sud ne se développeront qu’à partir d’une énergie abondante et bon marché. Or, leur consommation électrique représente 10% de celle des pays développés. Quand la COP26 de 2021 interdit le financement de centrales énergétiques à partir de fossiles, elle contribue indirectement à accroître la pauvreté des pays pauvres ! Yoweri K. Museveni, président de l’Ouganda, l’a bien compris : « Nous voulons la levée du moratoire sur les investissements dans les combustibles fossiles pour l'Afrique, afin que nous puissions répondre aux besoins de nos populations. Il ne faut pas s'étonner que les Africains se tournent vers d'autres pays pour y trouver des investissements sans discours moralisateur. La surabondance d'investissements énergétiques chinois en Afrique … [les] arrivées plus récentes, des Turcs et des Indiens, pour construire des infrastructures et sortir l’Afrique de la pauvreté … Au lieu de cela, l'argent occidental s'est déversé dans des projets éoliens et solaires … l'Europe est complice de l'imposition de la pauvreté à l'Afrique ».

Les morts et les traumatismes consécutifs aux déplacements de population sont toujours des victimes du sous-développement plus que du climat.

N’y a-t-il pas, dans le rapport de l’UNICEF, une forme d’instrumentalisation de la misère pour entraîner les opinions publiques à souscrire à une autorité mondiale, contraignante, fort peu démocratique, et « concentrée … sur une élite au pouvoir excessif » (§ Laudate deum 35) ?